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«Il
faut qu'on fasse attention aux concepts qui n'aident pas à régler la crise,
nous ne renonçons pas à nos engagements, mais il faut qu'on donne le temps au
temps, on ne joue pas au ballon, on est dans un dialogue civilisationnel ».
Les propos sont de Karim Younès, le coordonnateur du panel de médiation et de dialogue. Ecorchant quelque peu l'indépendance du panel, il les a tenus jeudi dernier à Alger, au siège du réseau associatif Nada (c'est ici qu'on est nés », a-t-il dit, où il a animé une conférence de presse, entouré de plusieurs de ses membres. Propos qui constituent sa réponse à une question sur les préalables que le panel a posés dès son installation, entre autres, «la libération des détenus d'opinion». Les conférenciers ont applaudi la libération à Annaba, le même jeudi, du jeune détenu pour port du drapeau kabyle et contre lequel le parquet avait requis 10 ans de prison. En annonçant la relaxe du jeune, le président de la LADDH, Mokhtar Bensaïd, a précisé qu'«on ne peut dire que ce sont des détenus d'opinion, ils ont des avocats, on suit de très près ce qui se fait mais on doit laisser la justice faire son travail». Amar Belhimer explique à son tour à propos de ce préalable que «les dossiers sont en instruction, nous n'avons pas, nous, à nous ingérer dans le fonctionnement de la justice, on n'a même pas le droit de commenter une décision judiciaire». Le panel recentre ainsi son action autour de la mission dont il a la charge, «celle de médiation entre les acteurs politiques nationaux afin d'engager un dialogue qui puisse aboutir à une feuille de route consensuelle pour la sortie de crise», comme noté dans la déclaration préliminaire de Karim Younès. En rappelant que «la rencontre avec le chef de l'Etat, à la demande de ce dernier, a permis aux membres du panel d'expliquer la démarche et demander des mesures d'apaisement, ainsi que le changement de gouvernement, mesures que seul l'Etat peut prendre», il a affirmé que «nous ne renonçons pas à nos engagements, nous continuerons à demander des mesures pour apaiser la rue». Le panel ménage tout le monde Ceci, en précisant que «le groupe issu de cette initiative (le panel ndlr) ne s'attribue aucunement le rôle de représentant du mouvement citoyen ou du pouvoir ». Pour ses débuts, le panel tâtonne et essaie de ménager le plus de monde possible. Pris entre un pouvoir détesté et un Hirak débridé, ses membres savent qu'ils sont sur la sellette d'un rejet par tous ceux qui ont la critique acerbe facile et les arguments du dénigrement bien agencés. Ils tentent alors de délimiter un cadrage à «cette lourde mission qui est la nôtre», disent-ils, en se définissant comme étant «une structure ad hoc, indépendante, qui ambitionne de réunir le consensus requis pour une élection présidentielle qui réunisse toutes les garanties de transparence et d'intégrité, et qui s'appuie sur l'engagement bénévole et résolu de personnalités en vue de la société civile». Ils ont tenu à souligner, encore une fois, que «le panel n'a pas vocation à être le porte-parole d'une institution, de partis ou d'associations. Il n'a pas vocation à représenter le mouvement populaire (...), il partage les revendications portant sur les droits et les libertés individuelles et collectives et les garanties requises pour un scrutin crédible». Ils savent que «c'est extrêmement compliqué», comme soutenu par l'un d'entre eux, mais « on veut avancer », en «souhaitant après la médiation pour le dialogue, programmer une conférence nationale pour, à la fois, désigner la commission de préparation, d'organisation et de contrôle du scrutin électoral et élaborer la feuille de route du prochain mandat présidentiel, qui ne peut être qu'un mandat de transition, au cours duquel il devra être procédé à la révision profonde de la Constitution». Ils en « aspirent » pour cela à «l'unité des forces patriotiques et démocratiques pour qu'éclose le génie libérateur du peuple algérien au service de l'édification d'un Etat de droit assis sur une économie sociale de marché qui consacre le mérite tout en protégeant les plus démunis». Ils avouent tous cependant être «conscients des limites de leur action, dans un contexte critique, porteur de toutes les menaces sur les institutions, l'ordre et la stabilité, l'intégrité et la souveraineté nationales». Si «le panel prend acte du refus d'un certain nombre de personnalités nationales de renforcer son potentiel humain et respecte ce choix », son coordonnateur «regrette que cette instance ne puisse pas bénéficier d'un renfort qualitatif et expérimenté pour faire face au défi de changement (...)». «Le CNT était une Assemblée constituante» Son optimisme est que «le groupe s'élargisse et crée des comités de réflexion et d'action spécialisés dans des domaines très précis et notamment un comité des sages composé de personnalités historiques et des compétences avérées qui constitueront un laboratoire d'idées et d'orientations pour assurer l'éclairage nécessaire à la mission de médiation». Le panel a voulu que sa première rencontre (mercredi dernier) soit «avec des représentants du Hirak, une symbolique», dit Karim Younès. « Ils étaient 29 représentants venus de 10 wilayas, personne ne veut aller vers une période de transition, ce serait un saut dans l'inconnu », fait savoir Belhimer, qui rappelle que «le CNT (Conseil national de transition, ndlr) était une Assemblée constituante, il n'a rien donné ». Il explique que « le modèle transitionnel constituant, imposé par l'OTAN à la Libye, a été très dangereux, où en est la Libye aujourd'hui ?!? ». Fatiha Benabou l'appuie en soutenant qu' «une Constituante, c'est dangereux parce qu'elle signifie l'effondrement de l'Etat». Elle reprend en main «l'obligation d'appliquer les articles 7 et 8 de la Constitution brandie par le Hirak» et explique à ce propos que «ça n'existe dans aucun pays, la souveraineté du peuple ne peut être garantie que par la démocratie représentative, elle est indispensable, c'est ce qui nous laisse appeler à une élection présidentielle, c'est le peuple qui choisit son président par le biais du corps électoral, non pas par la rue». Karim Younès annonce que «c'est la Conférence nationale qui décidera de la date de ces élections et obligera les candidats à signer une charte d'éthique qui leur imposera des conditions (...)». Le panel vogue et n'a fixé aucun délai à sa mission. «On n'est pas des fonctionnaires», dit son coordonnateur, qui note que « la date de la tenue de la Conférence nationale dépend de l'état d'avancement du dialogue ». Une fois «toutes les initiatives recueillies et la plateforme consensuelle ficelée par la conférence, nous établirons le contact avec le pouvoir qui, lui, doit se charger de la mettre en application». Karim Younès promet qu'«après l'Aïd, le panel s'ouvrira à d'autres personnalités, on n'exclut personne, la semaine prochaine, on installe la commission des sages». Hada Hazam fait part «de contacts de plusieurs wilayas où il y a beaucoup de personnes qui avaient refusé le dialogue mais disent aujourd'hui qu'elles sont disposées à le rejoindre». Tout en soulignant que « l'université est traversée par plusieurs tendances et courants », en réponse à une question sur le refus des étudiants à aller au dialogue, «qu'il ne faut pas généraliser», Belhimer fait savoir que « la semaine prochaine, on rencontrera d'autres organisations estudiantines ». |
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