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« Gilets Jaunes » : Emmanuel Macron, qui reconnait quelques erreurs, reste sur une ligne dure

par Pierre Morville

Le président Emmanuel Macron, face à la forte grogne sociale en France, incarnée par le mouvement des « Gilets Jaunes », a multiplié ces derniers jours des interventions apaisantes, voire parfois teintées d'autocritique.

Alors que lui ont été parfois, voire souvent reprochées des sorties jugées méprisantes (contre « les Gaulois réfractaires au changement » par exemple), le chef de l'État a manifesté ces derniers jours, une sorte de repentir, admettant ne pas avoir « réussi à réconcilier le peuple français avec ses dirigeants », « nos concitoyens aujourd'hui veulent trois choses: qu'on les considère, qu'on les protège, qu'on leur apporte des solutions. Pas des déclarations. Des solutions. La considération, on ne l'a sans doute pas assez apportée », a dit M. Macron, s'exprimant le 14 novembre à bord du porte-avions Charles de Gaulle, lors d'une interview sur TF1.

Gilets jaunes : onze jours de forte contestation sociale

Par ces propos, le président a tenté d'anticiper une réponse à un mouvement annoncé d'une contestation sociale spontanée et de grande ampleur : quelque 124 000 « Gilets Jaunes » ont protesté un peu partout en France, samedi 17 novembre, contre la hausse des taxes sur le carburant et la baisse du pouvoir d'achat, selon les seuls pointages du ministère de l'Intérieur, chiffres contestés par les organisateurs qui décomptaient plus de 300 000 participants, sur 2 000 rassemblements dans toute la France.

Une nouvelle mobilisation nationale a eu lieu le 24 novembre et les Français redescendront dans la rue le 1er décembre. Des initiatives sous tension, qui ont déjà vu plusieurs incidents, deux décès, beaucoup de blessés et d'arrestations de manifestants.

Mais Emmanuel Macron a surtout voulu, par ses déclarations rassurantes, tenir compte du courant de sympathie suscitée dans la population vis-à-vis de ce mouvement (73% des Français soutiennent les « Gilets Jaunes ») et la baisse sensible de ses propres sondages de popularité. Le président accuse une nouvelle baisse de quatre points en novembre, atteignant son score le plus bas à 25% de popularité, et Édouard Philippe chute de 7 points à 34%, selon un sondage Ifop publié dans le Journal du Dimanche. Les sondés « très satisfaits » du chef de l'État sont seulement 4%, ceux « plutôt satisfaits » 21%. Ceux « plutôt mécontents » sont 34%, ceux « très mécontents », 39%. 2% ne se prononcent pas.

Ni considération, ni protection, ni solutions

Problème. Quand Emmanuel Macron rappelle que « nos concitoyens aujourd'hui veulent trois choses : qu'on les considère, qu'on les protège, qu'on leur apporte des solutions. » Vaste programme, les dernières décisions gouvernementales sur fond de crise sociale n'apportent, ni considération aux revendications sociales exprimées, ni protection, ni solutions. Bien au contraire, c'est une « ligne dure » qui transparaît dans différentes déclarations gouvernementales.

En ouvrant le conseil des ministres, qui s'est tenu, mercredi 21 novembre, Emmanuel Macron a ainsi déclaré que « la sévérité sera de mise » contre « des comportements inacceptables » lors des manifestations des « Gilets Jaunes », a indiqué le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux. « Il y a des souffrances légitimes, » mais « nous ne pouvons pas accepter les deux personnes décédées, les blessés chez les manifestants et chez les forces de l'ordre », a-t-il ajouté devant la presse.

Interrogé sur France 2, Édouard Philippe a martelé la ligne générale du gouvernement. Le Premier ministre a reconnu qu'il « entendait la colère, » mais que « le cap que nous avons fixé est le bon, nous allons le tenir » en matière sociale et environnementale.

Baisse du pouvoir d'achat des Français

Le nouveau ministre l'Intérieur, Christophe Castaner, justifiant une répression des mobilisations, en a rajouté dans un discours quasi caricatural, les « Gilets jaunes » affaibliraient la France, face au risque terroriste ! « Notre pays doit faire face à des risques sécuritaires majeurs, dont le risque terroriste qui est toujours présent, » a-t-il ainsi lancé lors d'une conférence de presse lundi soir, « il faut avoir en tête que la mobilisation massive de nos forces de sécurité a aussi un effet sur notre capacité à intervenir sur d'autres sites du territoire »? « En clair, le risque d'attentat est décuplé par les manifestations des gilets jaunes », commente le magazine Marianne.

Le débat réel qui est en filigrane est surtout la baisse du pouvoir d'achat réel, ressentie tout d'abord par les classes populaires, mais dorénavant par un grand nombre de classes moyennes, combinée par une stagnation des salaires et une forte hausse de la fiscalité.

Le tout sur fond d'un recul sensible des services publics dans les banlieues, dans les communes petites et moyennes, et cela plus particulièrement dans les zones rurales. La mobilisation des « Gilets Jaunes » pourra-t-elle se maintenir longtemps à un très haut taux de mobilisation ? Difficile à dire. Mais la colère se maintiendra. Avec un premier test électoral, les élections européennes de 2019.

Le gouvernement va-t-il dans les prochains jours procéder avec quelques accommodements pour calmer la grogne sociale ? Le Congrès des Maires de France s'est déroulé la semaine dernière à Paris, réunissant de 10 à 15 000 élus. Ces derniers, y compris ceux de l'actuelle majorité expriment surtout des doutes, de la crainte devant la dégradation sociale et de la colère face aux décisions gouvernementales. À droite, Laurent Wauquiez, le leader du parti Les Républicains, n'a pas hésité à appeler les Français, à soutenir le mouvement des « Gilets Jaunes, » et à participer comme il l'a fait aux manifestions du mouvement.