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Longtemps
servie et entretenue par le parti unique, puis confortée par l'idéologie
islamiste, la culture de la «servilité» et de la «soumission» paralyse encore
aujourd'hui tout désir de liberté.
Comme le déni de grossesse chez la femme que la médecine moderne peine à cerner les raisons profondes, le déni de la réalité est aussi complexe, mystérieux, parfois inexplicable. « Tout va bien au pays et l'avenir n'est que plus prometteur» affirment beaucoup de responsables politiques tant au pouvoir que chez une certaine classe politique (et médiatique) à cloche-pied entre le pouvoir et l'opposition. « Rien ne va plus et le pays va droit dans le mur» estiment d'autres responsables plus pessimistes. Et le peuple? Son avis est encore plus déroutant , dribbleur, insaisissable: ça et là la majorité des gens, particulièrement les jeunes accusent les décideurs politiques et les gestionnaires de la vie publique de tous les maux, se plaignent du chômage, du pouvoir d'achat, de la mal-vie et de l'absence de perspectives d'avenir mais sont élogieux quant aux «réalisations» et avantages sociaux générés sous la gouvernance de M Abdelaziz Bouteflika: les centaines de milliers de logements construits et attribués gracieusement , la distribution des crédits Ansej, la réalisation du métro d'Alger et des tramways dans plusieurs villes du pays, les routes et autoroute, le crédit d'achat de voitures, l'explosion des commerces en tout genre et , bien sûr, le retour de la paix après la décennie sanglante. Question? Peut-on être aussi satisfait d'une politique tout en la dénonçant dans les rues, les cafés, les journaux, les livres et les réunions intimes entre familles? Le débat politique et social en Algérie ressemble à un énorme brouhaha où se mêlent rumeurs, fables, cris, joie, larmes, vérités et mensonges. Inaudible, incompréhensible, déroutant pour les sociologues, économistes, analystes et autres observateurs de la scène nationale. Et lorsque les moments de vérité et de mise à l'épreuve donnent rendez-vous au pays pour des élections par exemple, tout le pays bascule dans le surréalisme, change d'habits, de couleurs et parle , soudain, une langue commune inhabituelle, mystérieuse: l'unanimité pour la continuité dans cette réalité déniée mais acceptée comme seule voie de secours: un, deux, trois quatre mandats pour l'homme «providentiel» de l'Algérie, M. Abdelaziz Bouteflika et ses coéquipiers. Et le cinquième? Encore plus mystérieux. Lui, le président, n'a rien dit la dessus. Ses partisans et soutiens intéressés font un forcing de propagande qui prête à du harcèlement politique contre le peuple et peut-être même contre Bouteflika lui -même. C'est ce que dit aussi le bon peuple qui lui est reconnaissant et lui veut du repos et des soins mérités. Les «sorties» de M. Bouteflika ne laissent personnes sans une réaction, une émotion tant l'homme vénéré semble souffrir et endurer. Comment en est-on arrivé à ce stade de confusion et d'incertitudes sur l'avenir proche du pays? Bientôt vingt-ans d'une politique et d'un pouvoir qui, au delà de ses réalisations, a surtout mené à un conditionnement sociopolitique qui ressemble incroyablement à de la «servitude» qui annihile tout effort de la pensée politique, tout besoin de liberté et surtout toute audace pour briser l'étrange et périlleuse intériorisation de cette politique de la «soumission» et de la fatalité. Inculqué sournoisement par le discours islamisant durant de longues années, l'acceptation de la soumission et de la servitude est vécue consciemment ou inconsciemment comme une fatalité, un destin. Nul besoin pour le pouvoir dominant de «pédagogie» supplémentaire de la soumission tant le virus de la servitude a été inoculé, digéré par le corps social et politique : hormis les quelques îlots de résistance et de liberté à cette dérive de la pensée, la société est immunisée contre toute manifestation de désir de liberté ou de révolution des mœurs et habitudes dans le sens du progrès et de modernité de ce monde. Il y a, pour le coup, une incontestable «continuité» entre la culture de la soumission et de la servitude distillée durant des années au temps du parti unique et plus tard par les courants islamistes et l'acceptation de l'immobilité politique et culturelle qui règne sur le pays. Et gare aux voix dissonantes et irrévérencieuses. L'exemple du lynchage politique, non par le pouvoir mais par des hommes de culture, de certains de nos écrivains et romanciers audacieux et briseurs de tabous est sidérant. Sans que personne ne le leur demande, pas même le «Pouvoir», des écrivains et des journalistes se sentent le devoir de lyncher publiquement et surtout politiquement d'autres écrivains algériens qui provoquent nos croyances, foi et certitudes avec un style et une forme inhabituels et combien incisifs. Le virus de la servitude est si ancré et dominant dans l'inconscient collectif que le «Pouvoir» n'a nul besoin de réagir lui même à celui qui l'interpelle ou le critique. L'école, la justice, la mosquée, la bureaucratie et une armada de journaux, télés sont vigilants, alertes et prompts à réagir au moindre esprit qui remet en cause nos acquis, reflexes, histoire ou état des lieux. C'est une sorte d'addiction à la servitude et à la soumission contractée le long de tant d'années de pensée unique et de diffusion de l'idéologie islamiste. A ce jour toute critique de l'islamisme politique et assimilée à une critique de l'islam. C'est l'autre tour de force qu'a réussi ce système de gouvernance qui parle de modernité, de liberté et agit en tuteur indiscutable et punisseur de quiconque le remet en cause. Le pays et son peuple se trouvent face à un vrai et compliqué dilemme: un amour passionnel et inconditionnel à la maman Algérie et le refus et le rejet de cette Algérie qui dévore ses enfants. Schizophrénique. Nous voulons être libres, vivre nos rêves et envies, nous regardons avec envie la liberté, le confort et la joie de vivre des autres peuples en occident et ailleurs et nous voulons dans le même temps conserver et perdurer dans nos conservatismes, nos habitudes que nous critiquons et nos certitudes malgré leur inanité, leur absurdité et leur réel qui nous oppresse. Il n'y a qu'à voir et compter le nombre d'antennes paraboliques plantées sur les toits et les balcons des immeubles pour se rendre compte du besoin d'évasion de ce réel qui oppresse, étouffe surtout les jeunes et moins jeunes. Quel est le taux d'audience de la télé nationale publique? Quels sont les taux pour les autres chaines européennes, moyen-orientales ou ces chaines privées algériennes remarquées pour leur horrible niveau de médiocrité et leur sidérante imbécilité ? Chaque jour et chaque nuit les téléspectateurs algériens naviguent via les chaines étrangères hors pays pour échapper à la réalité, cette réalité niée par les bien-pensants et les cerbères du pouvoir dominant. Pour sortir de ce piège de l'existence et construire un présent et surtout un avenir de progrès et de liberté, il nous faut certainement vaincre cette fatalité de la pensée, sortir des chemins battus, en finir avec le virus de la servitude et de la soumission qui paralyse le corps social, le corps politique et le pays avec. Le désir de vivre libre doit supplanter la pensée mortifère, fataliste, servile, soumise. Après, nous avons l'éternité de la mort pour ne plus penser à rien. |
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