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Sables mouvants

par Mahdi Boukhalfa

Partis et syndicats montent au front pour stigmatiser la gestion du gouvernement autant de la crise économique, des revendications socioprofessionnelles que de l'avenir politique avec la présidentielle de 2019 qui pointe à l'horizon. D'autant que sur le terrain, la contestation sociale reste vive, préoccupante et permanente. Dans les deux secteurs où la demande sociale est la plus visible, la plus urgente, l'Education et la Santé. Or, la contestation dans ces deux secteurs, même si elle ne s'est pas encore essoufflée, commence à perdre progressivement et sa crédibilité et le soutien de l'opinion publique. Car au-delà des revendications des syndicats de ces deux secteurs, il y a toute la symbolique politique de la prise en charge de la demande sociale.

Si dans le secteur de l'Education nationale, le conflit, sinon le bras de fer entre le ministère et un des syndicats arrive progressivement à rassembler toutes les tendances syndicales autour de revendications qui pour la plupart relèveraient des prérogatives du gouvernement, dans le secteur de la Santé, la situation est arrivée à un réel point de pourrissement. Au point que des milliers de malades, d'accidentés ne sont plus pris en charge dans les conditions idoines. Le spectre de l'année blanche et un bac raté pour 2018 hantent des dizaines de milliers de foyers. Et, si les deux ministères affirment devant l'opinion publique que les portes du dialogue restent ouvertes, qu'il y a des solutions pour dépasser cette crise conjoncturelle, il reste qu'après près de deux mois la crise perdure dans les deux secteurs. A qui la faute ? Quelle partie incriminer ? Y a-t-il vraiment un dialogue de sourds où chaque partie veut tirer la couverture à elle ? Faut-il dès lors taper sur la table et ramener tout le monde à la raison ?

Les déclarations du Premier ministre à Biskra durant le week-end passé sur cette crise de confiance ont relativement touché du doigt le fond du problème. Mais, hélas, sans sortie de crise, ni de «drapeaux blancs» tirés, pour au moins laisser à la négociation et au bon sens de prendre le dessus sur les certitudes corporatistes. Qui, souvent, empêchent de voir clair dans une situation conflictuelle. Car Ouyahia, sûrement en tant que chef du RND et moins comme Premier ministre, a rappelé à toutes les parties que «cette situation ne peut pas durer». «Barakat», aurait-il lancé aux enseignants et médecins résidents grévistes, avant de relever qu'il est «temps de dénoncer» les comportements de ces deux corporations. Il est clair que Ouyahia, quelle que soit la casquette qu'il a mise pour rappeler à tous que les temps sont difficiles, est terriblement excédé par ces crises sociales qui éclatent à la périphérie d'une gouvernance, qui est loin d'être un modèle, mais qui exacerbent dangereusement la crise principale du pays, celle économique et financière.

M. Ouyahia aurait volontiers fait l'économie de ces bras de fer dans les secteurs de la Santé et l'Education nationale qui pourrissent également la vie des citoyens et mettent à mal leur fonctionnement, les seuls secteurs à n'être pas concernés par les restrictions budgétaires induites par la raréfaction des ressources. Et, pour rappeler à tous que le pays traverse vraiment de fortes zones de turbulences, Ouyahia n'a pas hésité à dégainer pour rappeler l'extrême précarité de la situation financière du pays. Pour dire en langage cru à tous ceux dans les milieux syndicaux tentés par une montée au front des revendications sociales que les caisses de l'Etat sont vides. Avec cette sentence terrible que le pays vit «à moitié à crédit». Avant de rappeler à tous les Algériens, mais avec un tir ciblé sur les milieux syndicaux, que le gouvernement n'a plus le sou pour satisfaire des revendications surréelles, à un moment où l'Etat fait «la manche» et finance à crédit les salaires des fonctionnaires. Une manière comme une autre de venir en aide à ses ministres de la Santé et de l'Education, perdus dans les sables mouvants des revendications syndicales.