
Cela peut
paraître inopportun ou inintéressant de parler de football en ces temps où la
chronique judiciaire et l'actualité politique remplissent le quotidien des
Algériens. Mais à l'approche de la Coupe d'Afrique des nations de football, les
inconditionnels des Verts pensent déjà à s'équiper pour pouvoir suivre dans de
bonnes conditions de confort et d'ambiance, les retransmissions des matchs et
ne pas rater les prestations de la sélection nationale en Egypte.
Le pays
organisateur de la CAN 2019, bien rodé dans ce genre de compétitions, a mis
tous les moyens pour que les Egyptiens soient prêts pour ce rendez-vous
africain. Il est question, pour eux, de fierté nationale, de gloire et de
grandeur d'«Oum Dounia» qu'il faut défendre à tout prix. Pendant cette
compétition, les Egyptiens vont vivre à fond cet évènement. Leurs soucis
quotidiens seront reportés à la faveur du rouge et noir de leur équipe. Ils
n'auront d'yeux que pour les Pharaons et Salah, l'idole de la ville qui a vu
naître les Beatles sera le centre du monde égyptien, son autre pyramide. Tous
les espoirs d'un peuple et l'espérance d'un pays reposent sur ce prodigieux
joueur que les grands clubs européens désirent l'avoir avec eux. Il est le
porte-joie et le porte-bonheur des masses qui s'arrachent ses maillots, ses
posters et tous les articles portant son nom et sa photo. C'est fou le
football. C'est magique. C'est euphorique. C'est l'opium des peuples que Marx
n'a pas connu en son temps. Les politiques l'ont compris et l'utilisent comme
dans la Rome antique lors des troubles sociaux. A cette époque, l'empereur
distribuait du pain et organisait des jeux de cirque pour calmer les esprits et
les hypnotiser. Panem et circenses,
l'ancien Emir du Qatar l'a aussi compris. Il a su faire sortir son minuscule
pays de l'anonymat, et s'il est connu aujourd'hui à travers la planète, c'est
aussi grâce au football et à ses chaînes de télévision qui ont eu l'exclusivité
de la retransmission des matchs des phases finales de la Coupe du monde de
football et de plusieurs championnats continentaux, de l'achat de Paris SG et
du sponsoring de grands clubs européens. En 2022, le petit émirat organisera le
Mondial que peu de nations ont réussi à l'avoir chez elles. Sauf qu'à la place
du pain (panem), l'Emir a distribué des chèques
libellés en dollars us pour faire son cirque (circenses).
Pendant que les dirigeants arabo-musulmans dépensent sans compter pour le
football, ils ne le composent presque jamais au féminin, car la femme reste
minorée sous le tutorat masculin et sa voix muselée ne compte pas dans les
affaires de la cité. Malgré les avancées notables dans sa situation de femme
rivalisant avec son alter ego dans tous les domaines du savoir, de
l'innovation, de la créativité intellectuelle et dans le managérial, son statut
la garde confinée entre quatre murs et cachée sous le voile. Elle reste cet
objet précieux, cette génitrice qui assure la continuité du génome mais elle
est aussi cette source de discorde pour les machistes et les sexistes de tous
bords. Sa visibilité a toujours été intolérable et insupportable pour des
raisons culturelles surchargées de bigoterie. Et si ce n'était pas
l'intransigeance du Comité international olympique et des fédérations
internationales, il n'y aurait certainement pas d'athlètes féminines
participant aux Jeux olympiques et aux championnats du monde (tous sports
confondus). Bien qu'en Afrique du Nord, le sport féminin -en individuel comme
en équipe- ait eu ses moments de gloire avec des athlètes maghrébines
médaillées aux Jeux olympiques et dans les Championnats du monde, le sport
féminin semble prendre la courbe descendante allant droit vert l'extinction et
l'on ne verra plus les Nawel El Moutawekel,
Hassiba Boulmerka, Habiba Ghribi? Mais il ne faut
pas croire que le conservatisme rétrograde est le propre des seuls
Arabo-Musulmans. Le philosophe Alain Finkielkraut a dit cette semaine dans une
interview : «Je n'aime pas le football féminin? C'est
pas possible ! Mais après on va faire le rugby féminin?... Bien sûr l'égalité,
mais un peu de différence ! C'est très bien que les femmes jouent au
football... Ce n'est pas comme ça que j'ai envie de voir des femmes... Et après
vous allez me demander de regarder un match de boxe entre femmes ?»
Malheureusement, la bêtise n'est pas concentrée en un seul endroit, elle est
métastasée dans tous les tissus pour pouvoir l'extirper et interdire ce qui
n'est interdit qu'aux femmes.