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Selon l'expert international: Raif Mokretar Kharroubi «Le cadre administratif et financier n'incite pas aux investissements»

par Yazid Alilat

Le recours à la diaspora algérienne pour booster l'économie, la recherche-développement ou les ressources humaines est devenu un «impératif» pour l'Algérie, estime l'expert international Raif Mokretar Kharroubi. «La diaspora est un impératif pour l'Algérie», a-t-il souligné, hier mardi, à la radio nationale, relevant que «même les pays développés font appel à leur diaspora pour la capitaliser financièrement, et à travers sa matière grise.» Au niveau mondial, la diaspora représente une capitalisation de près de 600 milliards de dollars, un flux qui va vers les pays d'origine. Pour cet expert, «on peut mobiliser une partie de ce flux à travers les investissements, dont 100 milliards de dollars de la diaspora pour l'Algérie», souligne-t-il, avant de préciser que ce flux d'argent sera «beaucoup plus, en terme de savoir-faire, capitalisé et utilisé en Algérie, car plus sensible à la réalité algérienne par rapport à une institution étrangère qui découvre l'Algérie».

M. Mokretar Kharroubi, sur l'appel du gouvernement à la participation de la diaspora algérienne à l'effort de développement national, a souligné qu'«il faut faire plus que tendre la main à la diaspora, car le gouvernement et ses institutions ne connaissent pas le nombre des membres de la diaspora à l'étranger.» «Pour cela, il faut faire appel aux ambassades et les universités qui ont offert des bourses d'études, et travailler pour les faire venir au pays et y investir.» Il faut surtout, a-t-il affirmé, «instaurer un climat de confiance, faire beaucoup de rencontres, de séminaires, de congrès pour capter la diaspora. C'est très bien, mais il y a la difficulté de l'acte d'investissement, la bureaucratie de l'administration algérienne, et tant qu'on ne réglera pas ce problème, cela restera un effet d'annonce.»

Pour capter l'intérêt de la diaspora algérienne, installée autant en France, en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, en Australie, au Canada surtout, «il faut immédiatement, pour stimuler cela, établir ce climat de confiance, et consolider cela.» Car, selon lui, il y a bien des barrières à lever pour attirer la diaspora, dont «la loi sur la préemption, ou la règle des 51/49%, qui ne stimulent pas l'investissement étranger.» En outre, «e cadre administratif et financier (en Algérie) n'incite pas aux investissements, le droit de préemption est également un frein, et cela coûte 2% de PIB, car les lois sont instables.» «Et, quand il n'y a pas de visibilité sur cinq ans, il y a beaucoup qui ne viennent pas en Algérie par rapport à d'autres pays, qui offrent cette visibilité» a-t-il dit. Pour bien cibler la diaspora algérienne, il faut d'abord, préconise M. Mokretar Kharroubi, établir dans une première étape «une cartographie de cadres algériens pour savoir ce qu'ils font et où ils sont. Ensuite, savoir cibler ce que nous voulons.» Il a ainsi rappelé que 56 pays dans le monde, dont la Chine, ont créé 400 institutions «pour catalyser la diaspora et capter son savoir-faire.» En fait, estime-t-il, «les difficultés de l'Algérie aujourd'hui, c'est qu'on a des statistiques économiques, mais en revanche, pour les statistiques sectorielles, c'est très difficile d'avoir des chiffres, et ce n'est pas évident pour un investisseur. Une visibilité sur les chiffres aiderait beaucoup.» Le rôle clé de la diaspora, selon lui, est de pouvoir «catalyser les points forts du pays où ils sont installés vers leur pays d'origine, dans les domaines universitaires, de la finance, des banques et du savoir-faire sectoriel ou professionnel.» Et l'un des «leviers, ce sont les associations, la société civile, qui sont une chose importante pour drainer les investissements de la diaspora à travers un partenariat public, car seulement 2% des 100 milliards de dollars capitalisés par la diaspora à l'étranger sont transférés en Algérie.» Il faut pour cela, estime-t-il, «améliorer le climat et l'environnement de l'investissement en Algérie. Car, les pays qui ont réussi sont ceux qui ont tout ouvert d'abord, et après ils font le point sur les secteurs qui ont évolué et ceux qui n'ont pas avancé, et donc il ne faut pas pré-cibler les secteurs, et ne pas protéger les secteurs également.»

M. Mokretar Kharroubi, diplômé du MIT (USA), estime en fait qu'il ne faut pas «trop cibler les grosses compétences, qui sont en majorité en déphasage par rapport à la réalité algérienne, mais les cadres moyens, qui peuvent venir investir et aider le pays. Il faut cibler des compétences moyennes qui ont plus de facilité à adapter les technologies testées ailleurs, mais dans les grandes technologies, il faut cibler les grandes compétences», préconise-t-il encore.