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Résidence d'Etat du Sahel: Pas de propriétaire au Club des Pins

par Moncef Wafi

Le patrimoine immobilier de la résidence d'Etat du Sahel est désormais frappé d'incessibilité. Le décret présidentiel n°18-166 du 20 juin 2018, publié au journal officiel n° 37, stipule que «l'incessibilité concerne la totalité des villas, chalets, appartements, locaux, terrains et tout autre bien immeuble, quelle que soit sa nature». Le texte indique, en outre, que cette décision concerne également «les structures et locaux datant d'avant le recouvrement de l'indépendance nationale et relevant du patrimoine de la résidence d'Etat». Selon les termes de ce texte, ajoute la même source, «toutes dispositions contraires au présent décret, notamment celles du paragraphe 2 du point 1 de l'article 16 et de l'alinéa 2 de l'article 17 du décret exécutif n° 97-294 du 5 août 1997 susvisé, sont abrogées». Ainsi, ce décret annule les dispositions qui excluaient du patrimoine de la résidence d'Etat du Sahel les biens datant d'avant l'indépendance et qui étaient occupés par des personnes privées en propriété ou en location. Des structures qui avaient alors été transférées pour gestion au domaine public. Les nouvelles dispositions annulent donc ce statut particulier dont bénéficiaient les occupants de certains biens à titre de location ou de propriété dans le périmètre de la résidence Sahel du transfert au domaine public. Ce décret ne change pourtant pas grand-chose au caractère exclusif de cette résidence puisqu'elle ne concerne en aucun cas son fonctionnement ni ne suggère une quelconque ouverture sur le monde extérieur.

L'Etat tient à reprendre ses biens dans une conjoncture particulière frappée du sceau de l'incertitude. L'histoire de la résidence d'Etat du Sahel commence en décembre 1992, créée par un décret exécutif signé par Belaïd Abdesselam, alors chef du gouvernement. «Est distrait du patrimoine de l'entreprise de gestion du centre touristique du Club des pins situé sur la commune de Staouali wilaya de Tipaza l'ensemble immobilier désigné à l'article 2 ci-dessous et destiné à constituer une résidence d'État», stipule le premier article du texte. Cet ensemble immobilier comprend une «assiette foncière d'une superficie de 36 ha 80 ares», selon l'article 2 qui ajoute que ce terrain est «classé dans le domaine public de l'État et affecté aux services du chef du gouvernement». L'article 3 précise que les logements peuvent être «mis à la disposition, à titre gratuit et temporaire, de personnalités dont les hautes fonctions ou activités comportent des sujétions particulières». Devant assurer la protection des hauts responsables de l'Etat, des dignitaires du régime et leurs familles, cette zone «verte» continue toujours d'alimenter les polémiques, de hauts responsables continuent à occuper ces villas et ces chalets même après la fin de leur mission. En 1997, un décret exécutif signé par Ahmed Ouyahia porte sur la création d'un établissement public de la résidence d'État du Sahel et dont la mission consiste notamment à «assurer, dans les meilleures conditions l'hébergement des personnalités de l'État et de leur fournir les prestations induites par cet hébergement». Ahmed Ouyahia, toujours lui, signe le 21 décembre 2010 le décret exécutif 10-316 instituant et délimitant le périmètre de protection de cette résidence. Publié dans le journal officiel n° 77 du 22 décembre, le texte a pour objet «d'instituer un périmètre de protection de la Résidence d'Etat du Sahel, de délimiter son contour et de fixer les règles de sûreté et de sécurité applicables à l'intérieur de cet espace». Cette délimitation comprend «une zone terrestre et une zone maritime». «Un plan de sécurité du périmètre de protection est élaboré sous l'égide du wali en concertation avec le directeur général de la Résidence d'Etat du Sahel ainsi que les services concernés (services de sécurité)». En vertu de ce décret, il est interdit dans les zones sensibles situées à l'intérieur du périmètre de protection «d'installer des équipements de télécommunications ; de pratiquer des activités de pêche, de baignade subaquatique (plongée sous-marine), de sports nautiques, de survol du périmètre par parachute ou par ballon ; d'exercer toute activité constituant une menace pour la sûreté et la sécurité de la Résidence d'Etat du Sahel et le mouillage d'embarcations», mentionne encore le décret. La gestion même de ces espaces soulève moult interrogations poussant certains partis politiques, à l'image du RCD, à demander des comptes en appelant à la création d'une commission d'enquête sur cette résidence d'État. Le parti a expliqué que la commission devrait faire notamment un «état des lieux des occupants des infrastructures de l'Epic», «préciser les conditions et les modalités d'accès à une résidence permanente» et «les conditions d'accès aux infrastructures et lieux de plaisance, comme les plages». En 2015, des députés du FLN, dont Lyes Saadi, avaient exigé une commission d'enquête parlementaire sur les résidences d'État du Sahel. L'initiative, qui n'a pas abouti, avait également pour objectif de «mettre toute la lumière sur la gestion des résidences d'État» notamment en recensant les infrastructures dépendantes et «l'argent qu'elles procurent à l'État».