La
révolution en marche depuis le 22 février dernier est en train de bousculer les
acquis hérités et imposés par la force du fait accompli et des compromissions
mais aussi de faire tomber les codes structurels d'un Etat qui ont balisé une
promotion sociale basée sur le clanisme et le clientélisme. Si le système
politique et gouvernemental est attaqué par le hirak,
un autre front est ouvert contre les organisations de masse, conçues comme de
véritables satellites liberticides, premières antichambres de non-droit. Le mouvement
populaire s'est mué en tsunami qui a tout balayé, à commencer par la kyrielle
d'organisations estudiantines qui avaient prêté allégeance à Sellal, alors directeur de campagne de Bouteflika pour le
cinquième mandat. Des organisations parasitaires, partisanes, infiltrées dont
les seuls faits d'armes pour la majorité sont une politique de terreur
orchestrée et contre les autres étudiants et contre l'administration. La
première marche des étudiants, initiée après le 22 février, a sonné le glas de
ces organisations qui ont prouvé qu'elles ne représentent finalement que leurs
parrains. Si l'acte de décès de ces syndicats d'étudiants a été officialisé dès
les premiers jours du hirak, cela n'a pas été le cas
pour l'UGTA dont le SG, Sidi Saïd, est toujours à sa tête malgré son désir
affiché de ne pas briguer un énième mandat. Longtemps protégé par le système
qui l'a utilisé pour faire passer ses lois antisociales, Sidi Saïd a été l'un
des plus farouches et zélés partisans d'une reconduction de Bouteflika au pouvoir.
Hier, comme presque à chaque occasion, des milliers de manifestants ont occupé
la rue Aïssat Idir, devant
la maison du peuple, siège de la Centrale syndicale, pour réclamer son départ
immédiat. Le ressenti est tellement fort que les travailleurs affiliés à
l'Union ne veulent pas de lui ni de son équipe, une minute de plus à la tête de
l'UGTA. Le refus même d'attendre la tenue du 13e congrès, dont la date n'est
toujours pas connue pour le voir partir, est symptomatique du fossé qui existe
entre la base syndicale et sa direction. Si les étudiants veulent repartir sur
de nouvelles réflexions en rupture avec les schémas organisationnels
traditionnels, l'UGTA se cherche un nouveau souffle tout en gardant les
anciennes structures finalement obsolètes et peu représentatives. Tout comme
les symboles qui ont fait ce pays, l'UGTA doit retrouver sa place dans le musée
de l'histoire au même titre que le FLN et les travailleurs d'essayer de se
réinventer un nouveau cadre syndical plus approprié avec la mentalité révolutionnaire
de la deuxième République.