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Le Premier
ministre Ahmed Ouyahia aurait-il désavoué son
ministre des Finances et démenti ses propos selon lesquels l'Etat ne va plus
subventionner d'ici à 2020 les carburants ?
Si le ministre des Finances est allé à Dubaï jusqu'à donner une date à laquelle les subventions de carburants notamment allaient être réduites, créant une grande panique sociale et une levée de boucliers dans les états-majors politiques, sa déclaration aura fait désordre au sein du gouvernement. Une discordance d'autant irritante pour l'exécutif que celui-ci aurait mal digéré cette sortie médiatique, de surcroît devant un parterre international de décideurs. Car si le ministre du Commerce avait seulement annoncé début février que le gouvernement planche sur une réforme du système des subventions, le premier argentier du pays aura pour ainsi dire franchi le «Rubicon» pour annoncer une très mauvaise nouvelle aux Algériens à un très mauvais moment de forte pression sociale, avec une légèreté et une froideur glaçantes. Avant qu'Ouyahia en tant que Premier ministre et chef de la seconde force politique du pays ne rectifie le tir, le ministre de l'Intérieur Nouredine Bédoui était déjà monté au créneau mardi dernier pour démentir officiellement la fin des subventions, dont celle sur les carburants. Bédoui a calmé le jeu en déclarant que «le pays vit une situation financière inédite, mais n'abandonnera pas le système des subventions». Alors, Bédoui a-t-il volé au secours d'Ouyahia ou a-t-il été mandaté par son chef de gouvernement de cadrer les déclarations d'un autre membre du gouvernement ? Une cacophonie et une divergence de positions entre ministres de la République de cette ampleur sur un sujet aussi sensible que la subvention publique aux produits de base, les services sociaux, l'accès au logement et à la santé, peut ne pas ressembler à une débandade, mais cela en a en tout cas tous les aspects. Comme pour éteindre le feu, le Premier ministre monte au créneau lui-même, affirmant vendredi à Biskra que l'Etat ne va pas abandonner le système des subventions, alors que ses ministres, du Commerce et ensuite des Finances, affirment depuis le début du mois de février que cette forme de soutien public aux bas salaires et aux couches sociales vulnérables a atteint ses limites, qu'elle va être revue, avec un abandon progressif du soutien de certains produits, dont les carburants. «J'ai entendu dire que l'Etat va supprimer les subventions», a-t-il dit devant ses militants, avant de mettre sur le dos de la presse les propos de son ministre des Finances à Dubaï, qualifiant les comptes rendus des agences de presse mondiales, repris par la presse nationale, de «mensonge». Comme toujours, le discours populiste vient à la rescousse du Premier ministre et patron du RND qui a accusé «les marchands de la politique» qui ont selon lui «sauté sur l'occasion pour accuser l'Etat de chercher à appauvrir le peuple». Il ira jusqu'à se déjuger lui-même, grand pourfendeur des subventions de carburants qui alimentent la contrebande transfrontalière, pour annoncer qu»'il n'y aura pas de levée des subventions, ni sur l'essence, ni sur le pain, ni sur le lait, ni sur l'électricité ou autres». De telles déclarations, plus de deux semaines après celles du ministre des Finances, ne peuvent être expliquées que par une intervention du président Bouteflika lui-même qui aura recadré autant son Premier ministre que le gouvernement sur cette question sensible des subventions. D'autant que personne ne voudrait chahuter l'élection présidentielle de 2019 avec une telle mauvaise nouvelle pour les ménages, écrasés par le poids de l'inflation, une baisse accélérée du niveau de vie, le chômage, les grèves, la grogne sociale et, plus que tout, des horizons bouchés. Les déclarations d'Ahmed Ouyahia seraient par ailleurs les prémisses d'un revirement à 180 degrés de la politique publique des subventions et il ne serait pas étonnant que le gouvernement va freiner des quatre fers sur ce dossier. |
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