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Oran :
L'informel prend des proportions alarmantes: Un grand «Souk»... au centre-ville
par Rachid Boutlelis ![]()
A la
faveur d'un flagrant laisser-faire, l'informel a jeté sa sordide ancre au
centre-ville d'Oran, réduisant ainsi regrettablement ses prestigieuses artères
en peau de chagrin. L'incivisme n'a eu qu'à ébaucher sa morbide touche pour
dénaturer les mirifiques paysages de naguère, qui ont hissé en termes d'aura
cette ville du bassin méditerranéen sur le palier de la somptuosité, dont
jouissent les métropoles du Vieux Continent. Les trottoirs des grandes avenues
où s'épanouissait à cette époque la badauderie après le crépuscule, sont, fort
malheureusement, essaimées de toutes sortes de tréteaux de fortune et autres
toiles étalées à même le sol proposant à la vente un éventail d'objets
hétéroclites allant des jouets pour les enfants aux ustensiles de cuisine, en
passant par les herbes douteuses médicinales usitées dans la magie noire et les
graines d'arachide périmées. Sous la voûte séculaire des arcades, qui protège contre
un soleil excessif et /ou de la pluie, longeant partiellement le boulevard
Larbi Ben M'hidi, les lieux se sont carrément
métamorphisés en véritable marché aux puces. L'installation de gargotes
spécialisées dans la vente de flan aux pois chiches, achalandées par une
clientèle hilare, qui s'interpelle à haute voix, la bouche pleine et
dégoulinante de pâte, a ajouté une touche grandement exécrable au peu reluisant
tableau. Ces lieux se transforment à la tombée du soir en un immense dortoir
pour des sans-logis, qui traînent leurs guêtres durant la journée autour des
cafés et autres places publiques. Un spectacle exécrablement morbide similaire
agresse le regard et l'odorat dans les abords immédiats du marché couvert
Michelet, au sein du quartier portant le même nom. Les senteurs d'une multitude
de fleurs, proposées à la vente sur les lieux jadis, ont cédé leur place aux
odeurs nauséabondes, provenant d'aliments pourris écrasés, dont le liquide
visqueux s'est répandu sur le trottoir. Un véritable festin pour les rats et
autres animaux nuisibles, dont les sérénades nocturnes perturbent le sommeil
des habitants des immeubles mitoyens. Toujours est-il que l'insouciance des uns
et des autres, fruit d'une liaison illégitime entre la passivité et le
dénuement intellectuel, a, au fil du temps, réussi à faire perdre au
centre-ville d'Oran de sa superbe, qui n'avait rien à envier à celles des cités
européennes. L'extrême sordidité, qui caractérise désormais avec commisération
le cadre environnemental du centre-ville, suscite un pincement au cœur. La
subite multiplication de la démographie, enfantée en grande partie par l'exode
rural incontrôlé dans les années de braises, a eu l'effet des bouffées d'un
soufflet de forge sur un tissu ardent, sur la décadence de la zone centre de
cette prestigieuse ville balnéaire du bassin méditerranéen, qui a inspiré
d'illustres poètes et paroliers. Oran la belle, la séduisante, image fidèlement
reflétée par sa zone centre, qui a été harmonieusement interprétée à travers
des chansons, appréciées par l'ouïe musicale, végète fort fâcheusement
aujourd'hui dans la pire des désuétudes, et ne semble plus, en toute
vraisemblance, hormis les nostalgiques, émouvoir quiconque. L'air ne fait plus
hélas la chanson de nos jours. Et pourtant, rien ne prédisait une telle cruelle
déchéance quand elle a allègrement imposé naguère sa somptuosité dans le
classement des plus belles villes du bassin méditerranéen, et ce grâce à
l'apparat de son centre. Ces artères, à l'exemple de la rue Mohamed Khémisti (ex-rue d'Alsace-Lorraine), qui était autrefois
aussi spacieuse que propre, ressemblent à s'y méprendre à un souk avec les
hideux étalages que l'informel a imposés à la faveur d'une impunité manifeste.
Le fétide, qui ferait fuir une portée de putois, s'est installé ainsi en maître
absolu dans l'indiférence de tout un chacun. Ce
déplorable constat n'est en réalité que la partie émergés de l'iceberg et est,
à priori, loin de résumer le mal dont souffre le centre-ville d'Oran et dont
l'étendue va crescendo au fil des jours, à la faveur de l'informel notamment.
Ce navrant spectacle est observé impassiblement par la statue de la Sainte
Vierge Marie, du haut de son monticule, édifiée un laps de temps après une
époque qui a coïncidé avec le terrible séisme ayant ravagé Oran. D'aucuns
s'accordent à rapporter que cette statue a été édifiée pour protéger Oran
contre un éventuel autre tremblement de terre. Mais c'était sans compter avec
l'autre séisme, ayant pour nom l'informel, qui provoque hélas encore beaucoup
plus de dégâts à cette ville et, qui sera dans l'obligation de faire honneur au
mérite de sa désignation pour abriter dans deux années les Jeux méditerranéens.
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