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Eh bien
sûr, pourquoi pas toi ? Tant que ceux qui ont en mains toutes nos trajectoires,
destins, prospectives et avenirs ne sont pas bien lotis au plan des triomphes
et des victoires. Sinon, pourquoi, toi et tes amis, tes copines, tes espiègles
acolytes, tes retraités médisent à longueur de chicha, le lycée, la rue, la
plage, les cortèges officiels ? Tu crois déjà pouvoir améliorer les choses. Tu
penses que l'être est une façon de pouvoir comprendre tes multiples
populations, tes différents administrés ? C'est ainsi, en cette position que tu
vas t'en éloigner. Tu n'auras plus d'amitié en zappant ton original entourage
au profit d'un nouvel aréopage. Tu seras un grand intérêt chez ceux qui savent
te cajoler et une victime chez ceux qui t'aiment.
Toi aussi
tu sauras faire charpenter tes discours et arborer devant chaque caméra un
sourire et une mine te montrant trop sérieux ou peu imbu de ta personne. Au
début tu dicteras tes propos et les feras transcrire pour les débiter avec
verve et appétit, puis au fil des tribunes et des podiums, tu diras n'importe
quoi, tu liras avec emphase et insensibilité ce que l'on voudrait que tu dises.
Tu sais, mon fils, mon frère, les idées à ce niveau-là s'effilochent quand
elles se trouvent confrontées à la réalité, le temps se rétrécit lorsqu'il est
poursuivi par les promesses. Ne promets rien. Ne prends pas pour amour ton
décret de nomination, car tous les décrets sont appelés à s'enterrer dans le
même journal officiel qui avait fait naître le premier. Le seul décret valide est
celui de ta conscience et de tes premières ardeurs, le gène et la matrice. Ne
dit-on pas que le fil d'or, contrairement à celui d'un autre métal abrupt,
s'amincit, ne se corrompt pas et ne se rompt jamais ? De mon temps, mes
ministres à moi étaient tous des symboles, des cœurs fortement algériens.
Estampillés comme des labels de bonne sève et d'authentiques produits, mes
ministres à moi décidaient et savaient seuls le quand,
le comment et le pourquoi de le faire. Ni l'indécision permanente ni
l'hésitation ne les hantaient. Un oui ou un non était toujours là comme une
sentence sans recul ni tergiversation. Ils n'étaient pas des binationaux, ni
jouissaient d'une carte tricolore pour une résidence sur les berges du Rhône ou
de la Seine. Le transfert d'argent à l'étranger ne pouvait permettre aux
douanes de saisir des millions et des millions de devises. S'il se faisait, il
s'exécutait par un truchement d'un expatrié juste pour l'acquisition d'une
Renault 16 TX ou quelques fringues griffées. L'agenda téléphonique des
ministres de mon temps ne supportait pas autant d'entrepreneurs, de promoteurs,
d'industriels et d'importateurs ou de chiffres roses. Il y avait le contact
révolutionnaire de poètes, de journalistes, de moudjahidines, de condamnés à
mort. « Rien n'est comparable à la qualité d'un ministre qui arrive si ce n'est
le défaut d'un ministre qui part ». Il est de ces ministres qui s'efforcent de
croire faire mieux que les autres et se leurrent de se découvrir en des
rédempteurs de torts. Le suivant va donner l'apparence d'être le meilleur et
sera vite rattrapé par son remplaçant qui aura à son tour ce terrible et
traître sentiment d'être aussi le meilleur. Et ainsi dans la suite du cycle
rotatif qui persiste, la grande valse va se poursuivre avec ou sans toi. En
fait, ne cherche pas à te caser dans l'un de ces critères que tu crois
prédominants dans le choix du futur ministrable. Tu ne sauras jamais les
cerner. Ils n'existent pas.