L'innommable
anarchie, enfantée par une multitude de véhicules de transport public et autres
fourgons conçus pour les déménagements, activant dans la légalité et/ou dans la
clandestinité, qui caractérise l'essentiel de l'ambiance dans la place 1er
Novembre 1954, sise en plein cœur de la municipalité d'Aïn
El Turck, ne semble, nullement, émouvoir quiconque.
Ce prestigieux point de repère, cerné partiellement de gargotes proposant un
menu du jour constitué de flanc de pois chiche et d'une variété d'aliments
baignant dans des sauces douteuses, le tout présenté dans des plateaux crasseux
et ce, juste en face des vespasiennes d'où se dégage une exécrable odeur
d'urine, a piteusement basculé dans le morbide. Les altercations qui opposent, assez
souvent entre eux, les propriétaires des véhicules de transport et/ou avec les
usagers, devant le regard ennuyé des chiens errants vautrés sur les trottoirs,
ajoutent une touche loufoque à cette agitation insensée, prévalant au sein de
cette place. Lui faisant face, l'autre esplanade du même nom, logée
déplorablement à la même piteuse enseigne, a été transformée en parking
sauvage, géré par un gilet vert pistache à la mine patibulaire. Notons,
également, que le sordide dans lequel s'embourbe, insidieusement, le
prestigieux principal boulevard de cette municipalité, qui traverse ces deux
places, a fait réagir d'anciens riverains ayant vécu son époque faste. Nos
interlocuteurs ont évoqué, avec un pincement au cœur, au «Quotidien d'Oran» «le
temps où le flambé et la langoustine étaient servis le soir sur les terrasses
achalandées et ce, dans une ambiance conviviale, qui prévalait naguère sur
cette artère et, qui était judicieusement illuminée, de la place du 20 Août
1956 jusqu'à l'esplanade du 1er Novembre 1954. Chacun des établissements de
restauration, longeant ce boulevard, disposait d'une terrasse, adroitement
embellie avec des tables nappées et garnies de bouquets de fleurs. Des familles
venaient s'y installer pour dîner avant d'aller voir un film à la salle de
cinéma en plein air, qui existait à cette époque.
Hélas
ce boulevard a été clochardisé, ruralisé et vandalisé de la manière la plus
impitoyable ». Toujours est-il que, selon le constat établi par ?Le Quotidien
d'Oran', les lieux cités deviennent à la tombée du soir un territoire conquis
pour les rats de morphologie impressionnante, chiens errants et chats de
gouttière. Les abords immédiats des gargotes, tapissés de restes d'aliments et
les bacs branlants des poubelles, cernés de sachets de détritus éventrés, d'où
dégouline un liquide visqueux dégageant une puanteur insupportable, sont pris
d'assaut par ces animaux nuisibles, qui font désormais partie prenante du
paysage de centre-ville du chef-lieu de cette daïra, désignée, comble de
l'ironie, comme zone d'appui pour les Jeux méditerranéens qu'organisera, dans
deux ans, la capitale de l'Ouest.