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Comme
cela est réclamé par la rue depuis le 22 février dernier, un autre «B», Mouad Bouchareb, a fini par
sauter. Le désormais ex-président de l'Assemblée populaire nationale (APN) aura
subi le même sort, sinon pire, que celui qu'il avait réservé à son prédécesseur
au perchoir, Saïd Bouhadja, puisqu'il a finalement
démissionné hier mardi, laissant la porte ouverte à une succession, qui
s'annonce mouvementée.
Après avoir poussé en vain vers la porte de sortie Saïd Bouhadja, Bouchareb et ses partisans ne se sont pas alors embarrassés de respecter la légalité constitutionnelle et le règlement intérieur du Parlement pour évincer un président de la chambre basse élu démocratiquement. Car au mois d'octobre dernier, en pleine campagne feutrée pour un 5e mandat du président Bouteflika, l' «establishment» politique du pays décide de changer le président de l'APN et le SG du FLN. Djamel Ould Abbes, trop bavard par rapport à l'élection présidentielle annulée du 18 avril dernier, n'était plus en odeur de sainteté, et donc a été écarté, au profit de Mouad Bouchareb, qui prend alors le maquis au profit du même «establishment» pour faire partir Saïd Bouhadja de la présidence de l'APN. Avec le plein soutien de la présidence, qui garde alors le silence le plus total sur un putsch parlementaire que l'opposition avait dénoncé, les groupes parlementaires du FLN, du RND et de TAJ vont alors organiser et exécuter l'éviction illégale de Bouhadja de la présidence de l'Assemblée populaire nationale. Des députés du FLN «cadenassent» alors les portes de l'édifice pour empêcher le président de l'APN d'accéder à son bureau, puis poussent la Commission des Affaires juridiques, administratives et des libertés de l'Assemblée nationale à «constater» la vacance du poste. Dans une déclaration à la presse, le président de cette Commission, M. Amar Djilani, indique alors que «la Commission a élaboré un rapport confirmant la vacance du poste de président de l'APN lors d'une réunion consacrée à l'examen de la saisine, qui lui a été adressée par le bureau de l'Assemblée, qui avait constaté la vacance du poste lors d'une réunion d'urgence». Dans un communiqué à l'issue de cette réunion, la même commission a souligné que «tous les éléments juridiques de l'état de vacance sont réunis pour incapacité du président de l'APN à assurer ses fonctions, du fait de son désaccord avec les députés et son refus de démissionner. Ce cas de figure s'inscrit dans le cadre des dispositions légales prévues par l'article 10 du règlement intérieur de l'APN, lequel prévoit qu'en cas de vacance de la présidence de l'APN par suite de démission, d'incapacité ou d'incompatibilité ou de décès, il est procédé à l'élection du président de l'APN suivant les mêmes modalités prévues par le présent règlement intérieur dans un délai maximum de quinze (15) jours à compter de la déclaration de la vacance», avait précisé le communiqué des «putschistes». Comme pour Bouhadja, Bouchareb renié par les siens Un coup de force qui avait été dénoncé par les partis d'opposition, et du point de vue légal, tout à fait anticonstitutionnel, selon la constitutionnaliste Fatiha Benabbou. Mouad Bouchareb, qui a pris les rênes du FLN et de l'APN en peu de temps et dans des circonstances politiques surréelles, incarne aujourd'hui toute la démarche erronée et suicidaire d'un parti à la dérive, devenu à la fois otage et Cheval de Troie pour certains milieux politiques qui l'ont toujours exploité pour leurs propres intérêts. La démission de Bouchareb, qu'il a présentée officiellement au bureau de l'APN, est le résultat inéluctable de «pressions très fortes» de sa propre formation politique, explique au Quotidien d'Oran un député du RND. «Ils l'ont invité à partir», ajoute la même source selon laquelle «ce sont des personnalités de sa propre formation politique qui l'ont poussé vers la porte de sortie». Acculé par les parlementaires de son propre parti, Bouchareb n'avait plus de marge de manœuvre, puisque le groupe parlementaire du FLN lui a dernièrement retiré sa confiance. Le règlement de l'APN prévoit que le vote pour la désignation du futur président de l'APN soit dirigé dans un délai de 15 jours par le doyen des vice-présidents non candidat, assisté des deux plus jeunes membres de l'Assemblée populaire nationale. Pour combler la démission de Bouchareb, c'est le vice-président de l'APN, Abderrezak Kerbache, qui a été chargé de gérer les affaires courantes pour les 15 prochains jours. Bouchareb, arrivé au perchoir après le putsch contre Saïd Bouhadja en octobre dernier, une opération politique téléguidée par Saïd Bouteflika, qui avait auparavant écarté le SG du FLN Djamel Ould Abbes, avait réussi à se mettre tout le monde sur le dos, autant ses partisans au sein du FLN, la rue, qu'au sein de l'hémicycle, où il était de plus en plus contesté. La veille de sa démission, lundi, des députés FLN avaient empêché la tenue d'une séance plénière consacrée au vote d'un rapport de la Commission juridique. Ils ont réclamé le départ de Bouchareb qui a occupé, selon eux, «ce poste de manière illégale, en violation de la Constitution». Un règne éphémère que celui de Mouad Bouchareb, lâché par ses partisans au sein du FLN et à l'APN. Ses «mandats» au sein du Parlement et à la tête de l'ex-parti unique auront été autant d'étoiles filantes dans une conjoncture politique de tous les reniements. Déjà, au mois de mai dernier, et surfant sur la vague du «Hirak», le groupe parlementaire du FLN avait appelé le président de l'APN à se retirer «de son plein gré» de la présidence de l'Assemblée, «en réponse à la revendication populaire et en application des orientations de la direction politique du parti», selon des parlementaires. Une attitude politique qui rappelle étrangement la similitude de la situation avec celle qui avait prévalu en octobre dernier lors de l'éviction du précédent président légitime du Parlement, Saïd Bouhadja, qui avait pourtant en mars dernier manifesté son intention de revenir au perchoir. Le départ de Bouchareb «est une exigence irréversible sur laquelle on ne reviendra pas», avait déclaré en mai dernier le nouveau SG du FLN, Mohamed Djemaï. Les députés sont revenus à la charge ces derniers jours pour déposer le président de l'APN. Quelques heures après le dépôt de la démission de Bouchareb, le bureau de l'APN a déclaré le poste de président du Parlement «vacant», et a, dans la foulée, reporté à une date ultérieure la fin de la session de printemps, prévue hier. L'appel du groupe parlementaire du FLN pour le départ de Bouchareb confirme d'autre part que le nouveau «patron» du FLN veut sacrifier le président de l'APN, une des cibles du Hirak, pour tenter de redorer le blason bien terni d'un parti impliqué dans la crise politique, sociale et économique qui a fait sortir dans la rue les Algériens pour réclamer la fin du système politique actuel, et l'émergence de nouveaux dirigeants. |
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