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Le
chef d'état-major, le général de corps d'armée, vice-ministre de la Défense
nationale est depuis mardi dernier dans l'œil du cyclone. «Il doit partir !»
ont scandé vendredi dernier marcheurs et nombreux autres milieux.
Une telle revendication est une suite évidente de toutes celles exprimées depuis 6 vendredis consécutifs. Elle devait être au centre dans tout ce que le mouvement populaire met en avant depuis son soulèvement contre le pouvoir en place. Elle devait apparaître en même temps que celles revendiquant le «départ immédiat de Bouteflika», «système dégage !» et «irouhou gaâ !». Il fallait juste attendre que le chef d'état-majeur s'implique officiellement et publiquement dans la gestion de la crise politique du pays pour être pris au piège. Les appels incessants à une intervention de l'armée pour faire partir le pouvoir en place étaient certainement pour le pousser à le faire en vue de le pointer directement du doigt au même titre que le président de la République. Prévoir de le faire tomber des hauts des Tagarins n'est pas une chose nouvelle. Il est clair qu'elle était inscrite sur la feuille de route des hommes de l'ombre au même titre que la gronde de la rue. Mais sa mise en évidence attendait le moindre faux pas que Gaïd Salah allait faire. Sa «proposition» du recours à l'article 102 en a été un. L'appel à sa chute est devenu public depuis quelques jours. Le slogan est tout trouvé. «Bouteflika rayah, rayah, edi maâk Gaïd Salah !» scandait vendredi dernier des marcheurs et des voix bien éclairées. Reste à savoir comment Gaïd sera-t-il «cueilli». Une petite polémique a tout de suite levé le doute sur le procédé. Dès qu'elle a été exprimée par des politiques, la demande de son limogeage a été jugée «étonnante» par des observateurs avertis. «Mais qui doit limoger le chef d'état-major, le président que la rue veut limoger ?» ont-ils interrogé jeudi dernier. La parade est trouvée. «Ce sont les militaires qui doivent eux-mêmes le faire partir, d'ailleurs ils ne l'aiment pas», soutiennent des voix proches des anciens responsables des services secrets. Le verdict devrait être sans appel au regard de sa préparation bien réfléchie par ceux qui connaissent depuis longtemps les rouages du système. (Re)déploiement des wilayas historiques Il est demandé «aux troupes» de se révolter contre leur chef. A l'intervention militaire dans le champ politique décidée par Gaïd et qui a l'air d'un coup d'Etat à blanc contre le président de la République, il est apposé l'exigence d'un putsch à l'intérieur même de l'institution militaire pour le faire partir. C'est l'implosion des rangs qui est recherchée alors que jusque-là ils sont en principe unis face aux dangers des frontières. Des voix le réclament publiquement depuis jeudi dernier. «Bouteflika et Gaïd doivent partir, ce sont les deux piliers du système», plaident-elles. Les pièces du puzzle recherché sont ainsi placées au fur et à mesure que la rue marche. Le scénario de faire chuter le pouvoir en place n'est cependant pas totalement dévoilé. Reste la réponse définitive qui doit être donnée à la question «à qui remettre les clefs du pays s'ils doivent tous partir (irouhou gaâ) ?» Aux quelques noms de personnalités qui ont été avancés dès les premières marches pour prendre les commandes du pays, il est susurré depuis peu mais non encore au grand jour, celui de Abdelghani Hamel, l'ex-directeur général de la sûreté nationale limogé en mai dernier par Bouteflika dès l'éclatement de l'affaire El Bouchi ou les 701 kg de cocaïne. Depuis ses déclarations fracassantes sur la gestion de cette affaire et surtout sa phrase «celui qui veut lutter contre la corruption doit être propre», Hamel s'est imposé le silence. Aujourd'hui, des officines des services avancent que son nom figure parmi ceux qui doivent revenir «pour assainir les lieux». D'autant que, selon eux, «il fait partie de ceux qui ont des revanches à prendre sur le pouvoir en place». Mais il n'est pas question de le placer avant Zeroual ou autres personnalités qui sont proches à l'ancien président de la République de par son positionnement passé et présent. Il est fait état d'alliances «étroites» entre wilayas historiques qui ne pouvaient se faire il y a à peine quelques années ou même durant la guerre de libération nationale pour des raisons évidentes de leadership. Recompositions des pouvoirs anciens Un casting minutieux est entrepris en parallèle des joyeux «Silmia !Silmia !(pacifique)» qui sont clamés par la rue depuis le 22 février dernier. Il est fait en sorte que tout soit bien synchronisé pour que la chute programmée des gouvernants intervienne au moment jugé opportun par ses concepteurs. Des restructurations sont menées sur la base de recompositions de pouvoirs anciens. De nouveaux visages devraient apparaître pour faire croire au changement sans qu'il ne se produise véritablement. Il est certain que ce ne sont pas des incultes des manœuvres tactiques qui planifient l'exécution d'un tel scénario. L'enchaînement des revendications, leur cohérence et leur profondeur sont trop bien faits pour être une simple œuvre d'une rue dont la majorité sort pour se retrouver dans une ambiance festive. C'est cet air de «liberté» qui en dessine chaque vendredi les différentes phases. Scénario qui ne peut avoir été monté sur un coup de tête d'un ras-le-bol populaire. L'on se demande comment le clan présidentiel et le chef d'état-major n'ont-ils rien vu venir de la programmation de leur chute alors qu'il est affirmé par des sources du renseignement qui leur sont proches qu'ils avaient reçu il y a plus d'une année des rapports détaillés prévoyant de fortes protestations populaires. Services de renseignement, police militaire, gendarmerie nationale ont, selon ces sources, tous tiré la sonnette d'alarme mais le clan Bouteflika a fait la sourde oreille. Il importe peu de savoir aujourd'hui si une telle attitude résulte de la prétention ou de l'ignorance, la chute est bien organisée. Elle concerne en premier un homme que la maladie ronge depuis plusieurs années. Ainsi affaibli physiquement, son départ ne devrait se faire en principe ni par la force des bras ni par celle de la violence. L'Algérie aura tout à gagner à observer la sérénité loin des haines dévastatrices comme celles qui ont marqué les années 90 où près de 200.000 de ses enfants avaient péri. «Mais il faut bien que des têtes tombent et que les marches s'arrêtent», nous disent des anciens responsables. Tout dépendra de l'entêtement des antagonistes en faction, les uns pour garder le pouvoir et les autres -tapis dans l'ombre- pour le récupérer quelques années après en avoir été éjectés. |
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