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La
semaine dernière, le secrétaire d'Etat, chargé de la diplomatie américaine Mike
Pompeo a averti le prince héritier du royaume
saoudien que les Etats Unis sont en possession d'éléments suffisants sur
l'affaire pour exiger des comptes « à toutes les personnes impliquées dans le
meurtre de Jamal Khashoggi. Dans ce cadre justement,
Washington estime que le royaume Wahhabite devrait en faire de même pour
accélérer les procédures au lieu de perdre son temps à effacer des preuves,
devenues visibles à l'œil nu à Ankara. Le diplomate américain a profité de
cette occasion pour inviter Mohamed Ben Salmane dit «
MBS » à œuvrer de tout son poids et dans les meilleurs délais pour « mettre fin
aux hostilités au Yémen », et d'entamer des négociations sérieuses pour y
parvenir. Ce nouveau message s'apparente à un changement de ton de Washington,
qui avait déjà pressé Riyad d'élucider l'affaire Khashoggi
mais semblait, jusqu'ici, accorder le bénéfice du doute à MBS, un puissant
allié des États-Unis au Moyen-Orient. Ce rebondissement de la position des
Etats Unis intervient au lendemain des déclarations du président turc Recept Tayyip Erdogan
avant son départ à Paris pour assister au centenaire de l'armistice de la
première guerre mondiale. Rappelons que cette rencontre organisée par le
président français dite « forum de la paix » sous le signe du « patriotisme »
et du « multilatéralisme s'est avérée un échec total de l'aveu même de son
organisateur lors de sa prestation depuis le porte-avions Charles-De Gaules. Le
président Erdogan a affirmé dans une conférence de
presse avoir communiqué aux Américains les fameux enregistrements dont les
journaux turcs ont tant parlé réalisés au consulat le jour de la mort du
journaliste dissident. Il a confirmé publiquement que les responsables
américains « ont écouté les conversations qui ont eu lieu ici et ils savent
tout ». Un proche conseiller du président Turc, membre de l'AKP devait emboiter
le pas pour donner plus de précisions sur ces enregistrements qui selon ses
déclarations donnent des détails sur le démembrement du corps du journaliste et
sa dissolution totale dans un acide fortement concentré. Pour lui, l'enquête
est close, l'assassinat est prémédité et les auteurs sont identifiés mais
l'Arabie Saoudite s'adonne à des manœuvres dilatoires pour gagner du temps et
faire oublier l'événement. Le lendemain de la conférence, le ministre des
affaires étrangères français a nié être au courant de ces écoutes sonores ce
qui fait réagir de suite la diplomatie turque. Au même moment le premier
ministre canadien avait confirmé que ses services de renseignements les ont
effectivement exploitées. Il a fallu attendre le jeudi dernier soit le 15
novembre pour que le procureur général du royaume saoudite admette que le
journaliste avait été drogué et démembré sur place. Sur un total de 21
suspects, il a inculpé à ce jour 11 personnes qui seront déférées devant la
justice. Il a déjà requis la peine capitale pour cinq d'entre elles, avait
annoncé son adjoint lors d'une conférence de presse. Le Trésor américain a
annoncé le même jour des sanctions ciblées contre 17 responsables saoudiens
pour leur «responsabilité ou leur complicité» dans le meurtre de Khashoggi mais tout cela pour ne pas arriver au sommet mais
la presse américaine ne semble pas vouloir lâcher le morceau
