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L'Algérie
est sous l'emprise de « dysfonctionnements linguistiques, sources de
dérèglements généralisés à l'échelle de la société, dont souffrent jusqu'à
présent aussi bien les concitoyens que les institutions de ce pays »( dans : Farid Benamrane : « Algérianité et Onomastique, » Revue Insaniyat,
57-58, 2012, mis en ligne le 30 Juin 2015)
Il semble bien que la classe politique a été incapable, jusqu'à présent, de prouver qu'elle est en symbiose avec les manifestants, qu'elle comprend leurs objectifs, et leur message central, qui est la mobilisation pour l'établissement d'un Etat de droit, fondé sur la confirmation de l''existence d'une seule Nation sur le territoire de l'Algérie indépendante, et intégrant toutes les citoyennes et tous les citoyens du pays autour de la même devise : «Du peuple, par le peuple, et pour le peuple,» et derrière l'emblème national qui symbolise la Nation dans toutes ses composantes. Embrasser le Hirak pour l'étouffer ! Faute d'être acceptée par le peuple en marche comme représentante et exclusif porte-parole légitime de ses revendications, une partie de la cette classe politique a, semble-t-il, décidé d'œuvrer pour l'échec du mouvement actuel de résurrection nationale, en glissant, de manière à la fois sournoise et provocatrice, et sous le couvert de la « sacro-sainte» liberté d'opinion, des revendications qui contredisent dans le fonds et la forme l'esprit qui anime ce mouvement, et ne visent qu'à le dérailler au profit exclusif d'une seule cause aux antipodes de l'esprit d'unité nationale qui anime les manifestants du Vendredi. On peut, dans ce contexte de grande confusion, s'interroger sur les motivations profondes derrière l'insertion inopinée et incongrue d'un message de division, qui n'est apparu que bien longtemps après que les marches aient démarré, et ne saurait donc être considéré comme reflétant l'essence originel du mouvement, mais comme surajouté pour exploiter, au propres fins de ses animateurs, la dynamique du mouvement populaire. La crise identitaire est nationale La question de la crise d'identité, que ce message révèlerait, frappe toute la société algérienne, et ne se limite pas à telle ou telle partie de la population ou du pays. Cette vision «identitairiste » exclut la majorité du peuple algérien, et se fonde sur des données et des analyses, dont nombre ressortissent plus de la falsification de l'histoire évènementielle, linguistique, et culturelle du pays que d'une présentation tirée de faits avérés par des traces matérielles concrètes, ni contestables, ni contestées. Patricia M. E. Lorcin, dans une étude approfondie, qui sera citée plus bas, parle de « mythe » créé par les penseurs , militaires et administrations coloniaux, sans aucune base concrète tirée de l'observations de la société algérienne, mythe « essentiellement instrument de la politique coloniale de diviser pour régner. »(p. 2 édition anglaise). L'unité nationale n'est pas l'uniformité totale Il faut, à ce propos, souligner que l'Algérie n'est pas le seul pays au monde où il existe des distinctions de langue et/ou de dialectes exigeant une prise en charge politique adéquate. L'unité nationale n'est pas l'uniformité totale , quoique les gouvernements tentent, par la scolarisation universelle et le service militaire ou même par des moyens violents, qui ne sauraient être acceptés dans le cas de l'Algérie, de réprimer et d'effacer cette diversité et ces distinctions linguistiques. Ainsi, l'unité linguistique de la France s'est bâtie sur le génocide des Albigeois au XIIIème siècle, et l'étouffement des langues celtes, germaniques, et latines autre que le Français. L'Espagne catholique, en violation de ses engagements envers la communauté musulmane, et sur les injonctions et les menaces des autorités ecclésiastiques dirigées par les Papes, et sous la menace d'excommunication, a fait de l'utilisation publique et privée de la langue arabe un crime passible des tribunaux de l'Inquisition et de la condamnation à être brulé sur le bucher contre quiconque contreviendrait à cette loi. Saluer quelqu'un dans la rue par : « Salam aalaikoum » était alors le premier pas vers le bucher ! Une langue dominante comme socle de l'unité nationale et de la pérennité de l'Etat Central, garant de la survie de la Nation Dans ces pays, et bien d'autres, la tolérance de l'existence de la diversité linguistique est maintenant plus ou moins grande, parce que, finalement, une seule langue domine. Car, ce que l'on retrouve partout , c'est l'existence d'une langue