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Constantine - La presse d'investigation dans le monde arabe: Les instances politiques et judiciaires interpellées

par A. Mallem

Le séminaire international de deux journées organisé les 18 et 19 avril par la faculté des sciences de l'information et de la communication de l'université Constantine ?3' Salah Boubnider, sur le thème «la presse d'investigation dans le monde arabe : réalité et perspectives», a réuni des professeurs et des enseignants de la Jordanie, de l'Arabie Saoudite, de l'Irak des Emirats Arabes Unis et du pays organisateur (Algérie). Il a été clôturé jeudi dernier avec des recommandations qui visent à promouvoir cette «presse du courage et de la vérité», comme l'a qualifiée un participant constantinois.

La première recommandation essentielle du séminaire a mis l'accent sur la nécessité d'ouvrir à l'enseignement universitaire la spécialité «presse d'investigation», et ce au niveau du master ou du doctorat. La seconde recommandation importante s'adresse aux instances politiques et judiciaires des pays arabes en demandant un engagement à faciliter le travail des journalistes investigateurs et leur protection par des lois ainsi que celle de leurs sources d'information.

M. Deliou, doyen de la faculté des sciences et de la communication de l'université ?3' Salah Boubnider, nous a confié à la fin des travaux que les participants sont arrivés à la conclusion que la presse d'investigation dans le monde arabe est très récente aussi bien dans la pratique qu'au niveau de l'enseignement universitaire. «Dans la pratique, a souligné notre interlocuteur, c'est rare de trouver des journalistes qui font dans l'investigation. Les raisons qui empêchent l'éclosion de cette presse sont les mêmes dans tous les pays arabes et elles se résument logiquement à la protection légale de l'investigateur et de ses sources d'information qui peuvent être soumises à des représailles». «Et, accessoirement au suivi sur le terrain des résultats de l'enquête», ajoute-t-il.

Toutefois, le doyen de la faculté des sciences de l'information et de la communication a fait une communication axée essentiellement sur l'éthique journalistique et l'attitude de l'investigateur face aux vérités qu'il peut découvrir au cours de son enquête. Et c'est pourquoi il a intitulé sa communication «L'éthique et la presse d'investigation». «Est-ce que la fin justifie les moyens ?». Selon le conférencier, les normes de l'éthique doivent être suivies et appliquées rigoureusement aussi bien par le journaliste de la presse ordinaire, classique, que par celui de la presse d'investigation. Tout le monde doit être soumis à ces normes. «Des normes un peu spéciales parce que l'objectif vise ici à découvrir la vérité, une vérité qui ne fait pas plaisir à tout le monde, à travers des documents cachés ou secrets. Elle exige la patience, la précision, l'engagement et doit s'appuyer sur des sources crédibles».

Interrogé à ce propos sur des cas concrets, M. Deliou a répondu qu'il y a eu quelques enquêtes dans ce domaine qui ont amené à découvrir, dans les années 1990, une filière de trafic d'organes humains et des réseaux de trafic de drogue en Algérie. Et de rappeler ensuite la fameuse affaire «Watergate» aux Etats-Unis d'Amérique qui avait précipité la chute du président Richard Nixon, en soulignant toutefois que dans les pays arabes, comme l'Algérie par exemple, la presse d'investigation reste encore à l'état embryonnaire parce que se pose encore et toujours le problème de la protection de l'investigateur, de ses sources d'information et la plupart des enquêtes qui aboutissent n'ont pas de suite sur le terrain judiciaire.

C'est pourquoi les seconds se montrent le plus souvent réticents à se livrer et à s'engager par peur de représailles. «Aux Etats-Unis toujours, a ajouté notre interlocuteur, cette question a été plus ou moins dépassée car il existe des organisations non gouvernementales qui s'engagent à financer les investigateurs et des fonds sont réservés pour ce volet. Pourquoi ne pas faire la même chose dans les pays arabes ?». La question est, et reste, posée.