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Un
Etat n'est pas un grand magasin, qu'on peut se permettre de fermer quelques
jours, ou même quelques mois, dans l'année pour effectuer l'inventaire des stocks,
préparer les bilans de fin d'exercice, et réviser la stratégie de l'entreprise.
Réclamer la vacance du pouvoir pour sortir de la crise ? Une contradiction évidente dans les termes Par définition, il ne peut jamais y avoir de vacance de pouvoir étatique établi et fonctionnant, et quelqu'un ou quelques uns, quelle que soit, par ailleurs l'origine ou la base de leur pouvoir, qu'il soit légal ou illégal, légitime ou illégitime, doivent prendre les décisions permettant aux citoyens de vivre leur vie routinière normale, et assurer un minimum acceptable de paix et de sécurité, tout comme la défense du pays contre les ennemis intérieurs comme extérieurs. Le vide politique, quelles que soient les justifications institutionnelles ou morales sur lesquelles ses défenseurs pourraient s'appuyer, est dangereux, car il fait tomber le pays dans l'anarchie et le risque d'effondrement et de disparition. Loin d'être la solution, il sera la source de situations autrement plus périlleuses que celle que traverse présentement le pays. Le suicide collectif en guise de sortie de crise ? Une Absurdité rejetée par le bon sens le plus élémentaire Les arguments juridiques que certains avancent pour remettre en question le pouvoir de décision au sommet de la hiérarchie politique et son étendue, prennent la seconde place, et deviennent futiles face au risque d'annihilation qui menacerait le pays si le pouvoir d'Etat n'était pas assumé pleinement et sans autres limites que celles définies par les lois du pays. Le suicide d'une Nation n'est pas un sort enviable, et il vaut mieux un gouvernement contestable et contesté, et même agissant en violation de la loi fondamentale du pays, qu'une situation de vacance au sommet, vacance qui précéderait automatiquement la chute du pays dans l'anarchie, et la disparition de toute moralité publique, et ouvrirait la porte à tous les criminels et aux aventuriers ambitieux, incompétents et cupides, qui se multiplient et prospèrent dans ce genre de circonstances. Cette vacance pourrait certainement encourager des puissances extérieures à intervenir directement et ouvertement dans les affaires internes du pays, sous le prétexte d'y ramener l'ordre et d'y « instaurer la démocratie. » On sait à quoi mènent ces interventions, toujours justifiées par des principes nobles, mais toujours violentes et sanglantes, malgré leurs prétentions « humanitaires, »et dont le seul objectif est d'avancer les intérêts spécifiques des états intervenants. Les exemples du caractère destructeur de ces interventions ne manquent pas dans l'actualité internationale présente. Quand on se couvre d'objectifs nobles, on ne compte pas les victimes humaines et les pertes matérielles, car elles sont toujours tuées ou perpétrées pour la « bonne cause, » celle des «gentils et nobles» agresseurs. Comme le proclame la devise israélienne : « Tue, mais surtout n'oublie pas de pleurer ! » « Irrouhou Gaa »Un cri de colère populaire explicable, mais pas un projet politique justifiable et acceptable Appeler au « départ de tous, » comme le proclament les slogans des manifestants du Vendredi, est l'expression d'un ras-le-bol généralisé et du rejet du système de gouvernance bouteflikien. C'est un slogan pleinement explicable au vu de ce mode de gouvernance, d'autant plus que la mise à nu des déviations criminelles de la part de hauts responsables, maintenant sujets à poursuites judiciaires, rend encore plus urgente la nécessité de d'adopter un mode de gouvernance propre à assurer l'émergence d'un état de droit réel, avec ce qu'il impliquerait comme changements dans le personnel politique à la tête du pays. Mais, ce cri de colère ne peut nullement fonder une ligne d'action, une feuille de route où, selon l'expression usée et abusée « on jette l'eau du bébé et le bébé. » Ce n'est pas parce que tous ceux qui sont au pouvoir actuellement ont, d'une manière ou d'une autre, été intégrés de la mouvance boouteflikiennne, qu'il serait raisonnable de les débarquer tous d'un coup, et de les faire remplacer, du jour au lendemain, par une classe de dirigeants vierges, n'ayant jamais pris part à ce système , ce qui n'est d'ailleurs pas le cas pour les agités qui encombrent l'espace public de leurs déclarations irresponsables, et dont beaucoup ont gagné leurs « galons » politiques grâce aux critères clandestins de choix de l'élite appliqués par le président déchu. Il pourrait paraitre juste de demander l'effacement immédiat de la classe au pouvoir. Mais ce n'est ni une solution constructive, ni une prise de position équitable. Car, ceux