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Lignes rouges

par Mahdi Boukhalfa

Il y a des dossiers et des affaires criminelles sensibles qui touchent autant à la sécurité nationale qu'à celle des institutions chargées de les traiter. Et, dans les deux cas, il est recommandé d'agir avec prudence, de ne pas brûler les étapes. Comme de ne pas s'avancer en eaux troubles et faire le lit de comportements et de postures qui peuvent devenir dangereux. L'affaire de la saisie record des 701 kg de cocaïne, une drogue dure parmi les plus dangereuses, au port d'Oran fin mai dernier est à prendre avec des pincettes, beaucoup de précaution. Et de prudence en l'état actuel de l'enquête et de l'instruction, car des éléments essentiels de ce dossier restent encore à décrypter, pas encore connus. A déterminer avec exactitude et en même temps dans la plus totale discrétion, tenant compte de l'importance des délits présumés et des personnes qui pourraient être incriminées.

On comprend mieux les déclarations du vice-ministre de la Défense et chef d'état-major de l'ANP, le général Ahmed Gaïd Salah, sur l'importance de cette saisie et la qualité de l'intervention des forces navales. Un dossier qui, cependant, est compliqué de par les multiples ramifications et les supposées complicités que l'instruction judiciaire et l'enquête diligentée par les services de la Gendarmerie nationale doivent établir avec exactitude. D'abord pour éviter tout amalgame, ensuite pour ne pas gêner les enquêteurs et l'instruction judiciaire du dossier qui porte sur quatre enquêtes, dont le blanchiment d'argent et le trafic d'influence. Mais l'affaire, contre toute attente, a provoqué mardi un coup de tonnerre dans les salles de rédaction: le chef de la police nationale, le général Abdelghani Hamel, a été limogé quelques heures après avoir fait des déclarations relatives à ce dossier.

Preuve que ce dossier est extrêmement sensible, délicat, sinon «brûlant», il aurait été écarté après avoir notamment déclaré que «nous disons que celui qui veut lutter contre la corruption doit être propre... Même si notre institution n'est pas concernée par cette enquête, nous allons transmettre les dossiers en notre possession concernant cette affaire à la justice». Des propos lourds de sens, de sous-entendus. Il va plus loin en affirmant qu'«il y a eu des dépassements lors de l'enquête préliminaire, mais les juges étaient vigilants». Ces déclarations, en fait, seuls les «initiés» pouvaient les décrypter. Le chef de la DGSN, dont l'institution n'est pas concernée par l'enquête, aurait-il commis un impair et franchi quelques lignes rouges ?

Ce qui est sûr, c'est que l'affaire de la tentative d'introduction d'une très grande quantité de cocaïne en Algérie, la première du genre, a pris les contours d'une question de sécurité nationale, et que la tentative d'introduction d'une grande quantité de drogue sur le territoire national suppose qu'il y a une organisation criminelle derrière. Toute la difficulté pour les enquêteurs et la justice est de déterminer avec exactitude les tenants et aboutissants de cette affaire, dont le pays aurait fait volontiers l'économie, dont ses répercussions à l'international. Après que le premier policier algérien ait été limogé quelques heures après avoir fait des déclarations étonnantes, faut-il retenir son souffle en attendant les fracassantes révélations de l'enquête sur cette affaire que sont en train de démêler les enquêteurs ?