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Vendredi 22
mars avait scellé un mois de manifestations contre le pouvoir et de
protestation ininterrompues contre la volonté du président Bouteflika d'aller au delà de la date butoir de son mandat, qui s'achève le 28
avril prochain.
Le vendredi 22 mars, le 5e depuis le 22 février dernier qui a délivré les Algériens de la peur de sortir manifester dignement pour leur liberté et la démocratie, le peuple a réitéré son appel au pouvoir pour partir et laisser les Algériens instaurer une période de transition qui organisera par la suite des élections propres et transparentes. La société civile est également sortie, dès les premiers moments de la protestation contre le 5e mandat, appeler le chef de l'Etat à renoncer à une candidature de tous les périls. Les manifestations imposantes des 1er et 8 mars, qui ont fait sortir pratiquement tous les Algériens dans la rue, alors que la tension s'est également exercée sur le président, hospitalisé à Genève pour des contrôles médicaux, ont pesé sur sa décision de renoncer au 5e mandat et de proposer une période de transition pour préparer une conférence nationale inclusive devant se terminer par la révision de la Constitution et l'organisation d'une élection présidentielle. Il rentre le 10 mars de Genève et annonce ses décisions le lendemain 11 mars, avec la nomination de Noureddine Bedoui au poste de Premier ministre, chargé de former un gouvernement de transition de «larges compétences» avec Ramtane Lamamra, vice-Premier ministre et nouveau ministre des Affaires étrangères. Le diplomate Lakhdar Brahimi est là également, mais quelques jours plus tard, il repart en France, avant de déclarer qu'il y a «un blocage». Ce qui a outré les Algériens n'est pas tant l'annonce de l'abandon du 5e mandat par le président Bouteflika, c'est le fait qu'il ait insisté dans son message à la nation qu'il n'a «jamais été question d'un 5e mandat», tout en prolongeant le mandat actuel, puisqu'il n'a pas annoncé qu'il partira le 28 avril prochain. Les manifestations comme les déclarations de responsables politiques de l'opposition se multiplient alors, autant pour dénoncer la volonté de «survie du système» que celle du président Bouteflika de prolonger son 4e mandat. Le samedi 16 mars denier, Louisa Hanoune, la secrétaire générale du Parti des travailleurs, a appelé le président Bouteflika à partir à la fin de son mandat, c'est-à-dire le 28 avril prochain. Mais, surtout, pour entendre les Algériens, qui ont rejeté le plan « B » qu'il a proposé le 11 mars. « Et tant qu'il est encore temps, avant qu'il ne soit trop tard, que la présidence annonce le retrait de Bouteflika à la fin de son 4e mandat, la démission du gouvernement actuel, la dissolution du Parlement et désigner un gouvernement technique provisoire, composé de femmes et d'hommes intègres, compétents et patriotes, chargé des affaires courantes», explique Louisa Hanoune. Pour le Dr Saïd Sadi, l'ex-président du RCD, Bouteflika ne partira pas « sans un rapport de forces qui le contraint à l'abdication ». Pour lui, ce qui se passe ces jours-ci en Algérie relève du «miracle», car «ce que je retiens personnellement, ce n'est pas le fait qu'il y ait une réaction de la population, c'est la manière avec laquelle elle s'est exprimée. D'une part, c'est dans l'ensemble du pays. D'autre part, elle embrasse l'ensemble des catégories. Ce ne sont pas des manifestations, je crois qu'on assiste à une nation qui est en train de renaître », a-t-il déclaré à TSA le 16 mars dernier. Mais, en dépit des manifestations chaque vendredi, des marches quotidiennes de protestation de différentes corporations professionnelles, dont les avocats, les magistrats qui se sont rebellés contre une justice aux «ordres», les syndicats et les inspecteurs de l'éducation, les médecins, pharmaciens, les syndicalistes dont ceux de l'UGTA qui ont demandé à leur SG de démissionner, les défections au niveau du FCE, les travailleurs des grandes zones industrielles, les étudiants puis les écoliers, le président Bouteflika est resté droit dans ses bottes. A l'occasion de la fête de la Victoire, le 19 mars, il donne un nouveau message, mais n'annonce point son retrait de la scène politique. Ce qui contribue à renforcer les rangs des manifestants, et, ailleurs dans le monde, un profond respect des Algériens est en train de se répandre. Dans