qui payeront les conséquences du vide politique auquel certains appellent, seront avant tout les Algériennes et Algériens anonymes qui manifestent chaque Vendredi. Seront donc punis en masse celles et ceux qui réclament une nouvelle gouvernance ; ils récolteront les fruits de l'anarchie qui régnera alors, tandis que ceux qui rêvent d'hériter du système politique jouiront des prébendes et privilèges qu'offre le pouvoir. Le « Hirak » aurait alors travaillé, non pour faire triompher sa vision d'une Algérie nouvelle et sûre d'elle, mais pour ceux qui ont déjà tiré de gros bénéfices du système ancien et veulent consolider leurs «acquis, » en s'emparant, sans le mériter, de « l'actif politique» produit par le mouvement populaire. Le changement de système politique : une œuvre de longue haleine Quelles que soient les déclarations des uns et des autres, la modification du système de gouvernance est une œuvre de longue haleine. Commencer la route vers le redressement de la Nation par l'appel à l'effondrement de l'appareil d'Etat n'est pas la bonne voie. La « période de transition, » au contenu vague, défendue avec acharnement, est une solution qui pourrait faciliter à certains la satisfaction de leurs ambitions politiques, mais ouvrirait simultanément la voie à une période d'anarchie et d'incertitude politique, rendant encore plus dangereuse et plus compliquée la situation dans le pays. Pourquoi ? Parce que, tout simplement, et en toute objectivité, la classe politique algérienne actuelle n'a ni le niveau politique, ni la cohésion, ni la cohérence, ni l'unité d'objectifs, ni la capacité intellectuelle, ni la base populaire, lui assurant une légitimité suffisamment solide pour lui permettre de gérer le pays avec la fermeté et la clarté de dessein qu'exige la situation actuelle. S'ouvrirait alors une longue période d'incertitude, d'instabilité, de désordre, car aucun de ceux qui seraient en charge de cette période ne remplirait les critères de leadership incontesté lui permettant de s'imposer aux autres membres et aux autres tendances qui ne seraient pas les siennes, mais avec lesquelles il serait forcé de composer et de se compromettre. Il y aurait à la fois des luttes interminables de personnalités, des conflits idéologiques, des différences de convictions politiques telles que cette période serait une lente, mais sûre, descente aux enfers de tout le pays , avec le risque d'intervention étrangère directe et sans réserve, militaire ou diplomatique, dont les auteurs n'ont, par définition, nullement le bien et la prospérité des Algériennes et des Algériens comme objectif final. Les « transitionnalistes » en plein délire Ceux qui s'agitent et tentent de crédibiliser la démarche « transitionnaliste » sont en plein délire, car ils s'acharnent à placer le débat exclusivement sur le plan procédural, et laissent de côté le problème de la définition de la Nation algérienne, et de sa consolidation. Le Hirak demande une Algérie algérienne. Les « transitionnistes » lui proposent des procédures qui remettent à plus tard la discussion sur les problèmes de fonds du pays, et personnalisent le débat en faisant croire qu'une hirondelle peut faire le printemps et qu'un «homme providentiel,» auto-proclamé ou fabriqué par la propagande et la manipulation de l'opinion, pourrait remettre, par ses seules vertus réelles ou virtuelles, en selle le pays. La croyance en l'Imam caché, le « Maassoum, » qui apparait brusquement pour sauver la Nation ne fait pas partie du rite suivi dans ce pays ! « Notoriété » n'est pas synonyme de « représentativité » C'est une approche qui est avancée par des personnages jouissant d'une certaine notoriété, du fait de leurs anciennes positions de haut niveau dans le système politique en voie de disparition. Mais, cette notoriété n'est pas une preuve de représentativité populaire, et le Hirak le prouve sans réserves aucunes. Ces personnalités ont des exigences et des prétentions qui n'ont, malheureusement, aucun rapport avec leur influence politique. Ils ne représentent qu'eux-mêmes, malgré le caractère audacieux, et parfois insolent, de leurs proclamations. Ils profitent de leur notoriété, gagnée dans des circonstances sujettes à caution, pour crédibiliser la légitimité de leurs propositions et de leur exploitation du Hirak, et se redonner une nouvelle vie politique. La contestation de la légitimité des autorités actuelle ne remet pas en cause la légalité du pouvoir qu'elles exercent De plus, s'il y a contestation populaire de la légitimité des autorités actuelles, il n'y pas de vide juridique dans le sens le plus plein du terme : ceux qui tiennent les rênes du pouvoir ont été nommés par un homme contesté, certes, mais dont le pouvoir de nomination légal était incontestable