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Lu au matin, sur Echourouk, cette réaction d’islamistes, éditorialistes ou chef de parti, version extrême-droite algérienne, sur la décision de Macron de reconnaître l’assassinat de Maurice Audin : c’est une affaire qui concerne un Français, y lit-on en gros. Sous-entendu discret que la guerre algérienne est une guerre sainte, religieuse, menée par des musulmans contre des Français, chrétiens. On est dans le discours de la souche et de la race, fondamentaux des radicaux du monde entier. On est dans le registre des identitaires et de la pureté. On déduit du communiqué de ce parti islamiste et des éditorialistes organiques de ce courant «puriste» qu’Audin, même quand on lui concède, du bout des lèvres, la qualité de héros, convenance politicienne oblige, il reste Français, non-musulman. Bel exemple du révisionnisme confessionnel dans sa splendeur destructive. Toutes les nuances admirables ou tragiques de cette guerre de libération, les gestes héroïques des uns et des autres sont effacés par un édito ou un communiqué de parti, par leurs signataires nés après la guerre, bénéficiant de l’indépendance pour laquelle Audin est mort pour que eux puissent insulter les mémoires dans le confort et décider qu’Audin était Français plus qu’il n’était un militant qui s’est sacrifié. Petitesse d’esprit, ruses idéologiques et ridicule mauvais. On tente d’analyser mais c’est l’écœurement qui remonte.
Maurice Audin est-il Français ou Algérien ? Un héros ou un militant n’a pas de nationalité, sauf celle de son engagement et de son sacrifice pour son idéal. On peut rappeler simplement que l’algériannité n’est ni un droit de sang ni une «souche», ni une confession. Réviser l’histoire de la guerre de libération par la «souche» ou la religion sera un désastre moral, une injustice et une insulte. Prétendre aujourd’hui que la reconnaissance de l’assassinat de Maurice Audin, torturé par l’armée coloniale, «est un mépris pour les autres victimes», selon les mots d’un chef islamiste, ou expliquer que la décision du président français est une illustration du code de l’indigénat ignorant les autres victimes, a un double sens : on se fait l’avocat d’une exigence de reconnaissance totale du fait colonial, et c’est habile moralement, mais on veut consacrer l’histoire algérienne par le critère de l’islamité et de l’arabité pour en faire un cas de jihad, une histoire «religieuse» et pas une tumultueuse épopée d’indépendance et de décolonisation. L’islamisme y cherche à faire remonter sa légitimité et sa représentativité au passé. On prétend attendre de la France des excuses totales pour la colonisation mais on en profite pour insister sur la «francité» de Maurice Audin, et conclure que la reconnaissance de son assassinant est un acte franco-français et que la guerre d’Algérie est «arabe» musulmane et «pure». Dans la parfaite tradition de l’extrême droite identitaire que l’on ne peut dénoncer en Algérie, car on se retrouvera accusé d’être ennemi de l’Islam, de Dieu et de l’identité. La ruse est fine, discrète mais son arrière-plan idéologique est grossièrement visible à l’œil. L’extrême droite existe-t-elle donc en Algérie ? Une tradition de complaisance intellectuelle envers soi-même va nier l’évidence, et pourtant. Depuis quelques décennies, la revendication identitaire, le besoin de faire reconnaître sa différence ou sa culture, le combat pour sa propre visibilité ont lentement mué en un discours radical, de «souche», de «pureté» et ont abouti à un révisionnisme qui se décline en populisme islamiste pour certains, et en inquisition intellectuelle au nom du nationalisme chez les autres. Aujourd’hui, on ne peut pas critiquer sans se faire taxer de traître par les uns ou d’islamophobe par les autres par cette extrême droite de choix ou d’aigreur. Le discours raciste, anti-Noir, anti-Français ou de régression est désormais décomplexé dans les médias et nous avons des agités qui s’étonnent, sur des plateaux-télé qu’on puisse être anti-colonial et s’appeler Fernand Iveton. Ceux qui n’ont pas mené la guerre d’indépendance, aujourd’hui barbus et agréés, voilées et racistes, peuvent même se permettre de distribuer la nationalité, ou pas, aux martyrs. Du coup, on n’arrive même pas à défendre un film qui veut raconter l’histoire de Larbi Ben M’hidi hors de l’orthodoxie, on garde un silence honteux sur l’assassinat de Abane, on a pardonné à des égorgeurs de masse et des émirs tueurs qui sont aujourd’hui invités à des «Discussions» avec un Premier ministre ou sur des plateaux-télé et on prétend réviser l’histoire algérienne par «l’identité» et la confession et exiger de la France des excuses complètes. Mais là, l’extrême droite algérienne ne dira rien : terrain glissant pour le MSP, pour quelques éditorialistes à Echourouk. Il est plus facile d’exiger la vérité de Macron que de ceux, ici, qui connaissent la vôtre. Paix donc. Audin est un sacrifié majeur, la reconnaissance de son assassinat ne nous sera utile que lorsque cela nous inspirera le même courage et nous servira à regarder nos passés avec humilité, générosité, sincérité absolue et sans récupération ou chauvinisme. Et non à attendre quelques jouissifs assouvissements ou à relancer des croisades fantasmés en exigeant de Macron ce que nous n’exigeons pas d’un simple ministère de Moudjahidine à propos de nos assassinés par nos mains. |
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