De toute
évidence, les suppliques de la rue n'ont pas été entendues, tout comme cet
ardent désir des Algériens d'un changement pacifique, qui soit bien compris et
entendu par le pouvoir.
La
candidature officielle du président Bouteflika à sa propre succession a
exacerbé la tension sociale un peu partout sur le territoire national, mais a
douché quelques espoirs quant à une prise de conscience soudaine du président
et de son entourage des moments d'extrême tension que traverse le pays. Le
maintien de la candidature de M. Bouteflika pour un 5ème mandat est autant
provocateur, autant un élément accélérateur d'un mécontentement social qui
risque de compromettre cette élection présidentielle. Cela signifie surtout que
le cri de désespoir du peuple pour arriver à imposer par lui-même, par la voie
pacifique, un changement salutaire pour le pays, un passage en douceur vers une
autre alternative politique, qu'il demande à travers ces marches qui submergent
le pays et ses dirigeants, ne peut être passé par le compte ?'pertes et
profits''. Autrement, le président Bouteflika, en maintenant sa candidature
envers la volonté du peuple, ne semble plus en mesure d'entendre ou de
décrypter les clameurs de la rue, et, surtout, ne semble pas vraiment
comprendre le sens profond des marches qui labourent en long et en large, du
sud au nord et de l'est à l'ouest le pays. Cela n'est plus possible que de
telles clameurs de la rue, qu'un tel désir populaire de s'opposer au 5ème
mandat soient à ce point ignorés, piétinés. C'est un
scénario politique totalement inédit, absolument inquiétant, car il y a de plus
en plus de forces qui s'opposent sur ce terrain de la 5ème mandature:
celle du peuple, de l'opposition et de la société civile, qui ne veulent plus
d'une fatalité politique imposée, et celle des partis politiques de la majorité
et leurs soutiens. Au milieu, il y a les forces de police républicaine, qui ne
peuvent indéfiniment servir de rempart à deux positions politiques
antagoniques, qui peuvent basculer. La maturité politique en de tels instants
historiques, sensibles, des manifestants, qu'ils soient étudiants ou simples
citoyens, ne devrait cependant pas servir d'autres desseins que ceux de servir
l'Algérie, comme le pouvoir ne doit pas y voir une tentation politique de trop,
une sorte d'intrusion vers des destinations politiques dangereuses. Certes,
pour ceux qui espéraient une autre réaction du chef de l'Etat aux demandes
pressantes des Algériens de ne pas briguer un 5ème mandat, c'était la douche
froide, dimanche soir. Mais pas autant que celle de ces jeunes, des électrons
libres qui peuvent être manipulés à tout moment par toute force politique ou
autre, qui aurait d'autres desseins que ceux de servir le pays, la démocratie.
Ce qui s'est passé vendredi à Alger à la fin des manifestations est un rappel à
tous ceux qui pensent aller à ces marches contre le 5ème mandat ?'la fleur aux
dents''. Dans tout mouvement populaire contre le pouvoir, il y a toujours des
fauteurs de trouble, pour ne pas envisager une autre explication à ces tentatives
de dénaturer ou discréditer des manifestations citoyennes, pour dénoncer
démocratiquement la volonté des partis de la majorité d'imposer aux Algériens
un 5ème mandat. Il serait sage, à ce stade de la situation dans notre pays, de
reporter cette élection.