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«Nous
avons cotisé pendant 40 ans pour les plus jeunes d'entre nous. Il y a ceux qui
ont cotisé 50 voire 60 ans. Aujourd'hui, quand on veut partir à la retraite, on
sort seulement avec 53% de notre salaire, alors que tous les autres
fonctionnaires de l'Etat algérien ont droit au minimum à 80% et jusqu'à 100 %
pour les plus favorisés. Pourquoi cette injustice ? L'Etat justifie cette «hogra», parce que c'en est une, par le fait que la pension
de retraite ne doit aucunement dépasser dix fois le SMIG, c'est-à-dire 18
millions de centimes. Mais alors pourquoi ce seuil n'est pas appliqué aux
autres hauts fonctionnaires soumis à un régime spécial de retraite avec de
nombreuses largesses ? ». C'est avec beaucoup d'amertume que les professeurs en
médecine, chefs service des établissements hospitaliers publics, découvrent, au
crépuscule de leurs carrières, qui a duré pour certains un demi-siècle, les
disparités de traitement des régimes de retraite à plusieurs vitesses. Le
délégué des professeurs en médecine, qui s'est déplacé au début de cette
semaine à notre rédaction, qualifie cette maltraitance financière envers les
aînés de la Fonction publique d'« apartheid » odieux. « A la fin de notre vie,
nous sommes soumis à une injustice sociale flagrante. Pourquoi on n'appliquerait
pas le seuil de 10 fois le SMIG aux fonctionnaires qui perçoivent leurs
pensions au FSR (fonds spécial de retraite). Cette catégorie de fonctionnaires
touchent leurs retraites à 100%, à condition de cotiser, seulement 10 ans.
Aujourd'hui à l'apogée de notre carrière et au moment où nous avons plus besoin
de ressources financières, on divise nos revenus par deux. Nous n'avons ni
l'énergie, ni l'aptitude après de longues années passées à soigner nos
concitoyens pour compenser ce manque à gagner. Quel modèle de société nous
pouvons offrir à nos enfants ? Nos anciens étudiants, aujourd'hui des
maitres-assistants, quittent les hôpitaux publics par centaines. Ils voient, en
nous, des contre-exemples de réussite professionnelle. Pourquoi on pousse les meilleures
de notre élite à quitter son noble métier pour d'autres secteurs qui ne sont
pas les siens ? Certains d'entre nous plus perspicaces se sont convertis à la
politique pour devenir des députés ou des sénateurs.
Ils profitent maintenant des largesses d'une retraite dorée. Qu'est-ce qui est plus utile pour la société, un professeur en chirurgie qui passe ces journées entre les blocs opératoires pour tenter de sauver des vies ou un député ? », s'interroge ce professeur en médecine. L'échelle des valeurs n'est pas en train de perdre ses barreaux, mais elle les a perdus depuis bien longtemps, dans notre pays. Les sollicitations persistantes et répétées du corps professoral médical auprès du gouvernement n'ont trouvé aucun écho, bien que les ministres de tutelle, qui se sont succédé, ces dernières années, avaient reconnu et parfois regretté cette discrimination subie par les professeurs en médecine. « Nous avons rencontré l'ex Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui a été sensible à nos doléances. Nous avons également approché l'ex ministre du Travail, Ghazi Mohamed. Nos syndicats ont aussi sollicité les deux ministres de tutelle (Santé et Enseignement supérieur), mais toutes ces démarches ont été noyées dans des commissions dont les conclusions ne se sont pas faites sentir à ce jour. Depuis cinq ans, des promesses ont été faites pour revoir le traitement de nos retraites et remédier à cette injustice sociale, mais hélas sans suite. Bien au contraire, des dispositions ont été prises pour obliger les professeurs, chefs service, à quitter leurs postes dès l'âge de 67 ans. Nous sommes tout à fait d'accord avec ces dispositions sauf qu'elles ont été décidées et appliquées de manière humiliante pour nos aînés qui ont été obligés souvent de libérer leurs bureaux sur simples injonctions d'un agent de sécurité, diligenté par le chef de l'établissement. Le ministre de tutelle de l'époque avait fait son cheval de bataille l'humiliation du corps professoral médical. Nous souffrons, par ailleurs, du cadre social et humain de nos activités car au ministère de la Santé, nos établissements sont des EPA (établissement public à caractère administratif), alors que d'autres collègues médecins, qui exercent dans d'autres secteurs où les établissements sont considérés comme des EPIC, sortent en retraite avec un taux de 100% et une prime de départ qui équivaut à 24 mois de salaires. A titre d'exemple, nos confrères qui exercent à la CNAS ont la chance et le bonheur de bénéficier de ces généreuses dispositions ». Les aînés de la Fonction publique n'espèrent pas, à présent, trop du gouvernement pour ne pas être déçus. Ils ont, désormais, ras-le-bol des promesses non tenues. « Les décideurs risquent de ne jamais prendre en considération nos légitimes doléances parce qu'ils savent que nous sommes une minorité de notables, de gens respectueux, qui n'oseront jamais brûler des pneus, bloquer des routes ou jeter l'huile sur le feu, dans les réseaux sociaux. Nous subissons, avec probité, la pire des inégalités sociales qui n'existe, en aucun autre pays. Il ne s'agit pas, uniquement, de notre destin, mais c'est tout le sort du pays qui est en jeu ». Certes, un pays qui maltraite les meilleurs de son élite est condamné à disparaître. Nous assistons actuellement à une fuite massive de nos médecins vers d'autres cieux plus cléments. Ils sont plus de 15.000 médecins algériens à exercer en France. Dans nos hôpitaux publics, les démissions en cascade des maitres-assistants et des médecins résidents risquent, à moyen terme, de nuire considérablement à un système de santé déjà en pleine agonie. Certains médecins formés durant une quinzaine d'années, dans nos universités et hôpitaux, préfèrent une carrière de paramédical dans les hôpitaux canadiens, suisses ou français au lieu de poursuivre une carrière qui s'achèvera avec des remords. |
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