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Interventions médiatiques à l'approche de la présidentielle: L'Armée avertit ses cadres retraités

par Moncef Wafi

Il est de notoriété publique que l'Armée nationale populaire (ANP) ne communique pas beaucoup mais déteste qu'on parle en son nom, comme elle l'a répété maintes fois, ces dernières années. Après les civils (Makri et Boukrouh), un communiqué virulent de la «grande muette» vient rappeler à «certains militaires à la retraite» l'obligation de réserve «à laquelle ils sont astreints, en vertu de la loi n°16-05 du 03 août 2016». La présidentielle d'avril 2019 irrite au plus haut point les militaires qui accusent des individus de sournoiserie, «aigris et sans envergure», «mus par des ambitions démesurées» qui essayent de préjuger de ses positions et «s'arrogent même le droit de parler en son nom» à l'approche de la prochaine échéance électorale. Le document indique que ces manœuvres, à travers notamment les médias, «visent sans succès à influencer l'opinion publique» et à acheter une crédibilité «qui leur fait énormément défaut». Ils sont également accusés de s'improviser «en experts pluridisciplinaires (?) instruits de s'adresser au Haut Commandement de l'Armée nationale populaire, comme ultime recours». Les Tagarins s'adressent à certains de ses anciens gradés qui «rejoignent des cercles occultes dans le seul but d'assouvir des ambitions personnelles démesurées qu'ils n'ont pu réaliser à l'intérieur de l'institution», les accusant de faire le jeu de cercles d'influence que le communiqué ne cite pas.

Le rappel à l'ordre est sans ambages et fait référence à loi n°16-05 du 03 août 2016, publiée au JO n°46, qui, rappelons-le, modifie et complète l'ordonnance n°76-112 du 9 décembre 1976 portant statut des officiers de réserve. Ainsi, l'article 15 bis stipule que «le militaire de carrière admis à cesser définitivement son activité au sein de l'armée et versé dans la réserve, exerce librement les droits et libertés que lui confèrent les lois de la République. Il reste cependant astreint à un devoir de retenue et de réserve. Dans cette position, tout manquement au devoir de nature à porter atteinte à l'honneur et au respect dus aux institutions de l'Etat, constitue un outrage et une diffamation et peut faire l'objet, à l'initiative des autorités publiques, de retrait de la médaille d'honneur, de plainte auprès des juridictions compétentes conformément aux dispositions légales en vigueur. L'article 15 ter indique, lui, que tout manquement à l'obligation de réserve peut également faire l'objet d'une rétrogradation dans le grade. En rappelant les principes «immuables» de l'ANP, la même source poursuit son attaque verbale contre ces anciens militaires dont elle ne cite pas les noms, des individus «perdant le sens de la mesure» qui «s'accordent une vocation et une dimension qui ne sont pas les leurs», auteurs d' «affabulations débridées» dus à «un narcissisme maladif». Le but étant de «prétendre bien connaître le Haut Commandement de l'Armée nationale populaire, pour prévoir sa position vis-à-vis des élections présidentielles».

Il est clair qu'après avoir décidé de ne pas donner suite à l'appel du président du MSP, Abderrezak Makri, qui demandait l'intervention de l'Armée pour l'organisation d'une transition politique, l'ANP cherche plus que jamais à se démarquer des jeux de coulisses qui empoisonnent cette élection et à prendre ses distances avec les incessantes invitations qui lui sont adressées pour investir le champs politique. Le communiqué affirme aussi que l'institution militaire «n'a pas de leçons à recevoir d'individus qui n'existent que par les cercles qui les commanditent», une allusion de plus pour des cercles qui seraient derrière les interventions médiatiques de ces anciens hauts gradés de l'Armée sur «la question lancinante d'accorder la chance aux jeunes pour assumer des responsabilités au sommet de l'Etat». Ce à quoi, l'ANP répond que le sujet abordé est «vraisemblablement, dicté par leurs mentors» et qu'il «n'a absolument pas lieu d'être posé et, pour cause, la quasi-totalité des hautes fonctions de l'Etat sont occupées à l'heure actuelle par des cadres, issus de la période post-indépendance». Quant aux promotions au sein de l'ANP, «seuls les critères de mérite et de compétence sont pris en ligne de compte lors des désignations dans les différentes responsabilités», précise encore le document.