Tous
les experts économistes sont d'accords pour affirmer que l'économie nationale
est aujourd'hui en pleine crise, et que des solutions urgentes doivent être
prises par les pouvoirs publics pour redresser la situation dans les trois à
cinq prochaines années.
Parmi
ces experts, il y a le professeur en Economie Mohamed Cherif Belmihoub, qui critique violemment le recours à «la planche
à billets» par le gouvernement Ouyahia, alors que la
situation exigeait d'autres solutions. Dans une intervention hier lundi à la
radio nationale, il a estimé, après l'annonce par les autorités financières la
semaine dernière de l'arrêt de l'utilisation du financement non conventionnel,
que «cela veut dire qu'on a réfléchi à des solutions alternatives pour limiter
le déficit budgétaire et les investissements publics à venir». «Je pense que
c'est une annonce beaucoup plus relative à la communication, car sur les
montants tirés, il y a presque 40% déjà non utilisés. Ce n'est pas important de
dire cela, car l'argent tiré n'est pas encore consommé. C'est tant mieux, mais
ce qu'il faut dire, c'est qu'on n'a pas réfléchi à une solution alternative (au
financement non conventionnel, NDLR), comme la fiscalité, le financement par
endettement extérieur, même si le ministre dit que ce n'est pas un tabou.» Pour
M. Belmihoub, cela veut dire que «nous sommes revenus
de la récréation. Nous sommes revenus sur terre pour réfléchir à des solutions réalistes
et l'endettement externe n'est pas un crime, et il faut réfléchir à toutes les
solutions possibles et que la planche à billets n'est pas la planche du salut
national.» Par ailleurs, cet analyste estime que l'état doit réduire son train
de vie, et penser à une réduction de 10% du budget de fonctionnement hors
salaires, et réduire également de 10% les autres dépenses. Estimant que la
porte de sortie peut-être trouvée dans une autre
conception de la fiscalité ordinaire, M. Belmihoub
relève que «le financement non conventionnel est une erreur. En 2017, on
n'avait pas vraiment besoin d'aller à ce financement, car on n'avait pas épuisé
toutes les sources de financement». Pour lui, «cela a été de la facilité, et
cela n'a pas été réfléchi, débattu», d'autant que «dans une gouvernance réelle,
c'est une question qui doit être débattue à tous les niveaux de la décision.»
La crise est venue, selon le même expert du fait que «durant la gouvernance
passée, on ne regardait pas les signaux du marché et on a utilisé le populisme,
et cela a abouti à des situations d'impasse. On ne gère pas une économie comme
on gère sa poche ou sa caisse personnelle». «Toute erreur conduit le pays dans
une situation de perte de souveraineté en ne gérant pas correctement ses
finances publiques», relève cet expert selon lequel «il y a un vrai problème de
gouvernance dans ce pays, car on n'évalue pas vraiment le coût des projets et
l'économie est gérée par l'administratif, qui est un instrument et non pas un
régulateur.» Fatalement, M. Belmihoub pense qu' «il
ne faut pas arrêter la machine économique. Aujourd'hui, on a tout essayé,
l'interdiction des importations, des licences d'importation», avant d'asséner
que «l'Algérie n'a pas vraiment une vision sur son commerce extérieur et n'a
jamais eu une politique du commerce extérieur. Nous sommes dans une situation
de monopôle, avec des passe-droits et des situations
inexplicables.» Revenant sur le sujet de la fermeture éventuelle usines de
voitures montées en CKD/SKD, il a estimé que «ce qui est inquiétant, ce sont
les autres secteurs, comme le BTPH, qui est dans une situation de crise avec la
baisse de la commande publique, car dans le secteur automobile, il y a moins de
main d'œuvre.» «Nous sommes dans une crise politique déjà, et il faut en sortir
rapidement pour prendre en charge la crise économique, et, avec la
revendication sociale, cette crise sera très violente. Dès lors, il faut qu'on
passe à cette phase sur la résolution des questions économiques, et c'est
urgent. Il y a possibilité de redresser l'économie dans trois ou cinq ans, mais
il faut agir dès maintenant.» M. Belmihoub explique
que «nous avons la possibilité d'aller rapidement vers une politique d'IDE, car
on ne peut pas échapper aux IDE : soit on emprunte à l'étranger, soit aller vers les IDE.» Pour cette alternative, cet expert
insiste sur une chose : il faut supprimer la règle des 51/49, qui a été «un
obstacle pour beaucoup d'investisseurs. Il faut revoir cette règle, le pays est
sous-développé dans le secteur industriel.» En réalité, M. Belmihoub
n'hésite pas à affirmer qu'«il y a un vrai problème d'industrialisation en
Algérie. Il y a encore quelques possibilités de sortie de crise, à condition de
revoir la fiscalité entièrement, revoir l'informel.» Sur la dernière décision
du gouvernement de fermer des minoteries en difficultés, il a souligné qu' «il
ne faut pas fermer les usines, mais taxer lourdement. La fermeture n'est pas la
meilleure des solutions, c'est antiéconomique de fermer des usines, et mettre
au chômage les travailleurs, car nous avons besoin d'emplois dans les services
et l'industrie.» Pour lui, l'industrie algérienne «est aujourd'hui à genoux. La
fermeture des usines est une mauvaise décision administrative», et «chaque jour
qui passe rend la solution encore plus difficile. Il faut laisser les gens
travailler et investir.» Enfin, ce professeur d'économie milite pour renflouer
les caisses de l'Etat et limiter les déficits budgétaires, pour le retour «à la
vérité des prix. Il faut dire la vérité aux Algériens sur la question des
subventions. Si on ne touche pas à cela, tout effort économique sera consommé
par les subventions, et il faut traiter en priorité les subventions.»