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![]() ![]() ![]() ![]() Est-il interdit pour une femme de faire du footing en
Algérie ? Lui est-il interdit de sortir le soir et marcher dans la rue comme
ses confrères «hommes» ? Nos femmes sont-elles condamnées à être des mineures à
vie ? En un mot, quelle est la place de la mixité dans notre société d'aujourd'hui? En découvrant sur les colonnes de la presse
qu'une joggeuse est agressée à Alger, juste avant la rupture du jeûne, par un
jeune homme en furie qui l'avait vu en train de courir vers 19h, j'ai failli
pousser un cri d'orfraie! Le comble, c'est que cet
agresseur-là n'en était pas resté là, d'après le témoignage même de la victime.
Après lui avoir asséné des coups, il lui lança, froid, à la figure : «vas...!
ta place est dans la cuisine!» Aussitôt, je me suis
rappelé la célèbre phrase de l'écrivain péruvien Mario Vargas Llosa, résumant, en quelques mots, le regard réducteur de
ses compatriotes envers la femme : «una máquina de parir» (une machine à
accoucher), dit-il, consterné. Nous n'en sommes pas, vraiment loin, en Algérie,
malheureusement. Ce qui intrigue dans le récit de cette jeune fille apparue,
fort émue et éplorée sur son profil Facebook, c'est l'indifférence des services
de sécurité à sa plainte. Qui a tort dans tout ça?
Peut-être c'est elle parce qu'elle a osé courir au moment où les autres, sous
prétexte d'observer le jeûne, s'adonnent aux deux activités la plus prisées par
la majorité des nôtres en pareille circonstance : dormir toute la journée et se
réveiller pour se goinfrer de sucreries ! Les idées reçues sur la femme sont
tenaces, dans notre pays. Nées d'un certain renferment éducatif, elles se sont
figées en opinions caricaturales et en procès d'intention, à l'encontre de tout
ce qui n'est pas conforme à la norme. Et quelle est cette norme, sinon rester
dans une mentalité arriérée, misogyne, antisociale et sans prise avec la
réalité du monde, de la modernité tout court. Avec la montée de ce monstre de
l'islamisme, ces idées-là se sont partout répandues, diffusant un prêt-à-penser
collectif fanatisé, auquel il est difficile d'échapper. Retardataire sur le
double plan éducatif et culturel, l'Ecole, longtemps soumise au matraquage
idéologique des intégristes, a produit des frustrés et des handicapés de la
pensée par milliers. Grippée dans son engrenage, la machinerie sociale a rendu
possible la multiplication de tels comportements violents, indignes de la
citoyenneté. Ainsi le refoulé religieux mélangé aux affects blessés d'une
jeunesse, en marge de l'arène des rentiers, a-t-il
accéléré «la déshumanisation de l'Algérien». Maillon faible, dans cet
écosystème social, à la dérive, la femme en fait toujours les frais, à son
grand malheur. Mais à quand notre mobilisation pour venir à bout de toutes ces
maladies morales qui, à défaut de mesures étatiques à la hauteur et d'une
condamnation catégorique de toute notre élite, empoisonneront, davantage, la
vie des Algériens? Certes des footings de solidarité
avec la victime, comme ceux organisés, récemment, à Alger et à Constantine sont
de belles initiatives pour dénoncer l'intolérance et la violence, mais cela
reste, de loin, insuffisant, en regard de l'élan pris par l'islamisme, ces
derniers temps, en Algérie.
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