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Pour tourner la page: Les ambitions du marché de gros

par Houari Saaïdia

Le remaniement opéré en juin 2016 au poste de commande de l'EPIC de gestion du marché de gros de la wilaya d'Oran a sonné le glas d'un mode de gestion archaïque et rudimentaire digne de l'ère des Souks El-Fellah. Jusqu'alors, le marché ne voyait pas plus loin que le bout de son nez : il louait ses hangars au prix forfaitaire et imposait une petite taxe d'entrée au portail. Avec, par-dessus le marché, un système de recouvrement qui faisait du social et un circuit de perception très perméable.

Les retombées sonnantes et trébuchantes de la nouvelle politique d'entreprise mise en œuvre dès la mi-2016 par l'EPIC de gestion du marché de gros sont là : le chiffre d'affaires a fait un bond de 20%. Au-delà de cette performance dans le produit de vente des services, c'est le business-plan de l'EPIC, qui prévoit son développement en interne et en externe, qui est à mettre en gras.

Avec la délocalisation, en 2012, de l'activité des anciennes halles centrales de Cité Petit vers El-Kerma, le marché s'est offert certes un nouvel espace, une infrastructure neuve et appropriée. Mais la gestion a très peu évolué. On a changé de murs, mais pas de mœurs. Le déménagement qui devait laisser derrière lui, et pour de bon, l'anarchisme et le dysfonctionnement, n'a fait malheureusement que les transplanter. Un nouveau cadre, mais le même fond, un nouvel emballage, mais le même contenu. La mi-2016, l'établissement est entré dans une nouvelle ère, celle de la gestion d'entreprise, la vraie. Avec, comme signes probants de cette métamorphose, la mise en place d'un plan de management, un plan d'affaires, un plan d'exploitation, un plan de gestion des ressources humaines ainsi qu'un plan financier, cet élément-clé du plan d'exploitation pour la bonne raison que l'élaboration de prévisions financières portant sur les produits et les charges, les mouvements de trésorerie et la situation financière de l'entreprise oblige à examiner toutes les autres grandes composantes du plan. Et, au bout du premier exercice comptable seulement, les résultats ont suivi : l'EPIC a réalisé plus de 17 pour cent dans le CA, cet indicateur analytique fiable de l'état de santé de toute entreprise. Et selon les prévisions financières et comptables, l'on table sur +20% au terme de l'exercice 2018.

+20% du chiffre d'affaires, 6 mois après la mise à niveau

Dans la pratique, parmi les leviers sur lesquels la nouvelle direction du marché a agi pour la mise à niveau de la situation financière du marché, le recouvrement (des créances détenues sur les mandataires et autres concessionnaires de locaux annexes). Un service à part entière dédié à ce segment a été mis en place, avec une mission à accomplir et des objectifs à atteindre à court terme. En l'espace de six mois seulement, le taux de recouvrement a atteint 150%. Autre ressource qui était jusqu'alors sous-évaluée, donc sous-exploitée, et qui a fait l'objet d'une réévaluation en valeur financière : le marché aux bestiaux, une structure jouxtant les halles de fruits et légumes, créée notamment dans l'optique de la délocalisation de l'activité des anciens abattoirs municipaux de Saint-Hubert. Décidant de ne plus reconduire le contrat du concessionnaire de ce marché et ajouter un avenant introduisant de nouvelles clauses, la direction de l'EPIC a lancé un nouvel avis d'adjudication. Résultat : le prix du bail est passé de 2 à 4,3 milliards. Le plus beau c'est que c'est le même concessionnaire qui exploitait l'espace depuis son ouverture, lui qui était le mieux offrant de tous les soumissionnaires, qui a décroché le marché. Le moins qu'on puisse dire, c'est que le bonhomme était le mieux placé pour connaître la vraie valeur de ce bien. Pour l'entreprise, le fait est là : une bonne affaire pour la trésorerie, qui a vu la recette générée par cet espace passer du simple au double. Le service de la perception, le maillon principal du cash-flow du marché, a été bien évidement au cœur du plan de redressement opéré par la nouvelle direction. A la faveur d'un ensemble de mesures, la recette générée par la perception au titre de la taxe d'entrée (imposée aux fournisseurs et aux clients qui s'approvisionnent du marché) est passée de 3 à 6 milliards, soit un taux d'amélioration de 100%.

