Pour un quatrième vendredi de tous les espoirs pour une
transition démocratique, en douceur et dans la bonne humeur citoyenne, des
dizaines de millions d'Algériens, peut-être le nombre réel des électeurs, ont
appelé le pouvoir qu'il ne faut plus tergiverser pour partir. Le message est
clair, et la revendication des Algériens pour le départ de l'actuel système
politique est une requête minimale qu'il ne faut ni dévoyer, encore moins
instrumentaliser. Il est évident, d'une part, que les manifestants à travers le
pays ont acquis une grande maturité politique et ont fait montre d?un
extraordinaire et étincelant discernement des revendications politiques qu'il
faut arracher et, d'autre part, ont montré un calme et une maîtrise
impressionnants durant toute la journée de vendredi, la quatrième de suite
organisée sans heurts, ni dépassements. Ce qui, à l'évidence, doit faire
comprendre aux décideurs qu'à partir du 28 avril prochain, ils n'auront plus
aucune légitimité constitutionnelle si les choses en restent là. Ensuite, qu'il
ne faut plus louvoyer pour répondre aux revendications du peuple. C'est autant
un gain de temps pour le pays et ses institutions. Personne n'a été dupe sur
les objectifs de la conférence de presse de jeudi des Premier et vice-Premier
ministres, et il est plus qu'urgent que les messages de la rue soient entendus
et satisfaits, avant que la situation n'échappe à tout le monde. Pour le
moment, ces manifestations montrent à la face du monde et encore plus au
pouvoir, que ces Algériens qu'on affublait de tous les qualificatifs savent ce
qu'ils veulent, et qu'ils doivent être maintenant entendus, car ils ne
lâcheront plus. Et, dans cette atmosphère tendue, car il y a bien une énorme pression
sur le pouvoir, il y a quelque chose d'important et de vital que personne ne
doit perdre de vue : les institutions du pays doivent fonctionner, les
Algériens ne doivent pas quitter ni abandonner leur travail. Après, et pour
rester dans le «tempo» de ces manifestations populaires, il faut aller vers une
sortie de crise rapide avec des propositions concrètes. Car si le pouvoir a
sorti de son chapeau un plan «B», d'ailleurs largement évoqué bien avant les
manifestations de rejet du 5ème mandat, il faut maintenant que la société
civile algérienne s'organise, qu'il y ait des interlocuteurs crédibles et
consensuels du peuple avec les autorités publiques. Le «Hirak»,
qui a fait bouger les lignes rouges que le système avait dressées depuis des
décennies devant toute protestation populaire contre son mode de gouvernance,
est en train maintenant de montrer la voie vers un changement de régime
pacifique, à travers une douce révolution citoyenne qui ne doit pas être
instrumentalisée. Encore moins donner l'occasion à certains courants
politiques, de prendre «le train en marche» et diriger le «Hirak»
vers des destinations inconnues. En tous les cas pas celles que veulent les
Algériens qui se limitent à une destination finale : passer à une étape
politique et sociale où ils auront vraiment un rôle citoyen à jouer, celui de
construire leur pays avec des institutions démocratiquement élues.