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Le
11 novembre 2018, la France a célébré le centenaire de l'armistice de la guerre
de 1914-1918. 1 400 000 de morts lors de cette guerre, pour les seules pertes
françaises. Tout cela court toujours dans les mémoires, un siècle après?
11ème mois, 11ème jour, 11ème heure : l'armistice de 1918, signé le 11 novembre 1918, à onze heures, a marqué la fin des combats de la Première Guerre mondiale (1914-1918), la victoire des Alliés et la défaite totale de l'Allemagne, mais il ne s'agit pas d'une capitulation au sens propre. La seconde guerre mondiale, infiniment plus violente pour les populations civiles, intervient deux décennies plus tard. Un siècle plus tard, au-delà des cérémonies mémorielles, le souvenir de ce conflit résonne curieusement dans l'histoire. Pourquoi ce souvenir de ce vieux conflit, alors que les deux principaux protagonistes, après une seconde guerre mondiale, la France et l'Allemagne, sont aujourd'hui étroitement associées au sein de l'Union européenne ? Les causes de ce premier conflit mondial restent énigmatiques : pourquoi, à l'époque, les principales puissances européennes qui dominaient à l'époque le monde, ralliées dans le conflit par les jeunes Etats-Unis en 1917, se sont-elles spontanément et unanimement auto-massacrées ? Mais, comme on dit, ce n'est pas au moment des cérémonies, qu'on se raconte pourquoi on s'est entretué? En France, 1, 4 millions de morts, pour le seul premier conflit. Et pas seulement des « Français de souche » : toutes les puissances coloniales y emploient des contingents « d'indigènes » dans leurs rangs pour les combats. La Grande-Bretagne enrôlera quelques 2,6 millions d'hommes issus de ses colonies ou dominions ; la France, pour pallier son déficit quantitatif avec l'Allemagne, recrutera 580.000 soldats « Indigènes » (Sénégalais, Algériens, Malgaches, etc.) ainsi que 340.000 travailleurs autochtones et étrangers. Au résultat, le 11 novembre 1918, les troupes coloniales « indigènes » françaises ont perdu officiellement 71.000 morts et de très nombreux blessés, non décomptés. Comptabilité mémorielle Ces immenses décès furent essentiellement des pertes militaires, les « poilus » payant le prix très lourd de ce conflit qui dura un peu plus de quatre ans. Et cette comptabilité funèbre n'est toujours pas exacte, notamment dans le cas des troupes coloniales. Si l'on se penche sur la situation particulière d'une région française, dans le cas, le Languedoc-Roussillon (c'est là d'où j'écris !), les chiffres collectés par sur un échantillon précis au niveau national (1 187 143 soldats tués) sur une base recensée par la Revue économique, dans son numéro de mai 2014 (https://www.cairn.info/revue-economique-2014-3-page-519.htm).On constate que le Languedoc-Roussillon se situe au 13ème rang des régions (sur 19) au regard du nombre de soldats originaires de cette région, morts au combats, avec 45 227 soldats recensés décédés. En pourcentage de la population totale, le Languedoc est au 16ème rang des régions, avec un taux de 2,96% et de 6,30% sur la seule population masculine. Les régions les plus touchées furent le Limousin, 1ère région en nombre de pertes proportionnelles (3,86% /8,24%), suivi par la Bretagne (3,82%/ 8,22%) et les Pays de Loire (3,76% / 7,76%). Il faut noter que ce triste record relatif aux morts en rapport de la population masculine est détenu, au 4ème rang, par la Corse avec un taux de 7,72%. Le tout, sans compter les blessés. Un culte mortuaire En réalité, toute la population française a souffert de cet impitoyable conflit, avec comme trace visible les 36 000 Monuments aux Morts de la guerre de 14-18, dans les communes françaises. Des anthropologues dans les années à venir, s'interrogeront certainement sur l'existence permanente dans chaque village français de monuments, statues, voire simples plaques dans les rues qui rappellent les noms de jeunes citoyens tués dans un conflit du siècle passé. Il est vrai que le traumatisme fut d'importance. On ne trouve d'équivalent historique qu'uniquement dans les guerres napoléoniennes au début du XIXème siècle : au total de celles-ci, 1 800 000 Français et alliés (principalement Allemands et Polonais) tués au combat, morts de maladie ou disparus (tous conflits dont paradoxalement, on garde néanmoins un bon souvenir dans la mémoire commune française !). La seconde guerre mondiale fut au niveau planétaire catastrophique. Le bilan humain est terrifiant : entre 60 et 80 millions de morts, plusieurs millions de blessés, 30 millions d'Européens déplacés en raison des changements de frontières, surtout en Europe orientale. Ce conflit fut le plus coûteux en vies humaines de toute l'histoire de l'humanité. Environ 45 millions de civils sont morts et le nombre de victimes civiles est supérieur à celui des victimes militaires. Parmi les victimes, 6 millions de Juifs sont morts dans des camps de concentration et d'extermination. Mais, dans ce dernier conflit mondial, les pertes françaises furent