Recouvrement et perception : une hausse entre 100 et 150%

Par ailleurs, dans le cadre du plan de renforcement et d'extension de ses prestations, l'entreprise gestionnaire a mis en service de nouveaux espaces commerciaux, consistant en 24 locaux dédiés à la vente en gros de fruits et légumes, principal segment d'activité de cette EPIC. La direction a opté pour le mode des enchères pour rentabiliser au mieux cet investissement, rompant ainsi avec le «régime» du forfaitaire, qui s'était opéré certes dans un contexte particulier de délocalisation extra-muros de l'activité, où, pour encourager les mandataires-grossistes à déménager vers El-Kerma, les 214 box leur avaient été concédés à bas prix (11.000 à 15.000 DA par mois, selon le type du stand). Ne se renfermant plus sur elle-même et ne se contentant plus d'une gestion dans un rayon de 100 mètres, l'EPIC commence peu à peu à voir grand et loin, avec l'option de la gestion «à distance» des marchés dits de proximité, dont les communes sont intéressées par un transfert de gestion, via une convention entre elles, en tant que propriétaires, et l'EPIC en qualité d'exploitant gestionnaire. Un appel à manifestation d'intérêt et une compagne «agressive» de porte-à-porte sont dès lors combinés afin de convaincre les municipalités à signer des conventions avec l'EPIC. Objectif atteint pour les deux nouveaux marchés couverts de Haï Es Sabbah, qui ont en effet fait l'objet d'une convention entre l'APC de Sidi-Chahmi, propriétaire de ces équipements et l'EGMGWO, en vertu de quoi celle-ci se charge de la gestion totale de ces deux marchés, en contrepartie du versement de 400.000 DA/mois pour chaque marché au profit de la recette communale.

Gestion des marchés de proximité via convention

Une démarche similaire est en cours en ce qui concerne l'ancien marché de proximité de cette même APC. Idem pour le nouveau marché aux poissons d'Aïn El-Beida, jouxtant le marché de fruits et légumes, bien parti pour basculer sous la gestion de l'EPIC. Pareil pour le marché d'Oued Tlélat, qui a toutes les chances de passer sous la gestion de l'EPIC, après l'avis d'adjudication infructueux lancé par l'APC. Ayant pour objectif d'étendre son champs au Groupement urbain d'Oran dans un premier temps, et au territoire de la wilaya tout entier à terme, l'EGMGWO ratisse large depuis quelques mois avec comme feuille de route : signer un maximum de contrats de gestion. Il faut noter que la commune d'El-Kerma fait l'exception et va à contre-courant : de toutes les APC officiellement sollicitées par l'entreprise publique pour la gestion de leur nouveau marché de proximité, elle est la seule à décliner l'offre via une délibération communale, sans pour autant motiver son rejet. L'EPIC en a-t-elle les moyens ? «Nous avons les moyens de notre ambition. Nous avons bien étudié la chose et nous savons de quoi nous parlons. Nous avons toute une stratégie de développement de notre entreprise publique, qui tient compte de la stratégie de la wilaya pour le secteur du commerce, notamment le commerce de gros, demi-gros et de détail de l'agroalimentaire et les marchés de proximité. Nous voulons être partenaire, et nous nous proposons comme solution même dans le processus de mise en fonction et de rentabilisation des nouveaux marchés de proximité réalisés à travers la wilaya d'Oran», soutient le directeur de l'EPIC, Abdelhak Boussaada.