Passage en force du pouvoir avec la nomination par le
président de la République par intérim, Abdelkader Bensalah,
d'une commission de six «personnalités» chargée de superviser un «dialogue»
national. Au-delà du profil de ces membres du panel, c'est cette intransigeance
à faire passer coûte que coûte une feuille de route refusée au départ. Le
dialogue auquel appelle le pouvoir ne concerne ni plus ni moins que les aspects
liés à l'organisation du scrutin présidentiel «dans une transparence totale et
une régularité sans failles», rappelle le communiqué de la présidence. Cette
commission est ainsi censée ne répondre qu'à l'impératif de préparer «dans les
plus brefs délais» la présidentielle, comme l'avait déjà exigé le chef
d'état-major de l'ANP. Alors peut-on réellement parler de dialogue alors que
ceux-là même qui font partie de ce panel affirment qu'ils ne sont en aucun cas
des représentants du hirak ni ses porte-paroles,
comme l'a indiqué Karim Younès, l'ex-président de la
Chambre basse. Et pour donner du crédit à cette commission, un deal a été passé
avec la présidence pour des «mesures d'apaisement» qui passent entre autres par
«la libération de tous les détenus du hirak». La
participation de ces «personnalités» mandatées par la présidence ne peut pas
changer la donne de la mobilisation populaire qui insiste, de son côté, sur ses
exigences du départ du système et l'avènement d'une deuxième République. Et
l'initiative ne peut être que vouée à un échec logique puisqu'elle tourne le
dos à une dynamique contestataire qui ne donne pas des signes d'essoufflement
comme espéré par le pouvoir. Que faire alors ? La question n'a pas cessé d'être
posée depuis le début du bras de fer entre la rue et le pouvoir et les réponses
ne semblent satisfaire aucune des deux parties. Si le pouvoir a de son côté les
institutions qu'il instrumentalise pour répondre à un plan de charge, le hirak puise sa force dans ces démonstrations de force
hebdomadaires qui donnent l'image d'une incroyable mobilisation citoyenne qui
ne désarme pas. L'annonce du dialogue par Bensalah
participe ainsi à cette impression d'effets d'annonce sans concrétisation et il
est difficile de croire que ce panel de «personnalités» convoqué pour baliser
le chemin du scrutin présidentiel aura les faveurs des Algériens. Il reste à
attendre la réaction des partis de l'opposition classique quand le FLN, pour ne
pas changer, a déjà applaudi à tout rompre à cette proposition. En somme, la
nomination de cette commission n'a rien d'un scoop ni d'un début de sortie de
crise politique mais simplement une nouvelle parade pour gagner du temps ou
pour en perdre, c'est selon où on se place.