d'une certaine façon et en comparaison, limitées : 576000 morts (1,35% de la population), dont 217000 pertes militaires, et 567000 pertes dans la population civile. La politique interne Franco-Française continue? Emmanuel Macron s'est largement emparé de cet anniversaire, faisant de la France, le « grand pays témoin » européen de la 1ère guerre mondiale. Il est vrai que ce conflit qui s'est essentiellement déroulé sur « Vieux continent » a mobilisé plus de 70 millions de militaires dont 60 millions d'européens ! Elle marqua profondément son époque et modifia la situation géopolitique de l'Europe. Le conflit en lui-même aurait fait environ 18 millions de victimes. La campagne de communication du président? En deux étapes. Tout d'abord une « itinérance mémorielle » qui amena le président a visiter en une semaine, les principaux champs de bataille en France de la 1ère Guerre mondiale : de Strasbourg, pour symboliser la réconciliation franco-allemande en musique en compagnie du président Allemand, à Morhange (Moselle),- théâtre d'une des batailles les plus meurtrières du conflit avec 27.000 victimes en une seule journée, Notre Dame de Lorette (Pas-de-Calais), où se trouve la plus grande nécropole militaire française, en passant par Verdun, la plus grande bataille de 14-18, Emmanuel Macron a visité plus d'une douzaine de sites de cette guerre à l'Est et au Nord de la France. Minute de silence, beaucoup de medias Beaucoup de discours, beaucoup d'hommages, beaucoup de minutes de silence mais aussi quelques déclarations incongrues sur le passé. Outre que les Etats-majors de l'armée française lors de la guerre 14-18 et leurs différents généraux, maréchaux (Foch, Joffre, Nivelle !) ont largement sans état d'âme, sacrifié des centaines de milliers de soldats dans des offensives inutiles, incompétentes et le plus souvent sans succès, le Président Macron a rendu une sorte d'hommage-pardon au Maréchal Pétain, responsable de la politique de collaboration lors la guerre suivante avec l'ennemi allemand et frappé d'indignité nationale : « Interrogé mercredi matin par un journaliste sur l'éventuelle présence de Pétain parmi les chefs militaires qui seront honorés samedi dans la cour des Invalides, Macron a donc répondu que cela lui paraissait « légitime », car en dépit de ses « choix funestes » en 1940, l'homme de Verdun fut un « grand soldat », rapporte le quotidien Libération. Le plan de communication ? « Le Président de la République se livre à un double exercice: commémorer le centenaire de la fin de la Grande Guerre de 14/18, célébrer le courage des Poilus », note Anita Hausser du site Atlantico qui poursuit « et tenter de reconquérir les Français en plein désamour voire défiance à son égard » un bien maigre retour sur investissement sur le second point » commente la journaliste. Car dans les «bains de foule» que ses services avaient programmés dans les différentes communes visitées, Emmanuel Macron a dû affronter les critiques parfois très, très vives des Français, classes populaires comme classes moyennes, sur des sujets très loin de « l'Histoire » : le pouvoir d'achat, la hausse des taxes sur le carburant, les retraites, la sécurité? Seconde étape du « PlanMacron 14-18 », une grande conférence internationale « contre le nationalisme » et pour la promotion d'un « multilatéralisme refondé » : Paris a accueilli, le dimanche 11 novembre sur la place Charles-de-Gaulle, 98 délégations étrangères. Parmi elles, 72 chefs d'État ou de gouvernement attendus pour les commémorations de la fin de la Première Guerre mondiale mais aussi pour un « Forum pour la paix ». Parmi les invités présents aux cérémonies officielles, Donald Trump, Vladimir Poutine, Angela Merkel... Mais Donald Trump a suscité la surprise en claquant la porte, refusant de participer au forum de l'après-midi. Le projet macronien, il est vrai, reste très vague. Créer un axe sinon alternatif, tout au moins critique, au grand allié américain ? Difficile. Renouer des liens efficaces avec l'ensemble des pays via les instances internationales ? Pas facile. C'est comme « l'Accord Climat » adopté à Paris, en décembre 2015, une grande déclaration, sans beaucoup de résultats pour l'instant. Car, sur le plan des conflits inter-humains, comment faire dans le concret ? Les dangers de guerres sont en effet loin d'être écartés. Pour la 1ère décennie du XXIème siècle, en comptabilité mortuaire liée aux conflits et guerres : Irak (200 000), Darfour (200 000 à 300 000), Afghanistan (100 000), Congo (100 000 à 200 000), autres conflits et troubles (100 000). Pour la décennie précédente, celle des années 1990 : Tchétchénie, Rwanda et Grands Lacs (800 000 victimes du génocide et 2 à 5 millions dans la guerre des Grands Lacs qui a suivi au Congo-Zaïre), chiffres auxquels, il faut rajouter pas toujours comptabilisées, les victimes au Liberia, Érythrée-Éthiopie, Yougoslavie, guerre du Golfe et blocus de l'Irak, offensive des talibans en Afghanistan? |
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