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La
présente contribution n'est autre qu'une réponse « spontanée » à la
contribution, ou à l'invitation devrais-je dire, de Pr. Abdou Elimam, parue dans le Quotidien d'Oran du 11 juillet
dernier sous l'intitulé qui suit : « L'amazighité qui dérange... Parlons-en
clairement ».
En vous lisant naïvement Pr. Elimam, j'ai cru apercevoir dans vos propos sibyllins et teintés d'amazighophobie, l'ombre de cette inénarrable et innommable députée de la république qui ne cesse de verser son venin sur l'amazighité. Il manquait juste la main étrangère pour faire complet !Mais en vous lisant attentivement, cette ombre s'est dissipée pour laisser place à un autre traitement tout aussi réducteur qui ne me laisse pas indifférent. Alors, je m'étais dit, et ce malgré moi, que la rue a effectivement devancé une bonne partie de l'élite algérienne en termes de tolérance, d'objectivité, d'ouverture et d'amour de soi. J'avoue que je ne sais pas me cacher derrière les mots et les formules, c'est pourquoi vous trouverez à ma réplique un ton quelque peu acerbe tout en tâchant de demeurer cordial. Ma réplique n'est donc pas adressée exclusivement à vous, auteur de la dite contribution, mais à tous les partisans de ce que j'appelle l'amazighophobie qui consiste à jeter l'opprobre sur la langue et l'identité amazigh en les accusant de tous les maux. Je vous réponds en tant que collègue universitaire, linguiste et défenseur de la pluralité linguistique, culturelle, cultuelle et identitaire de cette grande nation qui est l'Algérie. M'inscrivant de facto dans une perspective de vulgarisation, j'ai choisi de vous répondre crescendo en essayant de suivre le fil de votre argumentation. Vouloir interdire l'emblème amazigh n'a pas seulement généré des commentaires et permis à la revendication amazigh de «(re)faire surface», elle a surtout généré beaucoup d'incompréhension, de la stigmatisation et des peines d'emprisonnement. L'amazighité est bel et bien chez elle en Algérie n'en déplaise aux esprits étroits et n'a aucunement été imposée aux Algériens ni par Bouteflika ni par quelqu'un d'autre. L'amazighité s'est imposée d'abord d'elle-même comme fait historico-anthropologique et elle s'est ensuite affirmée grâce à un combat citoyen dont les origines récentes remontent à 1949 date à laquelle a pris forme l'embryon de l'anti-berbérisme au sein du mouvement national algérien. Il y a une littérature dense sur cette page d'histoire. C'est donc enfoncer des portes ouvertes que de dire que l'État algérien n'a pas fait de cadeau à cette cause, bien au contraire, il a excellé dans sa négation. Les tenants et les aboutissants de la politique d'arabisation en Algérie, cheval de bataille de cette négation et de ce déni, vous les connaissez peut-être mieux que moi. Cependant, en inscrivant l'amazighité dans la loi fondamentale du pays, sans passer par la voie référendaire, l'État algérien prend une décision historique et réparatrice surtout. On ne soumet pas son identité à débat, c'est inconcevable. L'amazighité est une constante nationale au même titre que l'islamité et l'arabité. C'est un acquis majeur pour l'Algérie d'aujourd'hui et de demain. Je vous rappelle que l'arabisation et encore moins l'arabité n'ont pas été soumises à discussion quand le jeune État algérien les a imposées aux Algériens en les dépossédant de leurs langues maternelles, c'était un choix politique unanime qui a donné lieu à des antagonismes et à des dogmatismes que nous sommes en train de transcender graduellement. Avec le temps, les Algériens ont fini par se reconnaître dans cette pluralité même si des résistances se font sentir çà et là. Normal, c'est une construction qui suit son cours. Qu'on laisse les Algériens se construire eux-mêmes, qu'on les laisse rêver et vivre librement. Détrompez-vous Pr. Elimam, les Algériens, malgré le formatage qu'ils ont subi des décennies durant, ont bel et bien accepté cette amazighité qui est la leur, il suffit juste d'ouvrir les yeux pour s'en rendre compte. Le mouvement révolutionnaire du 22 février nous donne des leçons d'histoire dans ce sens, et ce chaque vendredi et mardi. Comme la plupart des Algériens, j'ai appris énormément de choses sur mon Algérie dans cette rue merveilleuse qui gronde. L'amazighité n'est pas un « ailleurs romantique », c'est