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Une question de survie

par Mahdi Boukhalfa

Y a-t-il une ligne directrice dans l'exploitation du gaz de schiste dans notre pays ou navigue-t-on «à vue», pour ne pas dire par «à-coups» ? Sinon, prépare-t-on l'opinion publique, en particulier les populations des zones de production potentielles dans le Sud, à cette éventualité que beaucoup redoutent ? Le gouvernement Ouyahia comme celui d'Abdelmalek Sellal n'ont à aucun moment fait mystère de la décision (irrévocable) d'aller vers les énergies non conventionnelles pour suppléer à la baisse autant des recettes que de la production d'hydrocarbures.

L'état des finances du pays étant dans une situation inquiétante, ce qui a obligé le gouvernement à aller vers «la planche à billets», les options de sortie de crise sont dès lors minimes, d'autant que l'économie nationale n'a pas assez de ressorts ni de potentiel de production pour sortir de la dépendance dramatique des hydrocarbures. Les préparatifs actuels pour élaborer des amendements à la loi sur les hydrocarbures, notamment une plus grande flexibilité réglementaire pour faciliter les investissements étrangers, revoir la loi pour justement attirer les majors du secteur et sécuriser leurs investissements en Algérie, sont autant de signes que le gouvernement a déjà décidé de ne plus perdre de temps pour exploiter dans les plus brefs délais le potentiel de gaz de schiste que recèlent les gisements découverts dans le sud du pays. Une logique implacable en réalité qui pousse les pouvoirs publics à trouver les meilleurs ressorts pour prévenir, d'ici à 2030, une possible crise qu'induirait une demande nationale en énergie (électricité, hydrocarbures) qui viendrait à saturer les capacités de production.

Les experts ont déjà mis en garde contre l'évolution surprenante de la consommation nationale d'énergie qui est en train de progresser à un rythme qui met dangereusement en péril les équilibres financiers du pays et, surtout, le volume de gaz et de pétrole exportable. Une situation qui, avec l'incertitude sur le marché pétrolier quant à une stabilité des prix du brut, va fatalement convaincre le gouvernement d'accélérer la cadence dans le recours au gaz de schiste. L'ex-PDG de Sonatrach Abdelmadjid Attar avait récemment confirmé le potentiel énorme des gisements algériens. Les tests réalisés jusqu'ici sur les puits de gaz de schiste ont confirmé le potentiel et, surtout, convaincu les pouvoirs publics de ne plus hésiter à aller vers cette autre source génératrice de recettes d'hydrocarbures.

L'inflexion des autorités sur les énergies non conventionnelles est devenue même officielle, puisque les majors du secteur, les Américains et les Britanniques, ont été approchées pour l'évaluation du potentiel algérien de gaz de schiste. Mieux, les discussions sont déjà lancées et les contrats sont attendus pour très bientôt. Mais, pour ne pas alimenter un autre mouvement de protestation comme celui enregistré dans la région d'In Salah en 2016, le gouvernement préfère rester discret sur le sujet, même si le PDG de Sonatrach annonce que les études d'évaluation prendront cinq à dix ans. Le gouvernement, qui est en train d'accommoder la loi sur les hydrocarbures à la nouvelle aventure du gaz de schiste, ne tient pas, pour le moment, à s'aliéner l'opinion publique, en particulier celle du Sud où la situation sociale et économique est déjà passablement compliquée, avec un chômage à deux chiffres et une demande sociale importante en termes d'infrastructures (éducation, routes, transports, AEP, santé). Mais, pour l'essentiel, avec des recettes d'hydrocarbures de moins de 50 milliards de dollars pour les deux à cinq prochaines années, le gouvernement ne peut à l'évidence sacrifier aux questions environnementales l'avenir du pays. Même sans un référendum populaire.