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Le gouvernement sous pression

par Mahdi Boukhalfa

Les chiffres angoissants sur la situation financière du pays ont été livrés dans le détail dimanche par le gouverneur de la Banque centrale. Sans surprise, le gouvernement actuel a appris à surfer sur la planche à billets, ce qui, dans le contexte politique actuel, est assez symptomatique d'une perte de direction que doit prendre l'économie nationale. En une année, il a été émis, au titre du financement non conventionnel, près de 5.200 milliards de dinars dans un jeu d'écritures qui ne trompe plus sur la propension démesurée de l'exécutif de recourir à cette planche de salut pour éponger, sinon contenir à des niveaux acceptables les déficits budgétaires.

En dépit des assurances du chef du gouvernement que le recours au financement non conventionnel, adopté pour éviter l'endettement extérieur, ne saurait s'étaler sur plus de trois ans, voire cinq ans au maximum, il semblerait que la tentation est devenue trop grande pour recourir à ce système de financement des déficits budgétaires que de faire l'effort d'aller vers des réformes économiques profondes. Et de vivre de ce qu'on produit, même chichement. Le chiffre du montant émis par cette ?'planche du salut'' est tout à fait inquiétant, environ 45 milliards de dollars, plus que les recettes pétrolières prévues pour 2018, tirés entre novembre 2017 et novembre 2018. En dehors de cette angoissante ?'addiction'' du gouvernement au financement non conventionnel et l'ampleur des déficits, dont celui de la CNR, il n'y a pas eu de grands efforts pour remettre sur pied l'économie nationale.

Pis, avec des prix de pétrole qui s'annoncent moroses en 2019 et une moyenne de 60 dollars/baril entre octobre et décembre, les revenus pour 2018 seraient ainsi moindres que ?'ceux'' de la planche à billets. Ce qui, fatalement, va placer le gouvernement dans une position inconfortable dès janvier 2019 et, plus que tout, le contraindre à envisager des solutions absolument impopulaires pour éviter le «crash».

Mais, en recourant plus qu'il n'en faut au financement non conventionnel sans qu'il y ait des mesures de sauvegarde, dont la mise en place d'un début de réformes, le gouvernement se piégera lui-même en coupant les ponts avec l'orthodoxie financière. D'autant que les grandes décisions engageant l'avenir économique du pays, comme celle du financement non conventionnel, sont d'ordre politique. Or, le gouvernement n'a pas de visibilité pour au moins les trois prochains mois jusqu'à l'élection présidentielle, si elle se tient, d'avril 2019. Dans l'intervalle, l'exécutif va accélérer les tentatives de résorption des grands déficits, dont celui de la balance des paiements, du budget et de la CNR, les paiements des pensions de retraite n'étant plus assurés que par le recours à la planche à billets. Ce qui est absolument embarrassant pour l'exécutif qui n'a pas les coudées franches pour réformer cette caisse et les modes de son financement, alors que les cotisations ont atteint un seuil critique.

Pour assombrir davantage ce tableau, il y a la perspective d'une chute des prix du brut sur les marchés internationaux à moins de 50 dollars/baril sous le double effet d'une surproduction des pays producteurs, dont certains membres de l'Opep, et une crise économique mondiale larvée, responsable d'un recul de la demande. Une situation, pour un pays mono-exportateur comme l'Algérie, tout à fait inquiétante. D'autant que le recours à un mécanisme financier dangereux et banni ailleurs est en passe de devenir socialement problématique avec une hausse des tendances inflationnistes à 4,5% en novembre et durant ces trois derniers mois, dans un contexte de baisse chronique de la croissance. Le gouvernement a, cependant, trois mois pour rectifier le tir, sinon à trouver des solutions urgentes et rassurantes sur le front économique pour passer au chaud cet hiver.