Faut-il
remuer sa langue plus de dix fois dans sa bouche avant de s'aventurer à
prononcer un mot sur la date de l'Aïd ? Si l'on se fie au ton sérieux du
ministre des Affaires religieuses, donner en prévision une date de l'Aïd est à
la limite du blasphème. C'est ce qui ressort de la polémique, encore une,
autour de l'observation du croissant lunaire, entre le ministre des Affaires
religieuses et des Wakfs, Mohamed Aïssa,
et l'expert en astrophysique, Loth Bonatiro. Les
vedettes de ce Ramadhan 2018, qui ont déjà occupé ces derniers jours l'espace
médiatique à propos de la durée du jeûne des Algériens, reviennent ainsi dans
un nouvel épisode de controverses. M. Loth Bonatiro,
devançant des parties habilitées et d'autres tolérées, qui avaient pour
habitude de nous fixer sur le premier jour de l'Aïd, le petit ou le grand, a
annoncé que la fête de l'Aïd El-Fitr 2018 sera
célébrée le vendredi 15 juin. Se référant en cela aux calculs et prévisions
qu'il a effectuées, et qui font ressortir que la fin du mois de Ramadhan interviendra
le 14 juin et l'Aïd sera célébré le 15 du même mois. Laissant entendre dans ce
sillage que le mois de Ramadhan de cette année devrait durer 30 jours. C'est
une conclusion de M. Bonatiro, qui n'engage ni
l'avenir du pays ni le destin de ses jeûneurs, et qui par-dessus tout se
vérifiera dans quelques jours, mais allez le faire entendre à M. Aïssa. Ce dernier n'a pas tardé à faire entendre sa voix,
la voix officielle, à propos des déclarations de M. Bonatiro.
Une mise au point sèche et froide, «seule la Commission nationale de
l'observation du croissant lunaire est habilitée à décréter la date de l'Aïd
El-Fitr, en s'appuyant sur des critères bien
définis», a indiqué le ministre sur sa page facebook,
dont l'avis des scientifiques du Centre de recherche en astronomie,
astrophysique et géophysique (CRAAG) et de la délibération, basée sur les
données scientifiques et les règles religieuses des membres de la Commission,
sans aucune injonction ou mainmise. Laquelle commission respecte, donc, les
calculs des astrophysiciens, mais uniquement ceux émanant d'instances
officielles ou compétentes, précise M. Aïssa sur sa
page facebook. Comme si on essaie encore de «lever
cette qualité d'expert astrophysicien dont s'affuble» M. Bonatiro,
selon les assauts répétés contre lui, dès qu'il ouvre la bouche, et où l'on
tient particulièrement à lui signifier, et à l'opinion publique, que M. Bonatiro n'a pas à se présenter en tant qu'expert
astrophysicien, puisqu'il n'a pas cette qualité. Ces tirs croisés contre M. Bonatiro signifient qu'il n'est pas du tout apprécié par
ses pairs scientifiques (l'on se rappelle le communiqué brûlot à propos de la
durée du jeûne signé par une vingtaine de scientifiques du CRAAG), non plus par
le ministère des Affaires religieuses, un poste politique s'il faut le
préciser. En somme, on veut présenter M. Bonatiro
devant l'opinion comme un scientifique imposteur. Si c'est le cas, pourquoi ne
pas le dire ouvertement et saisir les instances habilitées ? Le mystère reste
très épais. On connaît le désastre qui résulte lorsque la politique touche à la
religion, ou vice versa, maintenant on apprend que lorsque la politique
s'immisce dans l'astrophysique, c'est le ciel qui risque de vous tomber sur la
tête !