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Sacrifier Bouteflika pour sauver le régime

par Kharroubi Habib

Le recours à l'article 102 de la Constitution «suggéré» au nom de l'armée par son chef de l'état-major le général Gaïd Salah pour mettre fin à l'imbroglio constitutionnel provoqué par l'obstination du président Bouteflika et de son clan à vouloir rester au pouvoir, malgré l'incapacité physique démontrée de celui-ci à exercer ses fonctions, n'aurait pas provoqué le tollé qui se fait entendre si les tenants du pouvoir avaient au constat de l'invalidité manifeste du président suite à l'AVC qu'il a subi fait jouer cet article pour le destituer ainsi que l'ont réclamé de nombreuses voix dont celles ayant parlé au nom de l'opposition. Que la «suggestion» émise par le général Gaïd Salah qui fut intraitable dans le refus de déclarer Bouteflika inapte à gouverner intervienne en pleine tempête politique qui fait vaciller le régime en entier, cela ne peut que susciter la suspicion au sein du mouvement populaire qui a provoqué cette tempête et dont l'objectif n'est pas seulement de faire partir Bouteflika mais d'en finir avec tout le pouvoir qu'il incarne.

Cette suspicion majoritairement manifestée pour la «suggestion» émise par le chef de l'armée a sa raison d'être tant il paraît s'être converti à la nécessité que pour sauver le régime il y a lieu de sacrifier Bouteflika. La mise en œuvre de l'article 102 enclencherait en effet un processus constitutionnel qui tout en entraînant la destination de Bouteflika permettrait au pouvoir de garder la main sur la transition et d'organiser une élection présidentielle dont il aurait les moyens d'influer sur son résultat.

Les millions d'Algériens qui manifestent pacifiquement mais avec détermination pour exiger le changement du régime ont quelques raisons de voir dans l'appel de Gaïd Salah à l'application de l'article 102 une tentative visant à les flouer au principe que la crise politique ne pourrait se dénouer que par le respect des dispositions constitutionnelles. Lequel respect a été le dernier des soucis du régime et du général qui s'en préoccupe soudainement. La réponse que fera le peuple à la «suggestion» sera probablement de lui signifier qu'il n'y a plus en Algérie que sa souveraineté retrouvée qui est source de ce qui doit être mis en œuvre pour régler la crise politique en cours dans le pays.