une réalité qui ne dérange désormais que les tenants du chauvinisme hypertrophié et les partisans de la mémoire sélective et des ailleurs fictifs. Le dialogue constructif que vous prônez commence par une fausse note. Et ça m'étonne que ça vienne de vous qui êtes censé connaître la profondeur socio-historique et anthropologique de la question de l'amazighité à laquelle vous vous attaquez, au point d'ignorer que cette amazighité a ses défenseurs en Algérie comme ailleurs, lesquels défenseurs n'ont nullement besoin d'être rassurés par vos propos au demeurant dégradants. Vos compatriotes berbérophones ne rejettent pas, ils défendent une langue et une identité collective qu'ils conjuguent aux autres composantes de la société algérienne. Vous savez pertinemment qu'ils n'ont jamais rejeté la langue arabe (littéraire ou parlée) bien au contraire ils l'ont adoptée avec aisance et fierté. C'est une langue qui leur appartient pleinement. Quant à l'arabe algérien, les militants du mouvement berbère de 1980 étaient et sont les seuls à revendiquer sa reconnaissance en tant que langue nationale. L'arabe algérien était inscrit parmi les recommandations capitales du séminaire Algérie, quelle identité ?qui s'est tenu à Yakouren en août 1980.Cette revendication est toujours de mise. Voici ce qui est écrit dans le rapport final de ce séminaire : « (...) Mettre fin à la marginalisation de la culture du peuple algérien, donc définir la culture nationale en fonction de la culture populaire dans toute sa diversité. Ceci implique la reconnaissance institutionnelle des langues du peuple algérien (arabe algérien et Tamazight) en tant que langues nationales ».Ce détail qui date de presque un demi-siècle, vous l'ignorez peut-être. La grande souffrance des propos que vous avez tenus est leur anachronisme constant doublé d'une méconnaissance des dynamiques et recompositions sociolinguistiques et identitaires actuelles en Algérie ou ailleurs et d'un comparatisme injustifié et infructueux. Le pire, c'est que votre argumentation tend à « racialiser » un débat citoyen qui va à l'encontre de ce traitement réducteur et dangereux d'une question essentielle pour la nation algérienne. Pour soulager cette souffrance qui n'a pas lieu d'être, une actualisation s'impose à vous en sortant de votre théorie et de vos certitudes conceptuelles et en évitant de prendre les propos relayés sur la toile du net pour de l'argent comptant. Le doute est une qualité pour les chercheurs que nous sommes et vous n'ignorez sans doute pas que l'attachement à l'amazighité en Algérie, avant tout autre pays, est le fruit d'une négation systématisée, qui a l'air de continuer sous d'autres formes, hélas, et qu'une bonne partie de l'élite algérienne a cautionnée...à ses dépens parfois. Je vous laisse le soin de démonter ce verdict. Vous y découvrirez les facettes qui ont échappé à votre observation et à votre analyse. Vous osez traiter une langue parlée (sous forme de plusieurs variantes) et écrite (dans trois alphabets différents) par des millions de locuteurs, à des degrés bien différents, d'Égypte au Maroc et d'Algérie au Burkina Fasso, de « bricolage savant d'apprentis sorciers ». Je veux bien savoir de qui vous parlez exactement. En tous cas, ce verdict hâtif et irréfléchi scelle votre ignorance des langues et des identités amazighes qui sont d'une profondeur historique plus qu'attestée et des dynamiques sociolinguistiques et identitaires du temps présent dans la zone nord-Africaine. Un chercheur, linguiste de surcroit, se doit d'éviter de tenir ce genre de langage propre aux idéologues de basse classe. Vos propos sont stigmatisants à outrance à l'égard des langues tamazight (pas une, plusieurs), à l'égard d'une cause légitime qui est la cause amazighe, à l'égard d'une constante nationale chèrement arrachée, et à l'égard de millions de citoyens et de locuteurs qui portent cette langue et cette identité collective avec fierté, au moment où votre éclairage devrait être d'une grande utilité surtout en cette conjoncture historique que nous vivons en Algérie. Pourquoi cet acharnement ? Pourquoi cet aveuglement ? Vous êtes seul à pouvoir y répondre. Nous avons plus que besoin de renforcer la cohésion sociale pour que l'Algérie puisse aller sereinement de l'avant au lieu de jouer sur ces cordes sensibles qui ont coûté beaucoup à