Le grave
précédent de Khenchela, où un élu du peuple a fermé
la mairie devant ses ouailles, pour montrer son soutien à son candidat, a donné
un sérieux coup à la crédibilité et la neutralité de l'administration, censée
être au-dessus de tout soupçon dans l'organisation du prochain scrutin. Plus
qu'un scandale, la fermeture d'une Assemblée populaire communale est un geste
politiquement dangereux, et juridiquement répréhensible. Et, plus que toute
condamnation, d'un geste absolument inimaginable dans une société vivant en
bonne intelligence entre tous ses membres, et au-delà des différences
d'opinion, ce qu'a fait cet édile a mis dans la gène et l'embarras un gouvernement déjà accusé de
partialité depuis l'annonce de la tenue de cette élection présidentielle. Des
candidats avaient fustigé l'administration dans certaines régions du pays quant
à sa partialité dans le traitement de leur candidature, et ce qu'il s'est passé
à Khenchela vient ranimer les accusations de
l'opposition selon laquelle l'administration est depuis le début du côté du
candidat du pouvoir. ?'Une casserole» dont se serait bien volontiers passé le
pouvoir, qui a devant lui une longue campagne électorale à surveiller et
canaliser, pour au moins éviter les dépassements et tous les comportements qui
nuiraient non seulement à la crédibilité de ce scrutin, mais donneraient en sus
une image encore plus risible du pays. Ecorné par les commentaires souvent
acerbes de la presse étrangère et en particulier française sur cette élection,
le gouvernement doit dorénavant remédier à cette situation et redonner
confiance aux citoyens comme aux partis politiques et candidats engagés dans ce
scrutin que tout se passera bien, qu'il n'y aura aucun harcèlement des
candidats à la candidature. Le Conseil constitutionnel n'a pas de prérogatives
pour intimer aux maires de recevoir et légaliser les formulaires de parrainage
des candidats, mais la haute instance de supervision des élections a, quant à
elle, cette prérogative de mettre en garde l'administration contre toute
velléité de prendre position pour tel ou tel candidat. Il y va d'une part de sa
crédibilité, et d'autre part de celle de cette élection, qui est en train de
prendre une tournure compliquée. D'abord avec ces appels mystérieux à des
marches contre le 5ème mandat, ensuite par les appels de l'opposition pour
qu'il y ait un candidat unique devant la représenter face au candidat du
pouvoir. Il est, pour autant, certain que l'élection présidentielle d'avril
prochain ne laisse personne indifférent, à commencer par les partis de
l'opposition qui ont annoncé qu'ils vont boycotter ce rendez-vous électoral.
Car au sein de cette mouvance politique, on est persuadé que tout est mis en œuvre
pour que le président Bouteflika accède à un 5ème mandat, et que la
participation de candidats de l'opposition ne sera en définitive qu'anecdotique
et un faire-valoir aux yeux de l'opinion internationale. Un état d'esprit qui
trouve ses racines dans le geste inconsidéré et ridiculement absurde de
l'épiphénomène de Khenchela. L'administration va dès
lors ?'marcher sur des œufs» pour éviter d'autres scandales, d'autres
égarements, et, plus que tout, des motifs de boycott à
l'opposition, qui devait hier décider soit d'aller unie avec un seul candidat à
ce scrutin, ou, au contraire, perpétuer ses contradictions.