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Un dialogue mort-né ?

par Mahdi Boukhalfa

La rue a rendu son verdict quant à la volonté du pouvoir d'imposer une élection présidentielle comme solution urgente de sortie de la crise politique actuelle. La désignation d'un panel de six personnalités nationales devant gérer un dialogue pour mettre en place les mécanismes nécessaires à un consensus national devant déboucher vers une élection présidentielle n'a pas convaincu la classe politique, encore moins la société civile qui anime chaque fin de semaine les marches populaires demandant, la fleur aux dents, un changement radical de gouvernance. La réponse de la présidence de la République à cette demande pressante de changement radical du mode de gouvernance n'a pas recueilli l'adhésion populaire, encore moins celle des partis d'opposition qui y voient une autre manœuvre du pouvoir de se maintenir en place en opérant une simple opération de lifting que légitimeraient des élections présidentielles.

En fait, les reproches à cette démarche des autorités se cristallisent sur un seul élément, celui d'un dialogue fermé à l'intérieur du pouvoir. Sinon pourquoi la présidence désigne des personnalités nationales pour aller chercher les voies d'un dialogue avec les partisans et les soutiens de la solution de sortie de crise préconisée par le pouvoir et non pas, comme il est attendu de ce panel, aller chez l'opposition recueillir sa position quant à sa méthodologie de gestion de la crise actuelle et ses remèdes. En interférant directement dans les mécanismes de gestion de la crise politique actuelle, la présidence est devenue, en dépit de ses déclarations de rester neutre et en dehors de ce dialogue, une partie et un acteur majeur de ce processus.

On ne peut décemment désigner un mécanisme de discussions ouvrant la voie à des sorties de crise sans demander en retour quelques dividendes politiques. Et c'est là justement où la classe politique refuse de s'engager, car ce dialogue soutenu à bout de bras par les autorités est faussé dès le départ et prend les contours d'une grosse manœuvre pour mettre fin autant aux manifestations de protestation populaires demandant le changement immédiat du mode de gouvernance, le départ du gouvernement que la mise en place d'une période de transition que devraient gérer des personnalités nationales désignées cette fois-ci par la société civile et les partis d'opposition impliqués dans le mouvement global du Hirak. Car la démarche du chef de l'Etat par intérim, celle d'un dialogue inclusif devant déboucher sur des élections présidentielles, et donc la fin de la précarité politique actuelle, n'est pas la priorité, au contraire de la classe politique, encore moins des Algériens qui veulent le changement radical.

Le fait est que pour le moment les positions n'ont pas trop bougé, chaque partie s'efforçant de consolider ses positions, notamment au sein de l'opposition où on reste convaincu que la démarche de sortie de crise préconisée par la présidence n'est pas une priorité dans le contexte politique et économique actuel. Le message délivré vendredi par les dizaines de milliers de manifestants à travers le pays est cependant clair : aucun dialogue politique tant que le gouvernement Bedoui et l'actuel chef de l'Etat restent en place. Et plus déprimant encore, l'initiative de dialogue national pourrait très vite devenir un affreux souvenir, dès lors qu'elle ne semble pas avoir démarré sur des bases solides, après le déballage médiatique de certains membres contactés, puis laissés en rade du panel de personnalités nationales, décidé par la présidence.