l'Algérie. La pluralité de la société algérienne est un trésor inestimable qu'il faudra absolument préserver et fructifier. Généraliser l'enseignement de tamazight (qui est une langue nationale et officielle) n'est pas un coup de force ou une obligation, et ce n'est surtout pas une tare, c'est une projection, même matériellement limitée, qui commence à donner de bons fruits dont nous devrions tous être fiers, surtout nous les linguistes, parce qu'elle répare une injustice qui n'a que trop duré. Ce qui m'amène à dire que l'Algérie a su, mais avec beaucoup d'hésitation, rattraper son retard par rapport à cette question et elle est désormais à l'avant-garde dans ce domaine, même si beaucoup reste à faire. Les efforts consentis dans ce sens sont donc à capitaliser, saluer et encourager. Le négativisme ne nous conduira nulle part, positivons donc. Les rares écoliers arabophones qui ont la chance de s'initier aux langues tamazight un peu partout sur le territoire national ont réussi à acquérir avec brio une langue qui était à leurs yeux d'enfants une langue étrangère pour ne pas dire étrange. J'ai eu la chance de voir certains de ces écoliers à l'œuvre. Accompagnés de leur jeune instituteur de tamazight, les élèves d'une école primaire d'El Hassi(sur les hauteurs d'Oran) que j'ai vu et écouté parler et chanter en tamazight sur les planches du Théâtre Régional d'Oran à l'occasion de Yennayer2969 (encore un acquis majeur pour l'Algérie), étaient fiers de leur exploit. Cette expérience a réellement secoué mes appréhensions de linguiste par rapport à l'enseignement de cette langue en dehors des zones amazighophones. J'avais tort. Faites l'effort de vous rendre dans les quelques écoles primaires à Oran, Mostaganem, Tlemcen ou ailleurs où les langues tamazight sont enseignées, je vous assure que vous serez agréablement surpris et vous verrez clairement que ces langues sont loin de constituer un obstacle aux apprenants algériens, locuteurs berbérophones natifs ou pas. Je rêve du jour où l'arabe algérien suivra cette belle voie qui la sortirait de la sphère de la minorisation dans laquelle elle est enfouie. Les langues n'ont jamais été un obstacle pour les Algériens ouverts d'esprit. Vous êtes polyglotte, et vous le savez très bien. Si l'enseignement de l'arabe littéraire, du français, de l'anglais et d'autres langues étrangères est obligatoire en Algérie, je ne vois pas pourquoi les langues tamazight et l'arabe algérien, langues maternelles des Algériens, ne bénéficieraient pas de ce même traitement. Ce sont des langues à part entière et l'algérianité, que vous défendez corps et âme, qui rassemble nos diversités et nos différences ne peut se concevoir en dehors de ces deux médiums linguistiques incontournables et inaliénables. Vous vous basez sur quelques commentaires dénichés sur les réseaux sociaux pour décréter que des locuteurs de langues amazighes, présentés à la limite comme des citoyens de seconde zone, sont parfois xénophobes et vous déduisez que l'attachement à cette identité amazigh relève de la frustration et du fantasme. Vous ajoutez que « ce qui nourrit un tel manque à assouvir, ce sont des fantasmes posés comme identité amazighe et ne reposant sur aucune assise matérielle et historique assertée ». Je vous promets qu'il m'est vraiment difficile de comprendre encore moins admettre le fait que vous vous plaisiez à jouer le jeu du sens commun alors qu'il est attendu de vous, en votre qualité de chercheur, de le soumettre au questionnement scientifique et à l'épreuve des faits pour chercher le pourquoi du comment. Feindre d'ignorer ce que l'on sait de manière presque parfaite s'apparente à un acte suicidaire, il me paraît. Est-il nécessaire de vous rappeler que la revendication de cette identité amazigh a son lot de victimes convaincues ? Le Printemps noir de 2001-2002 à lui seul a couté la vie à 128 jeunes à la fleur de l'âge en Kabylie, criblées de balles par un État qui est censé les protéger, sans compter les 5000 blessés dont la majorité garde des séquelles à ce jour. Le seul tort de ces JEUNES algériens, auxquels nous devons respect éternel, c'est d'avoir revendiqué l'identité qui était la leur et un État de droit. Tenir de tels propos Pr. Elimam, me paraît incongru. J'ose sincèrement espérer que votre contribution ne reflète pas vos convictions profondes par rapport