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Les
faits de l'affaire qui a été jugée par le tribunal criminel d'Oran, lundi
dernier, remontent au mois de décembre 2014 et ont eu pour théâtre la cité
Point du Jour où le domicile d'un juge a été cambriolé. La valeur du butin
dérobé (entre bijoux, argent en monnaie nationale et devises étrangères, et
divers autres objets) a été estimée à plus de 800 millions de centimes.
Cambriolage à la cité Point du Jour Dans l'après-midi de ce vendredi 12 décembre, Gh. Mohamed Mosaddek reçoit un appel téléphonique de son fils qui l'avertit que leur maison avait été cambriolée en leur absence: «Arrivé en catastrophe chez moi, je me suis directement dirigé vers les coffres-forts où nous gardions notamment les documents importants et l'argent. Tout avait disparu : documents, chéquiers, carnets d'épargne, argent,?.», racontera la victime lors du procès à la barre. Il dira également comment l'exploitation de la caméra de surveillance avait permis de voir qu'un jeune homme, habitant dans le voisinage, était passé devant la maison à onze reprises entre 11h et 11h30, heure présumée du cambriolage : «Pendant que son complice pillait la maison, il faisait le guet», continue-t-il, sûr de son fait. Après le dépôt de plainte auprès du commissariat du 3ème arrondissement, les investigations commencent : jusqu'à fin décembre, plusieurs suspects sont interpellés et interrogés pour être, en fin de compte, relâchés, leur implication dans le cambriolage n'ayant pas été démontrée. Ce n'est qu'en mars 2015 que les services de police mettent la main sur deux suspects «sérieux» : B. Abdelghani et Dj. Mohamed Amine, qui ont en commun d'avoir trempé dans des vols de voitures et purgé des peines de prison pour ces forfaits. Selon le dossier de l'accusation, les deux hommes -qui ont été arrêtés grâce aux échanges téléphoniques au moment des faits et les images des caméras de surveillance- ont fait des aveux complets lors de l'enquête préliminaire et donné, séparément, les mêmes informations et les mêmes détails sur le déroulement du cambriolage de décembre. Filmés par des caméras de surveillance Voisin du juge, Mohamed Amine aurait remarqué que la famille Gh. s'absentait tous les vendredis, laissant la maison vide pendant plusieurs heures. Convaincu que le domicile d'un juge devait recéler des objets de valeur, le voisin aurait téléphoné à son complice Abdelghani pour lui proposer la bonne affaire. Aux environs de 11h, celui-ci serait arrivé devant la maison et, tandis que son acolyte le couvrait en passant et repassant dans la rue au volant de sa voiture, il aurait brisé la serrure de la porte d'entrée, cassé une fenêtre et pénétré à l'intérieur de l'appartement. Un quart d'heure plus tard, il serait ressorti avec le précieux butin et les deux complices auraient quitté la cité Point du Jour, chacun à bord de sa propre voiture. Les deux cambrioleurs se seraient par la suite partagé le butin et brûlé les documents, sans valeur marchande, retrouvés dans les deux coffres-forts. Les enquêteurs découvriront par la suite que, quelques temps après le cambriolage, Abdelghani avait acheté une voiture à sa femme et lui avait offert des bijoux, et que Mohamed Amine avait également changé de voiture. Grâce aux informations livrées par les deux hommes, les enquêteurs interpelleront six autres personnes (dont l'épouse de Abdelghani) suspectées de recel d'objets volés. A la fin de l'instruction, plusieurs charges seront retenues contre les six suspects : B. Abdelghani et Dj. Mohamed Amine seront inculpés et écroués pour association de malfaiteurs en vue de la perpétration d'un crime selon les articles 176 et 177 (alinéa 1) du code pénal, vol qualifié suivant l'article 353 (alinéas 3, 4 et 5), et destruction de documents actes de l'autorité publique conformément aux articles 409 et 410. F. Zahia, épouse de Abdelghani, sera accusée de recel d'objets qu'elle savait volés (articles 387 et 388) mais sera laissée en liberté sou contrôle judiciaire, au même titre que le reste des inculpés, en majorité des bijoutiers poursuivis pour