l'intervalle, le nouveau Premier ministre a enregistré plusieurs échecs dans la formation de son gouvernement de «larges compétences», plusieurs organisations syndicales sollicitées ont refusé de se joindre aux consultations, entamées le dimanche 17 mars. Les attaques de partis et personnalités politiques contre le pouvoir et pour le départ du président Bouteflika ne faiblissent pas. C'est dans ce contexte politique absolument irréel pour les partis de la majorité que l'on enregistre les premières fissures dans le bloc des soutiens de la 5e mandature, avec des défections massives de militants et de cadres, dont des mouhafedhs, tant au sein du FLN qu'au sein du RND où le porte-parole du parti, Seddik Chihab, a lâché une bombe mercredi 20 mars en déclarant à une TV locale que le soutien à un 5e mandat a été « une erreur », et que « nous n'avons pas été perspicaces » en soutenant cette candidature. Seddik Chihab, qui ne s'est pourtant pas fait taper sur les doigts par son SG Ahmed Ouyahia, est allé plus loin en affirmant que le pouvoir en Algérie est exercé «par des forces anticonstitutionnelles». Qui a voulu internationaliser la crise algérienne ? Même climat de sédition au sein du FLN, où Ahmed Boumehdi, un des opposants au chef de la coordination actuelle, a estimé le 21 mars que « je ne crois pas Mouad Bouchareb quand il dit qu'il soutient le mouvement populaire, car c'est lui qui a été à l'origine du slogan ?'FLN dégage'' ». Bouchareb avait le 25 février dernier à Oran déclaré aux autres candidats à l'élection présidentielle, dont ceux de l'opposition, d'arrêter de « rêver », avant de comparer le président Bouteflika à « un messager de Dieu ». « C'est lui qui a retourné le peuple contre notre parti », ajoute Boumehdi. Le SG du RND, Ahmed Ouyahia, n'est pas en reste des ralliements de dernière minute au peuple, après avoir menacé de réprimer les manifestants, lorsqu'il a déclaré le 18 mars dernier qu'il faut « répondre » dans les meilleurs délais « aux revendications pacifiques » du peuple. Mais, sourd aux revendications populaires, le président Bouteflika va commettre une autre erreur, en internationalisant, en quelque sorte, la crise algérienne. Il a envoyé son ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra dans trois capitales européennes (Rome, Moscou et Berlin) défendre une feuille de route d'issue de la crise actuelle que les Algériens ont refusée et rejetée, celle d'une période de transition suivie par une conférence nationale inclusive, la réforme de la Constitution et une élection présidentielle, à l'issue de laquelle il est prêt à partir. Mais, l'initiative algérienne, vue par ailleurs comme une sorte d'avertissement à ces capitales que les manifestations actuelles peuvent déboucher sur autre chose, comme l'émergence des islamistes, n'a pas eu l'effet escompté. A telle enseigne que le chef de la diplomatie française, Jean Yves Le Drian, a manifesté son émerveillement devant le caractère pacifique des manifestations dans le pays. « La France sera aux côtés de l'Algérie, mais c'est l'Algérie qui décide de son avenir et ce n'est pas la France », a-t-il dit vendredi 22 mars sur BFMTV, avant d'ajouter : « La France ne s'ingérera pas dans la politique intérieure de l'Algérie : c'est un pays souverain ». Dmitri Pescov, porte-parole de la Fédération de Russie, a déclaré de son côté, après la visite à Moscou de Lamamra, que « la situation politique en Algérie doit être réglée sans ingérence extérieure ». «Personne n'a demandé d'aide à la Russie. Alger et Moscou souhaitent le maintien de bonnes relations dans leur coopération», a-t-il dit, avant de souligner que « nous sommes convaincus que les Algériens doivent décider eux-mêmes de leur sort, sans ingérence de pays tiers et sur la base de leur propre législation et Constitution». Enfin, l'ex-premier secrétaire du FFS, Karim Tabbou, a vivement critiqué, quant à lui, la démarche du pouvoir en envoyant un émissaire à Moscou, Rome et Berlin. « Le pouvoir nous a toujours accusé d'être la main de l'étranger, mais la plus grande main de l'étranger c'est le système, et sa démarche actuelle ne fait que le confirmer », a-t-il affirmé jeudi 21 mars lors d'une conférence-débat à l'université de Tizi Ouzou. «Ce système a l'habitude de céder sur tout à l'extérieur pour garder la main basse sur l'intérieur», a-t-il ajouté. |
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