nationale et officielle acceptée unanimement non seulement pour des raisons pratiques : faciliter la gestion des affaires de l'Etat et les communications entre les différents membres de la société, mais également pour des raisons identitaires trouvant leurs racines dans une histoire commune, et assurant l'acceptation par tous d'un fonds de convictions profondes et de culture , comme de sensibilités et d'images du monde largement partagée, et préservant l'unité nationale, au-delà des conflits d'intérêts locaux, sociaux ou intellectuels. Rares sont les Etats qui acceptent plusieurs langues administratives et d'éducation, et encore, dans des marges strictement limitées, qui ne mettent pas en cause le monopole détenu par la langue centrale de ces pays, qui bénéficie du privilège du soutien politique et financier de ces Etats. Le fait colonial a brisé l'unité linguistique du peuple algérien autour de la langue arabe Il faut rappeler qu'en Algérie, le problème linguistique a été compliqué par l'intrusion de la langue coloniale, imposée unilatéralement par les anciennes autorités d'occupation, pendant cent trente deux ans. Ces autorités ont tout fait, délibérément et systématiquement, pour marginaliser la langue de culture nationale qui était l'Arabe, sous sa forme orale ou écrite. L'histoire de la politique linguistique française en Algérie a-t-elle été étudiée et écrite ? Les ravages que cette politique d'exclusion linguistique a eu sur le psyché profond de la population algérienne ont-ils été décrits ? Le cauchemar linguistique vécu par les Algériennes et Algériens n'a pas été suffisamment exploré dans toutes leurs dimensions culturelles, sociales, économiques et politiques. On continue, jusqu'à l'heure présente dans certains milieux, à traiter cette question comme étant réglée d'avance, vu le contenu culturel et technique de la langue imposée par le colonisateur, et malgré la souffrance additionnelle profonde qu'elle a fait subir à la population algérienne opprimée à la fois physiquement, politiquement, socialement, moralement , linguistiquement et culturellement. Dire que la langue française est un « butin, » et en dépit du génie littéraire qui a émis cette absurdité, a autant de sens qu'affirmer qu'en fait c'est le lion qui est la proie de la gazelle ! Le colonialisme est un totalitarisme Le colonialisme est un totalitarisme, une forme de »Polpotisme, » qui impose par la violence totale un projet de société, où la population indigène est réduite à ne survivre que dans les franges de la société coloniale, et exclusivement pour autant qu'elle peut servir les intérêts de cette société, et rien de plus. L'humanité du colonisé n'est reconnue que dans les limites qui sont imposées par les intérêts du colonisateur. Le colonisé n'est rien d'autre pour ce dernier qu'une matière première au même titre que les autres ressources naturelles du pays occupé par le colonisateur. Qu'il ait une forme humaine est, aux yeux du colonisateur, un simple accident qui n'implique nullement qu'il soit traité comme un être humain. Pour comprendre ce qu'est « l'humanisme colonial, » il suffit, pour ceux qui ont la nostalgie de la déshumanisation du peuple algérien par le colonialisme, de se rendre en Israël, la « démocratie coloniale, » chère aux propagandistes sionistes de tout bord. Un processus de décolonisation inachevé Le grand malheur du processus de décolonisation dans notre pays est qu'il n'a jamais été embrassé dans toutes ses dimensions. Il a été traité quasi-exclusivement dans sa dimension de souveraineté nationale réduite à l'exercice du pouvoir politique par des nationaux, le problème linguistique ayant été traité sous son angle essentiellement technique, réduisant l'usage de la langue arabe aux mêmes domaines que le pouvoir colonial, c'est-à-dire la religion et la justice, et ajoutant aux maux socio-culturels hérités du système colonial, une division linguistique, et donc culturelle et mentale, profonde dans l'élite algérienne. La politique linguistique, confuse et opportuniste, menée par l'ex-président a compliqué encore plus le paysage linguistique algérien, car elle a abouti à dévaloriser quasi-totalement la langue arabe et à accentuer la déchéance de la « darija, » devenue un charabia reflétant le désordre linguistique dans lequel l'a plongé cet ex-président. Les autorités deylicales ont eu une politique linguistique ultralibérale Il faut rappeler, en contraste avec cette politique d'annihilation délibérée de l'âme algérienne suivie par les autorités coloniales françaises, que les autorités étatiques