recel. «J'ai été torturé, électrocuté !!» A la barre ce lundi 5 février, B. Abdelghani, électricien de 50 ans, revient sur ses déclarations et dénonce la torture qui lui aurait été infligée par des éléments de la police : «J'ai été torturé, électrocuté. J'aurais avoué n'importe quoi», dit-il à la juge avant d'être pris d'un malaise. L'homme est cardiaque et la déposition devant le tribunal semble le supplicier : «Chez la police, c'est le plaignant et sa femme juge qui nous ont interrogés», ajoutera-t-il encore en jurant que le jour des faits, il se trouvait au marché de voitures de Benfréha. «Mais comment expliquez-vous que vos déclarations et celle de Dj. Mohamed Amine concordent sur les moindres détails ?», questionne la présidente d'audience : «C'est un dossier monté de toutes pièces par la police», rétorque-t-il en continuant de nier sa participation au cambriolage. Dj. Mohamed Amine, courtier de voiture âgé de 35 ans, rejette, lui aussi, toutes les accusations : «Quand j'ai été arrêté, j'ai été battu et torturé de 9h du matin à 1h de l'après-midi sans même que je sache pourquoi !», dénonce-t-il avec véhémence. Très agité, il affirme avoir signé les PV d'auditions sous la contrainte : «Avant que je ne pénètre chez le juge d'instruction, les policiers m'ont ordonné de signer tout ce que le magistrat me soumettrait», continue-t-il quand la présidente d'audience lui présente les PV d'audition sur lesquels, dit-elle, «vous avez fait des aveux complets.» Seule femme à être impliquée dans le dossier, F. Zahia -qui a repris son nom de jeune fille après le cauchemar enduré depuis le cambriolage- crie son innocence et revient sur de précédentes déclarations : «Mon mari m'a acheté l'Atos parce que je l'avais soutenu pendant des années quand il séjournait en prison. Je n'étais pas au courant que l'argent utilisé pouvait être le produit d'un vol», éclatera-t-elle en sanglots. Les autres accusés, bijoutiers en majorité, nieront avoir su que l'or cassé ou les boucles de ceintures, proposés par Abdelghani, pouvaient provenir d'un vol. Le parquet veut 20 ans pour les principaux accusés Après les interventions des avocats de la partie civile qui soutiennent que les faits rapportés par le dossier d'accusation prouvent l'implication des accusés, la représentante du ministère public prend la parole pour assurer que les échanges téléphoniques entre les deux principaux accusés au moment du cambriolage, leurs aveux détaillés et les enregistrements des caméras de surveillance, démontrent, sans l'ombre d'un doute, leur culpabilité. Elle requerra contre eux 20 ans de réclusion criminelle comme elle demandera 10 ans contre Zahia et 5 ans contre le reste des accusés qu'elle considère coupables de recel. Tour à tour, les avocats de la défense feront le procès de la police, dénonçant des «procédés inhumains» contre les accusés (des photos d'un suspect malmené seront exhibées dans la salle par un avocat), ironiseront sur la «concordance parfaite, à la virgule près» des dépositions de Abdelghani et Mohamed Amine, et déploreront la présence du plaignant lors des interrogatoires de la police «comme s'il était enquêteur ou juge.» Ils s'interrogeront également sur l'absence d'empreintes digitales et de preuves matérielles situant les accusés sur les lieux au moment des faits : «Je défie quiconque de nous prouver que les caméras montrent le visage de Mohamed Amine», lance son avocat qui affirme que les policiers «ont cherché à tout prix à boucler l'affaire en raison de la qualité de la victime.» A la fin de leurs plaidoiries, tous les avocats demanderont l'acquittement de leurs clients pour absences de preuves matérielles accablantes. Après délibérations, le tribunal criminel déclarera B. Abdelghani et Dj. Mohamed Amine coupables et les condamnera à dix années de réclusion criminelle. Elle prononcera également un verdict de culpabilité à l'encontre de F. Zahia qu'elle condamnera, toutefois, à deux ans avec sursis. Quant aux autres accusés, trois écoperont d'un an avec sursis et deux bénéficieront de l'acquittement. |
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