
Fatalement,
le prix du mouton cette année suit la courbe de l'inflation réelle, celle du
marché parallèle et des produits maraîchers. Disons-le tout de suite: un bon bélier, qui pèse ses 20 kg de viande, solide
sur ses pattes et qui entre dans les critères traditionnels d'une bête bonne
pour le sacrifice, ne vaut pas moins de 60.000 dinars. Entre les marchés
improvisés et ceux réglementés, des régions nord du pays, le prix moyen d'un
bon bélier oscille entre 50.000 et 60.000 dinars. A Alger et Blida, des
revendeurs installés dans des aires de vente improvisées proposent des prix
très élastiques, allant de 35.000 dinars pour de petites bêtes, à 57.000
dinars, 60.000 dinars voire au-delà pour des béliers imposants. La
caractéristique de ces marchés improvisés est que rares sont les revendeurs qui
acceptent de négocier. Pour autant, dans les aires de vente réglementées, mises
en place par les autorités communales à la périphérie des grandes villes, comme
Oran, Mostaganem, Annaba, les prix sont relativement moins élevés, mais pour
les espèces moyennes, c'est-à-dire des béliers de moins de 20 kg de viande sur
pied. Certes, des moutons entre 35.000 et 45.000 dinars sont proposés par des
revendeurs, qui s'approvisionnent directement auprès des grands éleveurs, dans
les hauts plateaux du pays, à Saïda, Djelfa, Aïn Oussera, Laghouat, Aïn Séfra ou El-Bayadh, pour ne citer
que ces grandes régions pastorales, réputées pour la qualité de leur cheptel,
alimenté à longueur d'année à base de fourrages naturels.
Ce
qui, évidemment, met en relief ces bêtes, dont la race Ouled
Djellal, et augmente leur prix sur les marchés du
bétail, autant durant toute l'année, que durant la période spécifique de l'Aïd
El-Adha. Cependant, la hausse des prix du bélier est
liée, selon des connaisseurs du marché, à une tendance spéculative, qui
apparaît chaque année à l'approche de cette fête religieuse, car la plupart des
revendeurs occasionnels, ceux qui polluent en fait le marché des bestiaux et
faussent les prix, s'adonnent à ce commerce pour accumuler le plus de gain, le temps
d'un Aïd. Car, selon le ministère de l'Agriculture, l'abondance du cheptel
ovin, estimé à plus de 28 millions de têtes, ne devrait pas donner l'occasion à
une hausse exagérée des prix. ?'Il y a une abondance de l'offre sur le marché
national avec cinq millions de têtes destinées au sacrifices
de l'Aïd cette année'', a indiqué jeudi dernier Kaddour
Hachimi Karim, directeur des Services vétérinaires
(DSV) auprès du ministère de l'Agriculture, du Développement rural et de la
Pêche. Il a précisé que le cheptel est sain, affirmant qu'il ?'n'est
pratiquement pas concerné par le risque de contamination par la fièvre
aphteuse''. ?'Le cheptel ovin à travers toutes les wilayas du pays n'a pas été
touché par la fièvre aphteuse'', a-t-il ajouté, avant
de préciser que ?'le virus qui a resurgi depuis 2014 a touché en 2018, les
animaux bovins encore jeunes qui n'ont pas été immunisés lors des campagnes de
vaccination précédentes car ils n'étaient pas encore nés?, a-t-il
détaillé. Le même responsable a assuré que ?'toutes les mesures sanitaires ont
été prises deux mois à l'avance en prévision de l'Aïd El-Adha'',
car ?'en plus des 15.000 vétérinaires fonctionnaires mobilisés pour assurer la
permanence durant cette fête religieuse et tout au long des jours qui la
précèdent, nous avons fait appel à 9.000 vétérinaires praticiens pour assurer
la couverture sanitaire du cheptel durant l'Aïd?. Outre des brigades mobiles
qui vont sillonner les villes et les quartiers, ainsi que les abattoirs pour
débusquer d'éventuelles maladies durant la fête de l'Aïd, Kaddour
Hachimi a souligné que des vétérinaires sont
mobilisés au niveau des points de vente appropriés pour assurer le contrôle
sanitaire du cheptel ovin commercialisé durant cette période. ?Avant
l'égorgement de la bête, nous ne pouvons pas prévenir les risques sur le kyste
hydatique, qui est indécelable chez les animaux vivants, d'où la nécessité d'un
contrôle vétérinaire de la carcasse animale après l'égorgement de la bête?, a-t-il expliqué. Car le spectre des zoonoses animales hante
les Algériens après les mésaventures vécues par certains l'année dernière, avec
des carcasses de bêtes qui viraient au vert, puis se putréfiaient après leur
sacrifice. Le ministre de l'Agriculture Abdelkader Bouazghi
a, au mois de juillet dernier, écarté toute éventualité d'éradiquer un
phénomène spéculatif, qui a pris des proportions alarmantes au cours de ces
dernières années. Questionné en marge d'une région de la chambre nationale de
l'agriculture sur les mesures préventives que devrait prendre le ministère pour
éviter que le phénomène de la viande putréfiée, constaté l'année dernière, ne
se répète, le ministre a simplement répondu que ?'le secteur ne saurait assurer
l'éradication de ce phénomène, mais prendra toutes les mesures nécessaires pour
éviter aux citoyens des pertes'' durant l'Aïd El-Adha.
Le ministre a souligné, rappelle-t-on, que son département avait initié des
campagnes de sensibilisation des éleveurs pour le contrôle de la qualité des
aliments du bétail, ainsi que l'affectation de vétérinaires pour assister les
éleveurs et les vendeurs.
L'Aïd
2017 a été marqué dans plusieurs wilayas, notamment dans le centre, mais
également l'est du pays, par un phénomène de putréfaction de la viande, qui
prenait une étrange couleur verte. Une commission d'enquête avait été mise en
place par les autorités, et le verdict des enquêteurs a été l'injection de
corticoïdes aux moutons pour qu'ils prennent du poids. Cette année, y aura-t-il moins de surprises ? Pour le moment, il y a
d'abord le fait que les bêtes proposées au sacrifice sont apparemment en bonne
santé, ainsi qu'un autre record peu enviable pour l'Algérie, celui du pays où
le prix du bélier est le plus cher dans les pays arabes.