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![]() ![]() ![]() ![]() Et si je
cours un jour sur les allées enchantées du printemps, sur l'harmonie des ondes
sonores des fleuves et des rivières, j'embarquerai immédiatement pour Tipaza,
la ville des rêveries camuséennes lovée dans ses
paysages pittoresques et ses vestiges des temps anciens. Pour l'antique Cirta,
la ville des mille ponts au parfum de la Numidie, pour Sétif, le repaire des femmes
braves et résistantes des hauts-plateaux, pour Tlemcen, le refuge des
traditions et des alcôves andalouses, pour Oran, la cité de l'oubli dû aux âmes
qui s'amusent sans cesse au creux de printemps amoureux. Mélange poétique des
sons lyriques de violoncelles d'Algérie qui coulent sur la mémoire comme une
sève sucrée et parfumée, berçant la nostalgie des souvenirs. Resurgissement, au
clair de la lune, d'oliviers perchés en haut des montagnes révoltées de la
Soummam, en Kabylie, palpitation des lumières pâles des matins d'automne tout
près des figuiers, des ombres et des embruns de la terre sèche battue par les
orages d'été. Puis, glissement dans la vie presque féerique des hameaux des
Aurès qui forment des losanges, des cercles et des trapèzes dans les sommets et
des dunes ocres du Sahara, lesquelles s'ingénient à regarder se courber les
ruelles grouillant de cris d'enfants de la Casbah d'Alger sur les cordes des
mandolines des maîtres sages du châabi... Ces cordes
qui se plient aussi comme le corps d'une femme berbère sous les caresses suaves
des gouttes de pluie. Vie toute guillerette où chaque odeur est recueillie,
chaque couleur savourée, chaque secret éparpillé dans mes oreillers qui sentent
le thym et le safran, coloriant de touches d'espoir mes songeries printanières
durant les siestes d'hiver, au coin du feu, ressuscitant l'été, la jeunesse
passée et me précipitant vers l'océan de douceur enfoui dans les yeux attendris
d'une mère. Ô comme j'adore ma mère qui me chante, souvent, les berceuses trempées
du jasmin d'Algérie, son soleil aux rayons protecteurs, disque orange, beau,
sublime, énorme, encastré entre deux pylônes d'argent, ramassant toutes mes
pensées évadées des soirées du printemps. Quand on me raconte, à la nuit
tombée, le souvenir des paroles, des vies, des secrets, le silence des arbres
qui plient sous le poids des fruits, des sillons creusés sur les chemins
tortueux des villages, du raisin sauvage qui grimpe aux branches des ronciers,
des herbes qui nous absorbent férocement sous la rosée matinale, des mûres qui
s'écrasent dans nos doigts, dans la salive de nos bouches, ô combien est tendre
la chaleur maternelle, ô combien est belle l'Algérie !
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