|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
L'intronisation
de Slimane Chenine au poste de président de
l'Assemblée populaire nationale (APN) marque le premier «compromis» entre le
pouvoir de l'ère post-bouteflikienne et le courant
islamiste.
Slimane Chenine est, depuis mercredi soir, président de l'APN. Il l'est au nom d'une coalition politique islamiste liant les partis Harakat El Binaa El watani (Mouvement de l'édification nationale) dont il est membre et que dirige Abdelkader Bengrina, Ennahdah et le front El Adala. Elu député, en 2017, au nom de cette coalition qui ne possède que 15 sièges au sein de la Chambre basse, il est devenu aujourd'hui, troisième personnage de l'Etat. Slimane Chenine est connu surtout pour avoir été un proche collaborateur du défunt Cheikh Mahfoudh Nahnah, alors président de Hamas, devenu HMS (Harakat Moujtamaa Essilm). Il sera son conseiller politique et son chargé de communication pendant longtemps. Après le décès de Nahnah, Chenine tentera, sans trop de conviction, de contrer le courant Boudjerra Soltani, au sein de HMS mais en vain. Il se retire en 2013 et sera, alors courtisé par des décideurs de l'époque non seulement pour créer son propre parti mais de s'allier, plus tard, à deux autres islamistes pour contrebalancer le poids de celui de Abderrazak Makri. Ce dernier ne ressemble en rien ou peu à Nahnah qui était un fervent «activiste» de l'entrisme au sein du pouvoir. Chenine a gardé beaucoup de lui, notamment cette manière de « cautionner » le pouvoir tout en lui apportant la contradiction qui ne déstabilise pas ses plans. La coalition islamiste dont il est un de ses membres influents, accepte, depuis le départ forcé de Bouteflika, de soutenir l'ensemble des démarches politiques qu'initie le pouvoir actuel. Chenine savait qu'il allait être choisi pour présider l'APN, au moins depuis samedi dernier, jour de la tenue du Forum national du Dialogue à ESHRA (Ecole supérieure de l'Hôtellerie et de la Restauration d'Alger) où il semblait, curieusement, tourner en rond. Ou peut-être était-il anxieux en raison justement de cette proposition qui lui été faite par les hautes instances du pays. Il a juste fallu qu'il attende le début de la soirée du mercredi dernier pour être plébiscité à ce poste. FLN, RND et «descendants» accablés Entre le samedi et le mercredi, jour du vote du nouveau président après l'éviction de Mouaad Bouchareb, installé par un flagrant délit d'effraction, l'on susurre dans les milieux partisans que tous les partis du pouvoir ont été approchés pour entériner ce choix sans rechigner. «Mais à la dernière minute », nous précise-t-on. Du coup, en tant que seul et unique candidat, Chenine n'avait même pas besoin de subir le test de l'urne. Pour être, ainsi, relégué au second plan, le FLN s'en sort, accablé, tout autant que le RND et leurs petits « descendants » comme le Front El Moustakbal, le MPA et Taj. Ce recadrage de la scène politique nationale, voulu par le pouvoir actuel, est pour plaire au ?Hirak' et pourquoi pas lui faire oublier son exigence du départ des deux B restants, Bensalah et Bedoui. Ce dernier est d'ailleurs au même moment mis en avant pour être le « décideur » qui a instruit pour l'affrètement de plusieurs avions au profit de centaines de supporters désirant soutenir l'équipe nationale dans sa quête de la CAN qui se joue en Egypte. C'est l'épopée d'Oum Derman au Soudan qui est rééditée mais bien loin de la violence. Tant mieux. Le système reconduit toujours ses pratiques selon les règles qu'il s'est fixé pour se perpétuer. Chenine n'en dérogera à aucune, notamment celle régentant l'Institution législative. Dès son installation, il a rendu hommage à l'ANP et à son haut Commandement, il a affirmé adhérer au dialogue inclusif et à la tenue des élections présidentielles « dans les plus brefs délais », il a demandé «la poursuite de la lutte contre la corruption » et a déclaré soutenir les revendications du ?Hirak' auquel il participe depuis le 22 février dernier. «Il est l'homme de la situation» Chenine a souvent marché à Ouargla, sa ville natale. Il devra se préparer pour faire voter les lois du pouvoir comme celle électorale révisée, celle organique de création de l'instance d'organisation et de surveillance des élections ou même d'amendement de certains articles de la Constitution. Le nouveau président de l'APN a tout pour répondre aux critères que le chef d'état-major a fixés pour redéployer le personnel politique existant. Il est de tendance islamiste mais très conciliant même s'il se dit que son «compagnon» Bengrina «est l'homme des Qataris», il est jeune, universitaire, rompu aux arcanes du pouvoir et des compromissions de la classe politique, il est le rival de Makri et de Djaballah, il est sociable, sympathique, ami à de nombreux journalistes. Il est même un ascendant du milieu estudiantin islamiste en sa qualité de membre fondateur de l'UGEL (Union générale des étudiants libres). «Il est l'homme de la situation,» disent des responsables. Dans son dernier discours, le chef d'état-major et vice-ministre de la Défense, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, a estimé que le Forum national du Dialogue a été positif. Il s'est assuré -s'il en avait besoin- que les partis politiques de « l'opposition » issus du courant «nationaliste, conservateur et islamiste», n'ont aucune chance de s'unir, encore moins contre lui. Il sait surtout qu'il a toute latitude d'en repositionner les membres sans devoir faire des concessions de taille. |
|