1- l'Arabie Saoudite fait pression par le biais du prix du baril de pétrole La réponse du royaume était toute prête, à la forte baisse du prix du brut, l'Arabie saoudite se décide à prendre les devants, en attendant un éventuel accord au sein de l'OPEP prévu décembre à Vienne au moment même où les pays européens et certains Etats américains sont en pleine crise des prix des carburants. Cela certainement une manière de rendre la pareil aux récalcitrants occidentaux qui piochent sur une affaire Saoudie/ saoudienne. L'Arabie Saoudite jusqu'à présent aux ordres de l'oncle Sam, est devenue subitement soucieuse pour réagir ainsi vivement à la chute récente du prix du pétrole. Depuis son pic du 3 octobre , à 86 dollars, au plus haut depuis quatre ans, le baril de Brent a en effet plongé de plus de 20 %. Le royaume semble aussi avoir pris acte du manque de soutien de la Russie, qui ne semble pas prête à diminuer sa production d'or noir, sauf à ce qu'il y ait un consensus donc le ministre saoudien de l'énergie Khaled Al Faleh a annoncé début de la semaine dernière que son pays allait réduire sa propre production, ce qui entraînera une diminution des exportations de 500.000 barils par jour en décembre. Ce qui est plus surprenant, c'est ce regain soudain à la préoccupation de la chute des prix du baril. En fin de journée, les ministres réunis à Abu Dhabi sont tout de même convenus de dire que face à un marché qui sera en surproduction en 2019, « une nouvelle stratégie pour équilibrer le marché » était requise. « Je pense qu'il y a probablement un soutien à l'idée qu'il y a trop de pétrole sur le marché, alors que les stocks et les inventaires augmentent », avait estimé dans la journée, Mohammed Al Rumhy, ministre du Pétrole d'Oman. Il avait évoqué le chiffre d'une baisse de la production pouvant aller jusqu'à 1 million de barils par jour. L'Arabie saoudite a donc profité de l'occasion et face aux nouvelles menaces sui pèsent sur elle dans l'affaire Khashoggi, a décidé de jouer sa partition en solo, en attendant la prochaine réunion plénière de l'OPEP, le 5 décembre, où la question sera au cœur des discussions. Cela permettre à la France, l'Allemagne et surtout les ONG's américaines de s'occuper des éventuelles augmentations de carburants et mettre de côté ce qui se passe au Yémen et cette affaire Khashoggi. Rappelons par ailleurs que sous la pression de son allié américain, Riyad avait accepté ces derniers mois d'ouvrir un peu plus les vannes pétrolières face au risque de tassement de l'offre de pétrole, en raison des sanctions américaines contre l'Iran. Donald Trump s'était notamment emporté contre l'OPEP, conscient des risques induits par la hausse des prix du pétrole en pleine campagne électorale du mi terme. Il avait tweeté, sans équivoque : « Nous protégeons les pays du Moyen-Orient, ils ne seraient pas en sécurité très longtemps sans nous et pourtant ils continuent de faire monter les prix ! On s'en souviendra. Le cartel de l'OPEP doit faire baisser les prix maintenant ! Or, les sanctions contre l'Iran, entrées en vigueur il y a moins de deux semaines, se sont révélées moins draconiennes que prévu . Dans le même temps, les Etats-Unis ont fortement augmenté l'extraction de pétrole de schiste, alors que les anticipations de demande de pétrole ont été revues à la baisse dans un contexte de doute sur la croissance mondiale. 2-Cette subite annonce du royaume était programmée depuis longtemps Le dimanche de la semaine dernière à Abou Dhabi, lors d'une réunion du comité de surveillance du marché pétrolier réunissant des pays membres de l'OPEP ou extérieurs au cartel, Khalid al Falih a expliqué :»Nous avons augmenté la production en réaction à la demande» Mais Il ajoutait: «Je vais vous donner une information qui est que les prévisions de décembre sont inférieures de 500.000 barils à celles de novembre. Nous assistons à une modération qui est liée en partie à la fin de l'année, en partie à des opérations de maintenance, (...) donc nous livrerons moins en décembre que nous ne le faisons en novembre.» L'agence Reuters avait auparavant appris ce même dimanche de deux sources que l'Arabie saoudite discutait d'une proposition susceptible de se traduire par une diminution de 1 million de barils par jour de l'offre de l'OPEP et de ses alliés. Les sources ont précisé qu'un tel accord dépendrait entre autres du niveau des exportations iraniennes après l'entrée en vigueur des sanctions américaines et des exemptions accordées à plusieurs pays, dont la Chine et l'Inde. La