au moment de leur nomination par lui. De plus, et même si la Constitution actuelle n'a pas été le document juridique sacré qui ne saurait faire l'objet d'aucune violation, il n'en demeure pas moins que, si décrédibilisée ait-elle été par son propre « protecteur, » elle garde toute sa puissance légale tant qu'elle n'a pas été officiellement suspendue ou même annulée. Donc, les autorités exercent leurs missions en toute légalité constitutionnelle. Et ceux qui réclament leur départ et leur remplacement par un système institutionnel transitoire, n'avancent aucun argument juridique justifiant leur demande. En fait, ils exigent explicitement, même sans énoncer leur demande avec autant de clarté, l'annulation de la Constitution actuelle dans son intégrité et son remplacement par le néant juridique. Car , une fois cette constitution annulée, de fait ou de droit, et ce qui sera le cas automatiquement en cas de mise en place d'une autorité transitoire, cette autorité, -dont les avocats n'ont pas jusqu'à présent prouvé qu'elle bénéficierait de plus de légitimité que les autorités actuelles,- exercerait ses fonctions dans l'illégalité la plus totale. Elle souffrirait donc du double défaut mortel de l'illégalité et de l'illégitimité. L'imbroglio politico-légal, déjà exacerbé actuellement, serait accentué au point de créer une situation où toutes les évolutions les plus néfastes seraient ouvertes. En conclusion ; Apparemment, les partisans de cette période transitoire ne comprennent ni ses implications légales et constitutionnelles, ni ses conséquences politiques et sécuritaires .Ils sont, malgré les titres universitaires et autres dont ils se targuent, et les compétences politiques et techniques dont ils se glorifient, aussi incompétents que les politiciens de «mahchacha,» qui fréquentent les cafés populaires des villes et villages algériens. Cette classe politique, issue de la « société civile, »pourtant fortement et quasi-exclusivement médiatisée, car les voix contraires sont systématiquement censurées et étouffées, prouve, s'il le fallait encore, par ses initiatives et ses choix de sortie de crise, -y compris l'appel au dialogue, fondée sur sa prétention de représentativité,- qu'elle est loin de comprendre ce qui se passe devant ses propres yeux depuis le 22 Février. Plus cette classe tente de se placer au centre des évènements, plus sa crédibilité se réduit, et plus elle amplifie le vide politique qu'elle prétend remplir, et plus elle confirme que le problème majeur auquel est confronté ce pays, et qui n'est pas pour peu dans la crise prolongée qu'il traverse, est l'absence d'une classe politique à la hauteur des défis auxquels est confrontée la Nation algérienne. Le « Hirak » est en même temps une résurrection et un appel au secours auquel cette classe politique, empêtrée dans ses analyses confuses et ses luttes feutrées de leadership, est incapable de répondre. Mais, il faut bien qu'entre-temps l'Etat subsiste et résiste à tous les appels pour son suicide. Proposer, -comme le réclame avec insistance la classe politique qui ne représente qu'elle-même, jusqu'à ce qu'elle prouve le contraire, ce qui est bien loin d'être acquis ,- le suicide de l'Algérie n'est pas l'option la plus raisonnable ou la plus constructive. Et donc, le jeu reste entre les mains de ceux qui détiennent le pouvoir réel, mais qui ne parviennent pas à trouver avec qui ils peuvent dialoguer pour tracer un chemin acceptable par le peuple en vue de sortir de cette crise. Ces autorités publiques ne répriment pas, elles défendent la pérennité de l'Etat, sans laquelle l'avenir du pays échappera à son peuple, pérennité menacée par les dérives d'une classe politique irresponsable, dont certains membres éminents vont jusqu'à comparer le Hirak à l'ALN/FLN de la guerre de libération nationale, et l'ANP à l'armée coloniale ! Cette classe est ambitieuse, certes. Elle remplit de ses clameurs l'espace public, clameurs amplifiées par leur écho dans les médias. Mais, en même temps, elle est incompétente et inepte, malgré ses prétentions à donner des leçons et à dicter des ordres aux autorités actuelles. Elle a été totalement déconsidérée par l'éruption du Hirak, et marginalisée. Elle est donc sans racines populaires. Elle est engagée dans un soliloque lamentable, et incapable de reconnaitre sa faiblesse et de s'autocritiquer avant de critiquer avec acerbité le pouvoir en place. De plus, en guise de solution pour sortir de la crise, elle appelle au suicide collectif de la Nation. Peut-on sérieusement envisager de confier à un ou plusieurs de ses membres, quelle que soit, par ailleurs, leur notoriété ou leur réputation, la direction du pays dans cette période de périls croissants ? |
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