
Comme
condamnés à l'impuissance, nos officiels restent dans une position fragile qui
les met à l'écart des événements. Si l'oukase du bâton et de la carotte a
justifié ses limites à l'ère du numérique et de l'internet où tout se sait par
un simple clic sur un clavier d'ordinateur, le manque d'inventivité en matière
de manigances et de manœuvres politiciennes enfonce ces derniers dans la boue.
Désormais, le bras de fer se déplace sur l'arène de la rue et, là encore, une
note complète pour le peuple qui a su tenir le rythme, se mobiliser et
s'affirmer comme une force homogène et résistante, malgré le tourbillon de
polémiques et les sales tentatives pour le diviser. En tout cas, rien ou
presque n'a été prévu pour résorber les effets de la crise, hormis l'échéance
présidentielle sous l'égide de l'armée, qui ne convainc pas grand monde. Le
régime retisse fébrilement ce qui se déchire dans son tissu et jette, dans une
sorte d'angoisse mêlée de peur, les corrompus à la prison d'El-Harrach, devenue
l'asile pénitentiaire pour VIP. Le principe étant simple : liquider les têtes
les plus pointées du doigt par les manifestants jusqu'à ce que ceux-ci se
ramènent à de bons sentiments à l'égard du pouvoir. La suite dépend de la bonne
foi de l'état-major qui, malgré ses assurances répétées de lutter efficacement
contre les faux oligarques, sans épargner aucune partie, aussi puissante
soit-elle, concentre déjà toutes les suspicions autour de lui. La chose dont
toute la vox populi est certaine est la suivante : le meilleur moyen de
s'offrir davantage la satisfaction des masses, c'est de virer le président par
intérim Bensalah et son Premier ministre, considérés comme un bien parfait
ersatz de la politique bouteflikienne.
Or,
procéder à un tel démantèlement du résidu de l'appareil de l'ancien système
mettra l'Etat devant le vide de gouvernance. Ce qui ne cadre pas avec la
démarche de l'armée d'appliquer la Constitution. Là où le bât blesse, c'est que
la Constitution ne dispose d'aucune clause spécifique pour gérer le processus
exceptionnel en cours. Ce qui amènerait les décideurs à triturer encore une
fois la charmante Constitution pour la bonne cause, la leur. Cela revient à
dire qu'agir en dehors de la Constitution est permis pour le pouvoir, mais non
pas pour le peuple.