à cette question lancinante. Vous avez eu l'audace de dire que l'identité amazigh est une sorte de fantasme, et en prononçant ces propos, vous osez invoquer la raison et le consensus national à fonder sur des bases crédibles !!!Vous faîtes preuve d'un réel exploit !De grâce Pr. Elimam !l'identité amazigh est tout sauf un fantasme et c'est un amazigh qui vous le dit en assumant pleinement ce qu'il dit. Essayez de relire vos livres d'histoire et d'ouvrir vos yeux sur les réalités du temps présent, qui semblent vous échapper, pour vous rendre à l'évidence des choses. Pour donner du crédit à votre argumentation, vous vous découvrez historien en assertant que même les rois numides Massinissa, Jugurtha, Juba n'ont pas eu recours à la langue berbère. Vous en parlez comme si vous les avez côtoyés ou côtoyé les peuplements de cette contrée nord-africaine en ces temps-là. Si je suis votre raisonnement, même nos dirigeants actuels font pareil, ils ne s'expriment presque jamais dans les langues locales, mais nous si. Tiens ! ce serait une très bonne piste de recherche à creuser. Vous parlez également des époques phénicienne, byzantines, numide, arabe comme si vous y avez vécu. L'histoire est une discipline pas comme les autres. On ne s'y aventure pas lorsque l'on n'a pas l'aptitude de voir en face les événements et les faits qu'elle relate et qu'elle jette à nos têtes pensantes. Cela ne veut pas dire qu'il faille tout avaler, bien au contraire, il faut s'y rapprocher précautionneusement car les livres d'histoire de cette époque qui vous intéresse particulièrement sont écrits par « les vainqueurs » et dans des contextes obéissant à des enjeux qui ne sont plus les enjeux du monde dans lequel nous vivons. Vous vous découvrez aussi statisticien en découpant le temps avec exactitude comme l'on découperait un objet matériel. Vous accordez 5% de ce vous appelez le « temps historique » du nord de l'Afrique à l'unification de la Numidie et 95% au reste de cette histoire. L'Histoire est un continuum infiniment infini, traversé par des dynamiques, des conflits, des recompositions, des mutations et des résiliences. Autre élément relatif à Tamazgha. Personne n'a demandé de la restaurer, elle est déjà là comme elle a toujours été et le sera. Si cette Tamazgha est « un conte de fée au propre comme au figuré qui n'a aucune base historique »(encore un préjudice) pour vous, vous pouvez dormir tranquille car c'est une réalité du temps présent et du temps passé que rien ni personne n'a pu et ne pourra nier. Même les colonisations les plus abjectes n'ont pas pu venir à bout de cette identité amazigh qui s'étend sur cet espace géographique que l'on appelle pour des raisons linguistiques et culturelles, Tamazgha. S'y reconnaître ou pas relève d'un autre débat dont les ramifications sont impossibles à développer dans cet espace qui m'est imparti. Votre théorie « unitiste » du punique, qui ne fait pas l'unanimité dans le cercle restreint des linguistes nord-africains et autres, ne résiste pas à l'analyse objective du panorama linguistique nord-africain plusieurs fois millénaires. L'influence du punique et du néo-punique est plus qu'attestée dans cette zone du monde, mais en faire une seule et unique entrée d'analyse du champ linguistique nord-africain est à mon sens insuffisant pour ne pas dire réducteur. C'est une évidence que de dire aujourd'hui que les langues maternelles dans cette région du monde sont les langues amazighes et les langues arabes. Des survivances du punique dont l'essor est étroitement lié à Carthage, une halte historique, et du néo-punique sont facilement repérables dans les langues du pourtour méditerranéen. Votre ouvrage sur le Maghrebi est une référence incontournable en la matière. Venons-en maintenant à l'emblème amazigh, les berbérophones auxquels vous vous adressez savent très bien sa valeur et n'ont par conséquent aucune leçon à recevoir sur ce chapitre. Il convient de souligner à juste titre que cet emblème linguistique, culturel et identitaire (écologique aussi de par ses couleurs qui symbolisent la mer, les montages, les plaines et le désert) n'a jamais été en concurrence ni en opposition avec le drapeau national algérien, LE SEUL, ou les drapeaux nationaux des autres pays appartenant à l'ensemble amazigh. Il est fièrement brandi en Égypte, en Lybie, en Tunisie, au