de la période ottomane, n'ont jamais tenté d'imposer le Turc Osmanli comme langue officielle, et ont mené une politique de liberté linguistique totale . Leur barbarie a eu des limites que la barbarie coloniale, pratiquée au nom de la civilisation et de l'humanisme, n'a pas respectées. L'éducation, si élémentaire fut-elle, était donnée exclusivement en langue arabe dans toutes les parties du pays. Les actes officiels étaient établis en arabe, et seules les correspondances avec la capitale de l'Empire ottoman étaient faites dans la langue turque. La langue française : l'intruse violemment imposée dans le paysage linguistique algérien Qu'on l'accepte ou non, l'intruse dans le paysage linguistique algérien est la langue française, malgré son usage qui s'est développé paradoxalement après l'indépendance, puisque les autorités coloniales françaises avaient fait une religion du maintien de la plus grosse partie de la population algérienne dans un état d'ignorance totale. Il était bon de rappeler cette «lapalissade historique, » qui, visiblement échappe à nombre «d'esprits fins.» De plus, à l'indépendance de l'Algérie, et ce fait est souvent délibérément passé sous silence ou oublié, 85 pour cent de la population algérienne était analphabète, ne sachant ni lire, ni écrire, en aucune des deux langues en usage dans le pays, y compris d'ailleurs le Français. Quant à l'amazigh, le plan colonial était tout simplement de l'éliminer totalement du paysage linguistique du pays et de le remplacer par la langue française. La linguistique militaire coloniale pour mieux opprimer les populations algériennes Il faut, cependant, reconnaitre que les autorités coloniales, tout comme leurs auxiliaires qu'étaient les missionnaires chrétiens, financés sur des fonds publics, en dépit des proclamations de laïcité de la République Française, ont fait de gros efforts pour étudier les différents dialectes amazigh, mais à des fins exclusives de contrôle de la population berbérophone, et non, comme certains veulent le faire croire, pour valoriser ces dialectes et assurer leur survie. Il faut rappeler, ici, que le premier dictionnaire moderne de la langue berbère, dialecte zouaoua , selon le titre même de l'ouvrage, paru en 1844, et utilisant l'alphabet arabe, appelé dans ce dictionnaire « caractères berbères, » pour l'écriture des mots berbères, a été établi sur demande et sous la direction du «ministère de la guerre» français. Et tous les ouvrages, dictionnaires, grammaires ou autres consacrés aux dialectes amazigh, ont été établis par des interprètes coloniaux, des officiers de l'armée d'occupation, ou des fonctionnaires algériens de ces autorités, et par des missionnaires, pour des objectifs qui n'avaient rien à voir avec la curiosité intellectuelle pure ou le désir de rénover ces dialectes ou de les préserver, quelles que fussent les régions où ils étaient pratiqués. Les résultats de ces efforts ont donné lieu à des publications nombreuses, qui continuent à faire loi, et à être consultées comme sources de reconstruction des dialectes en cause, alors qu'elles convoient une vision déformée de ces dialectes comme des populations qui les pratiquaient. L'influence de ces documents linguistiques demeure forte, d'autant plus qu'ils sont souvent accompagnés d'études ethnographiques censées décrire les mœurs et coutumes des populations en cause, mais essentiellement destinées, à de fins de division, à prouver qu'elles constitueraient des groupements totalement distincts et isolées du reste des composantes du peuple algérien. Les autorités coloniales, toutes professions incluses, y compris les instances religieuses chrétiennes, ont accumulé les documents, présentés sous une forme pseudo-scientifique, tentant de prouver leur thèse. Il faut, cependant, rappeler que certains sociologues français, fidèles à l'objectivité et à l'honnêteté scientifique, et dont le plus éminent est le professeur Bourdieu, ont tenté vainement de rétablir la vérité ethnographique, mais leurs écrits ont été littéralement noyés sous les publications tendancieuses des idéologues coloniaux. Il est important, ici, de citer de nouveau Patricia M. E. Lorcin , une Américaine, professeur d'Histoire à l'Université du Minnesota, dont l'ouvrage intitulé : « Les identités impériales :Le stéréotypage, le préjugé et la race dans l'Algérie coloniale, » (Editions Tauris, Etats-Unis,1995, traduction française en 2005 par Loïc Thommeret de l'Université de Limoges, France), va au fonds du sujet du projet colonial de dislocation totale du peuple algérien. « Elle démontre », selon