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Un tabou est brisé

par Mahdi Boukhalfa

Un tabou est tombé vendredi 22 février. Le mur de la peur a été brisé et des Algériens, toutes catégories sociales confondues, ont été unanimes à rejeter autant le 5ème mandat que les tentatives politiciennes d'imposer une continuité politique qualifiée de suicidaire. Par cette action l'on a voulu exprimer son refus d'un état de fait imposé par la force d'un système politique qui a trop longtemps surfé sur la fibre patriotique, mais en restreignant chaque jour un peu plus les territoires des libertés fondamentales, l'expression citoyenne.

Vendredi, des Algériens, comme un seul homme, ont fait une démonstration de la force d'un peuple qui peut faire bouger des montagnes quand il veut. Il a, à sa manière et d'une façon brutale, dit ?'non'' à une alternative politique qui lui est imposée par un système politique qui a atteint ses limites. La ?'grinta'' des Algériens n'était pas expressément dirigée contre le chef de l'Etat en tant que personne, mais contre le 5ème mandat, une perspective politique rejetée en bloc par les Algériens. Le mystérieux appel à manifester a donc fait mouche et les Algériens ont retrouvé les chemins pour aller battre, eux aussi, le pavé pour s'exprimer sur cette présidentielle, pour dire qu'ils ne sont pas d'accord avec la tournure qu'elle est en train de prendre. Sans cautionner un quelconque parti politique, la réaction de la rue algérienne a été claire, simple: pas de 5ème mandat.

La rue algérienne a plus que tout montré qu'elle est en avance sur les politiques, comme elle les condamne à plus d'imagination pour baliser l'avenir du pays. Un avenir qui ne saurait être restreint ou limité aux résultats d'une élection présidentielle, mais à l'ouverture de nouvelles perspectives politiques, économiques, sociales qui ont tant tardé. Après, la rue a montré que les Algériens ont atteint un seuil de tolérance qui ne leur permet plus d'accepter des situations politiques de compromission, des perspectives sociales aléatoires sur un avenir inquiétant. Dès lors, le 5ème mandat a pris pour la rue algérienne les contours d'un danger imminent, sinon une autre fuite en avant du pouvoir qui s'accroche à un candidat qu'on dit malade, au lieu de proposer des solutions plus réalistes, conformes aux attentes citoyennes quant à des réformes sociales, politiques et économiques urgentes. Or, le maintien du président Bouteflika comme candidat du pouvoir pour un 5ème mandat, et donc le maintien de la médiocrité sociale dans laquelle vivent dorénavant les Algériens, n'est assurément pas la route promise pour le changement tant attendu. Et puis, il y a eu ce formidable sursaut de tout un pays contre une fatalité que les Algériens refusent dorénavant, celle du 5ème mandat.

Pour autant, les partis de l'opposition comme ceux de la majorité semblent, au lendemain d'un cri de détresse venu du pays profond, tétanisés par l'ampleur de la contestation populaire. Pour l'opposition comme pour les partis proches du pouvoir, le message de la rue doit être bien écouté, bien compris que dorénavant les Algériens réagiront à chaque fois que leurs intérêts sont bafoués. Le mur de la peur a sauté, la balle est aujourd'hui dans le camp des partis politiques, opposition et majorité, pour trouver des réponses à la demande de la rue : des changements urgents, sans démagogie.