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Mais
quel est ce pays ?
Quel est ce pays où la « justice » interdit à un jeune détenu de sortir de prison, même de manière momentanée, pour se rendre à une séance de chimiothérapie à l'hôpital. C'est ce qui vient d'arriver à Ziane Bilel, arrêté le 13 septembre dernier pour avoir manifesté comme des dizaines de milliers d'Algériens et dont le tribunal a refusé la mise en liberté. Interdit de soin avant même d'être jugé... Une bien misérable punition qui donne une étrange définition au mot rahma. « Je sais que je vais mourir » a dit le jeune homme à son avocate, « mais je ne veux pas mourir en prison. Les jours qui me restent à vivre, je veux les passer dehors, hors des murs de la prison. » On reste pantois devant une telle inhumanité à l'égard d'un citoyen. Mais est-on surpris ? Certainement pas. Cette scandaleuse affaire est emblématique de la manière dont le système, et la justice qui lui reste inféodée, traitent ? ont toujours traité- le peuple algérien. Le mépris abject et la hogra... C'est cette même hogra que l'on voit sévir contre les dizaines de prisonniers d'opinions, traités comme de vulgaires criminels de droit commun alors que leur seul tort a été de manifester et de faire usage de la supposée liberté d'expression dont sont censés jouir tous les Algériens. Ce même mépris que l'on retrouvait dans les discours de l'ex-président Abdelaziz Bouteflika. Ce même mépris qu'affichaient les caciques du Front de libération nationale (FLN) quand ils étaient au fait de leur puissance. Je me souviens d'une phrase happée lors d'une conversation entre enseignants dans les années 1980 : « la manière dont les gens du Comité central nous regardent en dit long... » Cette manière n'a pas disparu. Il y a quelque chose de féodal, voire de colonial, dans le rapport entretenu par les dirigeants algériens avec leur peuple. Les « décideurs » passent mais ce rapport reste le même. Ce n'est que lorsqu'ils sont tombés de leur piédestal que les concernés redécouvrent les vertus du respect des droits de la personne humaine et de la démocratie... Mais quel est ce pays ? Quel est ce pays où les hôpitaux n'en finissent pas de s'enfoncer dans la décrépitude et le délabrement. On reste sans voix, accablé, par la terrible nouvelle de la mort de huit nourrissons dans l'incendie d'une maternité à Oued Souf. Bien sûr, le risque zéro n'existe pas. Des drames de ce genre, il en arrive partout y compris dans les pays les plus développés. Mais tout de même. Impossible de ne pas penser à l'état calamiteux des hôpitaux algériens, à ces gens, souvent des démunis, qui ne trouvent ni place en hôpital ni médicaments. Impossible de ne pas penser à cette réalité connue de tous qui dure depuis des décennies. La santé, qui représente pourtant le quatrième budget du pays, soigne mal et protège mal les Algériens. Sauf ceux qui ont le privilège de bénéficier d'une prise en charge à l'étranger, bien entendu. La santé, avec l'éducation, est le révélateur du drame algérien, de la désinvolture d'un pouvoir qui se moque de savoir si le peuple va bien ou pas, qui se moque de savoir si ses politiques fonctionnent ou pas. Comme pour l'éducation ou le logement, ce n'est pas une question de moyens. D'ailleurs, la parole officielle a beau jeu de mettre en avant les budgets mobilisés pour ces secteurs. Le problème est donc ailleurs. Dans la mise en œuvre des politiques, dans le suivi, dans l'évaluation, dans l'organisation, dans le choix des responsables. « Les gens n'y croient pas. Ils n'y croient plus. La pagaille est généralisée. C'est à qui ?tapera' dans la caisse le plus fort et le plus vite » me dit un quinquagénaire, ancien haut fonctionnaire dans la santé qui vient d'émigrer au Québec après avoir suspendu son départ durant plusieurs mois en raison de l'espérance née du Hirak. Il y croit encore, se promet de vite revenir au pays « pour aider » mais ne se fait aucune illusion sur la volonté de changement affichée par le pouvoir actuel. Mais quel est ce pays ? Quel est ce pays où l'information de la reprise en force des départs de clandestins et autres harragas ne fait l'objet d'aucun commentaire officiel. Plus occupé à menacer les Algériennes et les Algériennes qui ne veulent pas du scrutin du 12 décembre prochain, le général et chef d'état-major Ahmed Gaïd Salah ne semble pas concerné par ce sujet. Idem pour le président post-intérimaire Abdelkader Bensalah et pour l'ensemble du gouvernement. Comme me le dit un ami, « ils pourraient au moins faire semblant ». On en revient au mépris. Pour mieux se disculper, nos dirigeants ont toujours des mots durs à l'encontre des harragas. Peut-être est-ce parce qu'ils sont la preuve manifeste de leur échec. Le mouvement populaire du 22 février a créé un formidable élan d'espérance. N'en déplaise aux génuflecteurs et autres cachiristes, le peuple tient bon et veut le changement. La certitude, partagée, est qu'il ne faut pas rater cette opportunité. Un échec, matérialisé par la reconduction du système, signera un long bail en faveur du système. |
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