Russie s'est elle, engagée à s'aligner sur tout nouvel accord permettant de limiter la production. L'offensive saoudienne reste susceptible de lui être favorable, pourquoi ? En France, selon les derniers chiffres de l'Union Française des Industries pétrolières (UFIP), entre 28 et 30% du prix des carburants dépendent de la valeur d'un baril de pétrole, soit environ 158,98 litres. Le baril de Brent, du nom du pétrole produit en mer du Nord, est la référence mondiale, même si deux autres valeurs boursières s'échangent également (le Dubaï Crude et le West Texas Intermediate ou WTI).Or, au cours du mois d'octobre/novembre, le Brent comme le WTI ont perdu entre 25 et 30% de leur valeur. Le premier, échangé autour des 90 dollars le baril le 3 octobre, a chuté le lundi sous la barre symbolique des 67 dollars. Une chute des cours de pétrole aurait une conséquence directe sur la croissance mondiale. Les Etats-Unis, la Russie et la Chine, respectivement 1er, 3e et 7e pays exportateurs de pétrole, verraient leur économie ralentie. Quant aux pays de l'OPEP, parmi lesquels l'Arabie saoudite, l'Iran, le Venezuela et le Nigeria, ils se trouveraient sous la menace de la récession. 3- La crise actuelle du prix des carburants en France est due à la fiscalité C'est pour cela que la France a connu cette semaine le blocage des route par ce qu'ils appellent les « gilets jaunes » Selon une étude brandie comme preuve par les manifestants, depuis 2010, l'augmentation de la fiscalité explique à 37,5 % la hausse de l'essence et 47,7% celle du gazole. Pourquoi ? Parce que le prix du carburant dépend effectivement d'abord du prix du produit lui-même lié au cours du baril. Il se trouve qu'il est actuellement en baisse mais n'a pas été conséquemment répercuté sur celui à la pompe. Il faut ajouter à cela une Taxe sur la Valeur ajoutée (TVA) de 20% qui est indexée au prix du carburant hors taxe. Plus ce dernier est cher, plus cette TVA l'est aussi et plus la charge sur consommation est importante. En huit ans, le prix de l'essence hors taxe a fluctué, passant de 0,448 euro le litre à 0,588 euro. Si on y ajoute donc la TVA, ce prix est passé de 0,536 euro à 0,706 euro (+17 centimes). Pour le gazole, le prix hors taxe est passé de 0,458 à 0,653 euro. Si on ajoute la TVA, on est passé de 0,548 euro à 0,784 euro (+23,5 centimes).Il faut ensuite ajouter à ces montants la Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits pétroliers (TICPE) , le principal impôt pesant sur le carburant, qui dépend lui du pouvoir politique. Son montant, par litre consommé, est fixé chaque année. Il ne dépend donc pas de l'évolution du prix du carburant. À noter que cette TICPE est elle-même majorée de la TVA. La TICPE (TVA comprise) par litre d'essence est passée en huit ans de 0,726 euro à 0,828 euro (+10 centimes). La TICPE (TVA comprise) par litre de diesel (qui a davantage augmenté que la TICPE sur l'essence, du fait de la volonté de rapprochement de la fiscalité des deux carburants) est passée en huit ans de 0,514 euro à 0,730 euro (+21 centimes). Au total, depuis huit ans, le prix de l'essence SP95 a augmenté de 27 centimes (soit 21,5%), passant de 1,26 euro par litre en janvier 2010 à 1,53 euro à novembre 2018. Sur la période, le prix de l'essence (TVA comprise), est responsable de 62,5% de la hausse, tandis que la TICPE (TVA comprise), représente le reste, 37,5%. Le prix du gazole a lui bondi en huit ans de 44 centimes (42,4%) en huit ans (de 1,06 euro à 1,51 euro). Le prix du gazole hors taxe (TVA comprise) est responsable de 52,3% de la hausse sur les huit dernières années, tandis que la TICPE (TVA comprise) en représente 47,7%. Ces valeurs sont évidemment différentes selon la date de référence qu'on prendra. La goûte qui a fait déborder le vase est certainement cette mesure contre le réchauffement du climat par une taxe carbone supplémentaire. *Consultant, Economiste Pétrolier |
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