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«Le
fils Tahkout a demandé au juge à être mis sous
contrôle judiciaire pour qu'il puisse s'occuper de sa sœur malade, mais il le
lui a refusé», disent des proches de la famille choqués par la mise sous mandat
de dépôt de l'homme d'affaires Mahieddine Tahkout, ses deux frères et son fils.
La mise en détention préventive de quatre membres de la famille Tahkout à l'aube de la journée d'hier et leur incarcération à la prison d'El Harrach, à l'est d'Alger, a été décidée par le juge d'instruction près le tribunal de Sidi M'hamed après une longue nuit dans l'instruction. L'homme d'affaires Mahieddine Tahkout, ses frères Hamid et Rachid ainsi que son fils Bilal ont été ramenés au tribunal de Sidi M'hamed dans l'après-midi du dimanche par les éléments de la Gendarmerie nationale après qu'elle les a interrogés sur plusieurs affaires dont celle du transport des étudiants. La famille Tahkout est accusée de détournements de fonds, de blanchiment d'argent, de trafic d'influence pour accès aux privilèges. Contacté hier par nos soins, Me Khaled Bourayou qui est membre du collectif de défense des Tahkout n'en revenait pas de «la gravité d'une telle décision». Il n'arrêtait pas de s'interroger «pourquoi mettre toute une famille en prison ? Quel est l'intérêt ?» Il nous rappelle que les Tahkout «c'est un groupe qui emploie 14 600 travailleurs, pourquoi met-on tout un groupe dans la difficulté ?» Me Bourayou nous confirme que Tahkout Bilal fils a demandé au juge d'être mis sous contrôle judiciaire pour qu'il puisse s'occuper de sa sœur malade. «La réponse, on la connaît, il est incarcéré, c'est toute une famille qui est en prison !», s'indigne encore Me Bourayou. L'homme de loi estime que «la justice doit résoudre des problèmes et non pas en créer». Il pense que «quand on tire de la justice ce qu'il y a de plus mauvais, c'est qu'on manque de discernement». Très en colère par la mise en détention préventive des Tahkout, Me Bourayou affirme que «ce pays a intérêt à être géré par le bon sens !» «Il y a trop de commissions et d'intervenants» Mahieddine Tahkout a été parmi les premiers hommes d'affaires à être interdit de sortie du territoire national. Le collectif des avocats qui le défendent ne comprennent pas «pourquoi alors le mettre en prison ?» Règlements de comptes ? Justice aux ordres ? Justice spectacle faute d'alternative politique concrète et consensuelle ? Tout est dit même si c'est à demi-mot. Mahieddine Tahkout fait parler de lui depuis très longtemps. Depuis qu'il a commencé à transporter les étudiants et que la vox populi disait que les bus qu'il mettait à la disposition de l'Onou (Office national des œuvres universitaires) appartenaient en fait à Ahmed Ouyahia. Ce dernier avait, bien sûr démenti lorsque la question lui a été posée dans une conférence de presse. Le nom de l'homme d'affaires avait aussi été susurré quand le secrétaire général de l'UGTA était tombé à bras raccourci sur Abdesselam Bouchouareb alors ministre de l'Industrie et des Mines. C'était le 6 mars 2017, jour de la tenue de la tripartite gouvernement - patronat - syndicat qui s'était tenue à Annaba. «L'investisseur est obligé de faire le parcours du combattant, il est dégoûté, bien sûr, il nous insulte» avait lâché Sidi Saïd durant les travaux. L'assistance savait qu'il avait gros sur le cœur vis-à-vis de Bouchouareb alors qu'ils étaient amis de longue de date. «Il y a trop de commissions et d'intervenants !», avait avoué Sidi Saïd en faisant savoir que «quand des investisseurs nous demandent de les aider, on nous accuse de prendre une tchipa (pot-de-vin) qu'on le dise ! S'il me crée 50 emplois, je l'aide sans réfléchir !» Nous avions appris que Sidi Saïd parlait de Mahieddine Tahkout qui lui avait demandé d'intervenir auprès de Bouchouareb qui, disait-on à l'époque, avait mis sous le coude son dossier d'une usine de montage automobile à Saïda après avoir ouvert celle de Tiaret. «J'ai appelé quatre fois Bouchouareb mais il ne m'a pas répondu, je suis allé le voir dans son bureau, il m'a dit tu veux intervenir parce que tu veux ton bail (ta tchipa) ?!?», relatait Sidi Saïd. L'on ne saura pas pourquoi l'ex-ministre de l'Industrie a-t-il décidé de bloquer les dossiers de Tahkout? La crise politique devra attendre Tout en s'enfonçant dans une impasse politique complexe, le pays excelle dans la gestion d'affaires judiciaires par des mises en examen sans précédent, par la constitution de dossiers les uns plus lourds que les autres, par la célérité dans l'incarcération de plusieurs personnes en même temps... C'est à croire que l'autorité judiciaire s'était préparée depuis longtemps pour être mise au pas de charge sans être obligé d'adapter en premier, ses règlements, lois et textes législatifs en vigueur à des situations aussi exceptionnelles. En un laps de temps très court, la justice a laissé l'opinion publique constater que le pays a toujours été otage de la duperie et de la prédation. Qu'ils aient agi avec une rigidité qui mettait au garde-à-vous civils et militaires, avec le mot pour rire ou sur un ton blagueur, avec une arrogance et une suffisance désobligeantes, en enjambant l'anarchie qui minait leurs secteurs respectifs ou sous des airs débonnaires, il serait difficile de croire que tous ces responsables qui se reconnaîtraient dans ces traits de caractère, auraient trompé tout le monde et auraient bradé le pays sans qu'ils penseraient un instant qu'ils braderaient en même temps leur propre vie et celle de leur famille. Il est sûr cependant que jamais ils ne se seront vus vivre sous le joug d'un responsable militaire qui était rentré depuis longtemps dans les casernes par la force du politique. Depuis avril dernier, le général de corps d'armée n'a eu de cesse de répéter que la justice doit aller vite dans la lutte contre la corruption et la mise hors état de nuire de «la bande (el issaba)». Ce qualificatif semble surtout renfermer des ampleurs tentaculaires nationales et plus encore. En plus des hauts responsables qui ont comparu devant le juge d'instruction, le nombre de cadres qui devraient l'être aussi doit dépasser l'entendement. Si pour l'affaire Tahkout seule, plusieurs cadres de divers organismes, institutions et secteurs ont été déférés devant le parquet, c'est qu'il faudra s'attendre à ce que la justice sévisse là où personne n'imagine. La crise politique devra attendre. Le chef d'état-major le sait et le constate. Les solutions que la société civile «réunie» compte examiner le 15 juin prochain, - l'une tablant sur une période de transition et une assemblée constituante et l'autre sur des élections présidentielles «dans les plus brefs délais» -, étonnent par leur caractère contradictoire extrême. |
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