Bouteflika,
dont on a tant vanté la «vista» politique et l'habileté manœuvrière et
tacticienne qu'il déploie pour neutraliser et écarter les obstacles qui se
mettent en travers de ses visées et ambitions, s'est essayé avec ces armes à
contrer le mouvement populaire qui le pousse vers la porte en lui ayant refusé
et le cinquième mandat qu'il a voulu briguer malgré son incrédible
dénégation et une prolongation de celui qu'il achève. Les artifices dont il a
usé pour enrayer la dynamique de ce mouvement n'ont pas eu l'effet escompté par
lui. Ce que démontre le fait qu'après avoir pris connaissance de sa feuille de
route censée permettre au pays une sortie de crise donnant pleine satisfaction
aux revendications populaires, ce mouvement, loin de refluer, apparaît résolu à
poursuivre son action dont l'objectif immédiat n'est rien moins que d'obtenir
de Bouteflika qu'il renonce à s'accrocher au pouvoir et à vouloir imposer au
pays une transition dont il serait le conducteur. Si l'habileté manœuvrière et
tactique du président n'a pas porté ses fruits cette fois, c'est parce que ce
dernier, autiste de par sa culture politique à l'endroit des attentes
populaires, n'a pas jugé qu'il faille leur donner quelque satisfaction quand
cela a été possible pour lui en vingt ans de règne de le faire sans casse pour
le pays et même pour le régime qu'il préside. Ce qui est
désormais attendu de Bouteflika est qu'il cesse de ruser et accepte de passer
la main aux conditions qu'y met le mouvement populaire dont l'irrévocable est
qu'il ne prétende plus à être le «deus ex machina» de la transition, avec pour
but, clairement décelable, d'imposer à ses acteurs un compromis préservant les
intérêts de son clan et autant que possible assurant la survivance sous une
forme moins brutalement totalitaire et avilissante du régime dont il est
l'ultime barrière, retardant le démantèlement réclamé par la rue. Un
sursaut clairvoyant de sa part, qui permettrait à l'Algérie de dépasser
pacifiquement la fatalité d'un changement par la violence, est très peu probable.
Pour que Bouteflika se résolve à un tel acte, il lui faudrait enfin admettre
que le destin de l'Algérie est supérieur au sien. C'est là une reconnaissance
qu'il ne peut concevoir, car s'étant forgé tout au long de sa vie politique la
conviction que l'Algérie et les Algériens sont dans l'erreur et l'errance et
que lui a été prédestiné à leur guidance qu'il entend conserver jusqu'à sa
mort. Ce vendredi, cette Algérie et ces Algériens se chargeront de lui faire
comprendre qu'ils sont debout et déterminés à prendre en main leur destin et à
l'effacer honteusement de leur histoire.