Entendre
Amar Ghoul affirmer que l'élection présidentielle est
une affaire exclusivement de l'Etat et non d'un cercle d'intérêt ou pour
assouvir des ambitions personnelles est une aberration de plus dans le concert
des déclarations claudicantes entourant le prochain scrutin. S'il n'est pas le
plus indiqué pour évoquer cette échéance, ses déclarations ont pourtant fini
par semer la zizanie et le doute, lui qui n'hésite pas à dire une chose et son
contraire au même titre que tous ses pairs politiciens. En effet, Ghoul n'est pas une exception mais il confirme la règle qui
veut qu'en absence de repères en guise de garde-fous, la parole devient
anarchique et c'est probablement ce qui caractérise le mieux cette période de
précampagne où tout est suspendu à la déclaration d'un seul homme, président de
la République fût-il. Ce que ces gens, si prompts à dégainer leur langue, ne
savent pas ou feignent d'ignorer, c'est que toutes leurs interventions, quelles
que soient leurs natures, convergent vers l'exclusion du seul parti pouvant
élire théoriquement un chef de l'Etat : le peuple. Lorsqu'on se perd en
conjectures, on a tendance à oublier l'essentiel et c'est justement ce qui
s'est passé dans l'actualité nationale reléguant la volonté du peuple au second
plan. Aucune voix, dans ce concert de casseroles, ne s'est exprimée en faveur
de cette volonté populaire, se contentant de parler en son nom à tort et à
travers. Dans leurs envolées enflammées, Ghoul et
consorts donnent l'impression que la voix du peuple ne compte pas beaucoup.
Quelque part, ils n'ont pas tort même s'ils n'auront jamais raison. Ils n'ont
pas tout à fait tort dans la mesure où on a habitué ce peuple au silence, parce
que tous les scrutins organisés sont entachés sinon suspectés de fraude et que
son opinion n'a jamais été prise au sérieux. La confiscation des libertés
individuelles participe à cette aphonie forcée, mandatant des voix pour parler
à sa place. Oui, Ghoul a raison quand il sous-entend
que l'élection présidentielle est une affaire trop sérieuse pour qu'on la
laisse au peuple, parce que ce dernier n'a jamais su ou pu être en mesure de
s'exprimer librement. Le président du Taj a dit tout haut ce que les autres
pensent depuis toujours et il n'est pas dit que, demain, les Algériens pourront
être maîtres de leurs opinions. Le droit à la parole ne se décrète pas, il ne
donne pas en option un statut de citoyen absent, il se prend par la force des
engagements et des luttes politiques.