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Une question de prévisibilité

par Mahdi Boukhalfa

Le Fonds monétaire international (FMI) a rendu sa copie et elle est moins optimiste que ne le suggèrent les données macro-économiques de l'Algérie, manquant toujours de «prévisibilité». D'abord, le Fonds a revu à la baisse pour 2018 la croissance économique de l'Algérie pour 2019 à 2,5% contre 3% dans sa revue anticipée d'avril dernier sur l'économie mondiale. Pour 2019, les prévisions du FMI sont de 2,7% alors que le projet de loi de finances 2019 prévoit quant à lui un taux de 2,6%.

Les chiffres du PLF 2019 du gouvernement ne sont que des prévisions étalées sur trois années, puisqu'il prévoit dans la foulée une croissance de 3,4% en 2020 et 3,2% en 2021. Or, les attentes du gouvernement en matière de croissance ne sont que des prévisions prudentielles calculées sur la base du prix du brut et un taux d'inflation moyen de 6 à 6,5% pour les trois prochaines années. Ce qui, en réalité, est recoupé par les experts du FMI qui mettent cependant en garde le gouvernement algérien contre une trop grande propension de l'économie nationale à collectionner les déficits. Ce qui serait dommageable pour une relance solide, une meilleure maîtrise de l'inflation et, surtout, une reprise de l'emploi, le taux de chômage officiel étant de moins de 11% quand le FMI le situe à 11,6%.

Certes, entre le gouvernement algérien et le FMI, c'est une bataille de chiffres, mais, à l'avantage de l'économie algérienne, c'est qu'elle n'est pas, et le Fonds le relève, stressée par une dette extérieure importante et bénéficie au moins jusqu'à la fin de l'année d'une remontée des cours du brut. Pour autant, le talon d'Achille de l'économie algérienne, et le Premier ministre lui-même le reconnaît, est que sur le plan financier interne le recours au financement non conventionnel a une limite temporelle et ne doit pas déborder de ses objectifs, d'autant que l'amélioration des prix du brut devrait accélérer son abandon au moins d'ici à 2021, dans trois années au minimum, comme l'avait promis M. Ouyahia. Et, comme cela avait été vivement recommandé par ailleurs par la Banque d'Algérie pour redresser durablement les fondamentaux de l'économie nationale, l'exécutif doit penser à mettre en place de vraies réformes structurelles, en profondeur, pour faire relancer la machine de la croissance.

Les recommandations de la Banque d'Algérie ont été d'ailleurs confirmées et soutenues par le FMI qui a appelé cette semaine le gouvernement algérien à mener un «dosage de politiques économiques» et souligné qu' «une masse critique de réformes structurelles est nécessaire pour promouvoir l'émergence d'une économie tirée par le secteur privé et diversifiée et réduire ainsi la dépendance au pétrole et au gaz». La messe est dite et il appartient aux autorités de bien amorcer ce virage psychologique d'une économie étatisée, avec un soutien à perte et ruineux à un secteur public improductif, vers une économie centrée sur un soutien plus franc et direct au secteur privé et l'abandon progressif du «tout pétrole». Car tous les experts estiment que l'économie algérienne, avec un redressement des cours de pétrole, un matelas de réserves de change plus ou moins rassurant, une dette extérieure négligeable, peut s'en sortir d'ici à cinq ans. Mais, à condition, surtout, que les autorités algériennes mettent en place, une fois pour toutes, les éléments d'une économie «prévisible» dans ses décisions et permettent aux partenaires et investisseurs étrangers de comprendre l'environnement économique dans lequel ils vont évoluer, sans décisions intempestives tous les six mois. En toile de fond, il y a ces réformes structurelles qui doivent permettre à l'économie algérienne de s'affranchir définitivement et avec courage de sa dépendance aux hydrocarbures.