En dépit de
l'accablant rapport sur la plus que probable implication du prince héritier
saoudien dans le meurtre du journaliste Jamal Kashoggi
que lui ont transmis les agences américaines du renseignement, Donald Trump a cyniquement choisi de ménager celui-ci en soutenant
qu'elles n'ont «rien trouvé» d'absolument certain» qui lui aurait fait
considérer que son implication est irrécusablement établie. Ce qui n'est pas
pour surprendre de la part du président américain qui, depuis le début de
l'affaire Kashoggi, a clairement laissé apparaître
que, quelles que soient les révélations que feront les enquêtes, les Etats-Unis
s'abstiendront de leur donner une suite préjudiciable au «partenariat
inébranlable» qu'ils ont avec la monarchie wahhabite. En laissant planer le
doute sur l'implication de Mohamed Ben Salman, dont le monde entier est
convaincu de sa réalité, Trump a résolument opté pour
ignorer les voix qui, y compris dans son pays et parmi le camp républicain, la
tiennent pour certaine et réclament que des sanctions sévères soient infligées
à l'Arabie Saoudite et à la famille royale. A ces voix, le président américain
a répondu en faisant valoir qu'il ne les entendra pas en raison que sa position
conciliante à l'égard de la monarchie wahhabite lui est dictée par «l'intérêt
des Etats-Unis», d'Israël et d'autres partenaires dans la région». il est allé même faire entendre que les critiques que le
meurtre de Kashoggi vaut à la monarchie saoudienne,
sont injustes à ses yeux au regard du rôle «indispensable» qu'elle joue dans un
«monde très dangereux» en «acceptant de dépenser des milliards pour lutter
contre le terrorisme islamique (sic) qui se retient de quitter ce pays». En disant
cela, Trump a signifié au monde que, pour lui, la
«messe est dite» sur l'ignoble assassinat du journaliste et qu'il entend
refermer le dossier pour permettre à la monarchie wahhabite d'éviter une
déstabilisation qui risquerait de lui être fatale. Selon la
mantra citée par l'inénarrable président américain, le sinistre et sanguinaire
prince héritier de la monarchie saoudienne restera donc un partenaire
fréquentable de la démocratie «morale» que se prétendent être les Etats-Unis.
Et cela même si ses mains dégoulinent du sang de Jamal Kashoggi
et des innombrables autres suppliciés saoudiens sur son ordre. Pour sûr que
«MBS», ainsi conforté, va s'employer à neutraliser, y compris par de nouveaux
meurtres, toutes les oppositions dans le royaume qui, le croyant voué à la
vindicte de l'Amérique, ont naïvement tablé sur son affaiblissement pour
s'aventurer à réclamer son éloignement de la succession dynastique. Quand à ceux qui, à travers le monde, persistent à se faire
les hérauts d'une Amérique exemplaire s'agissant des droits de l'Homme, il va
leur falloir convenir que c'est une tout autre réalité qui guide ses positions
internationales.