Maroc, aux îles Canaries, au Mali, au Niger, au Burkina Fasso et partout dans le monde où le sentiment identitaire amazigh est en présence, comme quoi l'identité n'est pas figée et n'a pas de frontières. Cet emblème amazigh, symbole d'une conscience linguistique, identitaire et culturelle dans le nord de l'Afrique, est conçu pour rassembler et non pour diviser. La stigmatisation de l'emblème amazigh a généré une persécution qui s'érige en l'espace de quelques jours en mode de pensée verticale, mais qui bute, contre toute attente, sur le dynamisme horizontal de la société algérienne, détentrice d'un pouvoir insaisissable fait de non-violence et de maturité, les armes qui donnent des sueurs froides aux régimes autoritaires. En scandant inlassablement « Silmya, silmya, makanch jihawiya », les Algériens montrent qu'ils ont bien saisi cette subtilité. Ils ont fini aussi au fil des décennies par déceler les stratagèmes d'un système politique en mal de légitimité, et prendre conscience des enjeux de ce dénigrement savamment orchestré en scandant à tue-tête « qbayel oua ?rab khawa khawa ». La fraternité et la solidarité sont les maîtres-mots de la mobilisation citoyenne, surtout les trois derniers vendredis marqués par une répression injustifiée. Il nous est donné de voir des scènes désolantes où des policiers s'abattent, avec une violence inouïe, sur des jeunes manifestants parce qu'ils ont brandi avec fierté cet emblème amazigh qui symbolise à leurs yeux une liberté d'être à travers laquelle ils se construisent. Nous avons vu des agents de l'ordre s'acharner, avec une brutalité inouïe, sur des jeunes manifestants par un 5 juillet, le jour de la célébration de la fête de l'indépendance. Révoltant et inacceptable, c'est une atteinte à la dignité humaine et à la nation algérienne. J'ai pleuré en voyant ces images atroces. Les Algériens ne se sont pas soulevés pour vivre ces scènes d'un autre âge qui constituent une insulte à l'intelligence d'un peuple, salué de par le monde pour son pacifisme et son patriotisme exemplaires. Au moment où le peuple algérien revendique inlassablement la liberté d'expression et le changement, revendications plus que légitimes, le régime algérien lui interdit la liberté fondamentale d'être. Les derniers vendredis ont démontré une fois de plus que les Algériens sont unis à jamais autour d'un rêve qu'ils réaliseront tôt ou tard. Mieux vaut tôt que tard... Lorsque la rue gronde, l'État doit répondre, non réprimer et bâillonner. Le peuple exige le départ du régime et du système qu'il a mis en place depuis 1962, et ce dernier demande le départ de l'emblème amazigh. Ce n'est pas en cassant le thermomètre que l'on fera baisser la fièvre sociale. L'Algérie appartient à ses enfants et l'amazighité appartient à tous les Algériens. L'amazighité n'est pas la propriété des Kabyles, des Chaouis, des Mozabites ou autres, elle appartient à tous les Algériens qui s'y reconnaissent. Si les nombreuses invasions et conquêtes coloniales aux relents parfois génocidaires, n'ont pas réussi durant de longs siècles à venir à bout de l'âme amazigh, les tentatives d'aujourd'hui ne peuvent même pas prétendre effleurer la moindre expression de cette amazighité revendiquée, affirmée et réaffirmée en Algérie. On est face à l'inébranlable dans toute sa plénitude. C'est pourquoi il est urgent d'en appeler à la responsabilité de tout un chacun d'œuvrer dans le sens de l'apaisement et de la cohésion en évitant des clivages aux conséquences néfastes sur le devenir de l'Algérie. Notre rôle en tant qu'universitaires est d'aider à lire objectivement la complexité de notre société et d'élucider les zones d'ombre qui l'entourent. L'école et l'université ont un grand rôle à jouer dans ce sens lorsqu'elles se libéreront de l'emprise du panarabisme et de l'islamisme, deux courants idéologiques qui ont profondément altéré l'imaginaire collectif algérien et nord-africain. Je ne peux conclure ce cri d'amertume qu'avec vos mots justes que je fais miens avec beaucoup de conviction et de sincérité : « L'Algérie [...] est une synthèse de tous les apports culturels, religieux, linguistiques et économiques qui s'y sont déversés ». Tâchons d'être fiers de cette synthèse qui nous rappelle incessamment à l'ordre. *Enseignant-chercheur / sociolinguiste |
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