un de ses commentateurs, « comment l'idéologie raciale, qui se développait en Europe, a eu une influence sur les stéréotypes ethniques en Algérie à l'époque coloniale. » Développement d'une narration historique parallèle qui veut effacer 14 siècles de l'Histoire de l'Algérie Le problème c'est que ces stéréotypes sont de nouveau remis sur le marché des idées dans notre pays, et servent à alimenter des entreprises de déstabilisation, et des projets de sécession fondées sur la négation de l'existence de la Nation, la réécriture de son histoire en la tronquant de quatorze siècles, et, donc, rejetant l'existence d'une histoire commune à tout le peuple algérien, délégitimant la lutte contre l'occupant colonial et le mouvement de libération nationale, et glorifiant l'ex-puissance coloniale et le système « d'apartheid sacré » du Sionisme, symbolisé par l'Etat d'Israël, et qui lui sert d'idéologie et de justification de sa légitimité. Ce sont là des entreprises dont la répression et les poursuites judiciaires qu'elle entraine ne ressortissent pas de la limitation de l'expression des opinions, ou de la répression du droit à la différence dans l'unité, ou de la criminalisation de l'identité, comme on veut le faire croire, mais de la sauvegarde de la Nation. En conclusion : Rejeter l'existence de la Nation à laquelle on appartient de naissance, n'est, nulle part dans le monde, considéré comme un délit d'opinion. C'est le premier pas vers la participation à sa destruction et vers la trahison ! Ceux qui s'associent à ce genre d'entreprise doivent comprendre la gravité de leur acte et son caractère dangereux pour la survie de la Nation. Ce sont là des entreprises dont la répression et les poursuites judiciaires qu'elle entraine ne ressortissent pas de la limitation de l'expression des opinions, comme on veut le faire croire, mais de la sauvegarde de la Nation. Il ne s'agit pas d'une simple démonstration d'appartenance à un groupe restreint, ce qui pourrait apparaitre comme acceptable. La notion de « ouled el houma, » n'a rien de condamnable en elle-même et fait partie du phénomène de l'esprit de groupe, si commun et si cher aux psycho-sociologues. L'identité nationale, symbolisée par le drapeau, ne peut pas être délégitimée sans entrainer une réaction de défense naturelle. Aller jusqu'à nier l'existence de la Nation Algérienne est un crime. On doit faire la différence entre le délit d'opinion d'un côté, et, de l'autre, le rejet de l'existence de la Nation algérienne, et l'appel à sa dislocation. On ne peut pas militer pour la disparition de la Nation algérienne, en prétextant de la lutte identitaire au profit exclusif d'une seule fraction du peuple algérien. C'est de la mauvaise foi que de prétendre que la protection de l'unité nationale impliquerait la criminalisation de l'identité de telle ou telle partie du peuple, et que cette protection sanctionnerait en fait l'expression d'une divergence d'opinion égale à la différence entre ceux qui aiment le thé et ceux qui préfèrent le café ! Le problème est autrement plus sérieux que cela. Le Hirak, ce sursaut nationaliste qui réclame un Etat national fort, respectable et respecté, ne saurait être exploité pour faire avancer un projet de dislocation du pays. Ceux qui, en toute bonne foi, prêtent main forte à cette entreprise de déstabilisation, doivent comprendre qu'il est dans leur intérêt que le message du Hirak ne soit pas brouillé, afin que ce mouvement atteigne ses objectifs de changement profond de gouvernance des affaires de la Nation. Il doit apparaitre, de manière claire et sans ambigüité, que les manifestations ne seront jamais exploitées pour ouvrir le chemin à une menace à la sécurité nationale extérieure ou à l'unité nationale , mais qu'elles continuent à refléter un problème de politique interne , qui implique des actions politiques de dialogues et d'élections libres et transparentes, mais , également, des interventions de maintien de l'ordre public, tout à fait normales dans le contexte exceptionnel actuel, et du ressort exclusif des autorités chargées de veiller à la pérennité de l'Etat et de la Nation. Jouer la politique du pire, et toute honte bue, appeler sournoisement à des interventions extérieures, ne sont pas les meilleurs moyens de regagner une crédibilité politique, perdue depuis longtemps, pour ceux qui ne comprennent pas ce mouvement de résurrection nationale, qui leur a fait perdre leurs repères, les a démonétisés, et jetés, sans appel, dans les vastes poubelles de l'Histoire ! |
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