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L'entrisme
aurait de beaux jours dans notre pays qui a plus que jamais besoin d'une plus
grande ouverture politique, une alternance au pouvoir et une bonne gouvernance
des fondamentaux de la société algérienne. Il est évident que les appels du
pied, sinon directs à la grande muette pour intervenir d'une manière ou d'une
autre dans le débat politique actuel, qui tourne invariablement autour de la
prochaine présidentielle, n'est pas de bon augure pour la démocratie, encore
fragile en Algérie. Car il est pour le moins incongru qu'un parti politique, le
MSP pour le nommer, appelle l'armée à intervenir pour imposer à tous une
transition politique qui ferait dans la foulée une impasse sur la démocratie.
C'est-à-dire en quelque sorte un «putsch» politico-militaire demandé et
souhaité par une partie de la classe politique nationale.
L'appel de Makri est clair lorsqu'il a invité l'armée à intervenir pour «régler la crise qui secoue l'Algérie» et organiser ainsi «une transition démocratique». Curieuse façon de concevoir la démocratie quand on appelle l'armée à intervenir dans le champ politique et surtout pour «être partie prenante dans le règlement de la crise actuelle». Même si la grande muette a, à plusieurs reprises par la voix du vice-ministre de la Défense, insisté sur son caractère républicain et qu'elle reste loin des luttes partisanes, mais proche du peuple, garante de sa sécurité. Alors, question: à quoi obéit cette sortie pour le moins intrigante du chef du MSP qui veut mettre en place une transition politique, c'est-à-dire éviter la prochaine échéance présidentielle pour préparer l'après-Bouteflika ? D'autant que les états-majors des autres formations politiques ont pris soin de prendre leurs distances par rapport à une initiative qui suggère clairement qu'il y a une crise politique profonde dans le pays. A moins que le MSP n'ait les coudées franches pour préparer le terrain à une probable reconfiguration des forces en prévision de la prochaine élection présidentielle, il semblerait que cette proposition de faire intervenir l'armée face à une «crise politique», plus de 28 ans après son retrait de toute activité politique, est porteuse de dangereux précédents. Sinon que l'impatience du MSP face à l'immobilisme politique ambiant, en dépit de quelques sorties ratées des partis proches du pouvoir, dont celui de Amara Benyounès, qui ne veut pas s'impliquer pour le moment dans l'appel lancé au président Bouteflika pour briguer un 5ème mandat, intrigue. D'autant que les deux grosses cylindrées politiques que sont le FLN et le RND n'ont pas rejeté l'idée du MSP et qu'ils seraient même tentés d'en discuter. A moins que ces manœuvres ne soient un avant-goût de quelque obscur plan en prévision des prochaines joutes électorales, il serait tout à fait logique de se demander pourquoi appeler l'ANP à intervenir pour «régler la crise» alors que le pays, même s'il est pris à la gorge par une crise économique profonde, est stable, la sécurité retrouvée et, plus que tout, est à un virage important pour une vraie alternance au pouvoir. Faire intervenir l'armée, qui a déjà refusé de jouer un rôle qui n'est pas le sien, est en soi une posture non seulement condamnable, mais de nature à tromper l'opinion publique sur la nature et les vraies raisons de cette étonnante incartade politique. Maintenant, si un 5ème mandat du président Bouteflika est perçu comme une menace pour des prétentions de présidentiables dans quelques bastions politiques de l'opposition, il aurait été plus logique de jouer à fond la carte de la démocratie. Et non le contraire dans un pays où l'armée est celle du peuple. |
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